TOMBOUCTOU (Mali) - Otages, frappes aériennes sur les
combattants islamistes, discussions avec les rebelles touareg: Kidal, où des
soldats français ont pris le contrôle de l`aéroport et sa région, dans
l`extrême nord-est du Mali, focalisait jeudi toutes les attentions au Mali et
en France.
Après Gao et Tombouctou, reprises en moins de trois jours du 26 au 29
janvier, Kidal est la dernière grande ville du Nord encore aux mains des
groupes armés. Mais cette fois, la France privilégie la négociation, évoquant
une "situation particulière".
Longtemps tenue par le groupe islamiste Ansar Dine (Défenseurs de l`islam),
allié à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), Kidal venait de passer sous le
contrôle du Mouvement islamique de l`Azawad (MIA, dissident d`Ansar Dine) et
du Mouvement national pour la libération de l`Azawad (MNLA, rébellion touareg)
quand les Français y sont arrivés dans la nuit de mardi à mercredi.
Le MIA a fait savoir mercredi qu`il s`opposait à la venue à Kidal, à 1.500
km au nord-est de Bamako, de soldats maliens et ouest-africains.
Kidal et sa région, le massif des Ifoghas, près de la frontière algérienne,
sont le berceau des mouvements indépendantistes touareg. Et un lieu de
détention "probable" pour les sept otages français au Sahel, selon Paris.
"Il est probable" que les otages "soient dans la région" du massif des
Ifoghas au nord de Kidal, a déclaré sur la radio France-Inter Jean-Yves Le
Drian, ministre français de la Défense, ajoutant: "Nous ne perdons jamais de
vue, ni d`esprit, ni de sensibilité, le fait qu`il y a des otages français
dans ce territoire".
Sept otages français ont été enlevés par des islamistes au Niger et au Mali
en 2011 et 2012. Leurs ravisseurs ont menacé de les tuer en cas d`intervention
militaire française.
Le massif des Ifoghas est aussi le dernier refuge des combattants
islamistes chassés des villes du Nord du Mali qu`ils occupaient depuis près de
dix mois.
L`aviation française a d`ailleurs procédé ces derniers jours à des frappes
aériennes "assez importantes" dans la région d`Aguelhok, à une centaine de
kilomètres au nord de Kidal, selon le ministère français de la Défense.
"Les objectifs visés étaient des centres de commandement, des dépôts
logistiques, des centres d`entraînement", a précisé le porte-parole de
l`état-major, le colonel Thierry Burkhard.
La région d`Aghelhok est, selon le colonel Burkard, "assez logiquement une
zone de repli des groupes terroristes qui sont en train de remonter vers le
nord".
Un détachement d`environ 1.400 militaires tchadiens remonte par ailleurs
par la route de la frontière nigérienne, où il était positionné, en direction
de Kidal, selon Paris.
Au même moment, à 340 km au sud de Kidal, une importante colonne
franco-malienne de blindés et de véhicules 4x4 est partie de Gao en direction
de Bourem, à 90 km plus au nord, a constaté un journaliste de l`AFP.
Des combattants islamistes auraient été répérés dans des villages de cette
zone, en cours de sécurisation, selon des habitants.
Au moins deux soldats maliens ont été tués jeudi par une mine au passage de
leur véhicule, entre les villes de Hombori et Gao (nord du Mali), récemment
reprises aux islamistes.
"On soupçonne fortement les islamistes d`avoir posé cette mine. C`est
arrivé dans une zone qu`ils contrôlaient. Mais on ne sait pas encore si elle
avait été posée avant leur départ ou s`ils sont revenus depuis la poser", a
indiqué une source malienne de sécurité.
Que "mijote" l`adversaire?
Sur Radio France International (RFI), le président malien par intérim,
Dioncounda Traoré, s`est de son côté interrogé sur la stratégie des groupes
islamistes, se demandant "pourquoi il n`y a pas eu de combats, ce que
l`adversaire mijote". Les islamistes "se sont retirés des grandes villes pour
ne pas se trouver coincés et ils ont dû se retirer pas très loin de ces
agglomérations", a-t-il ajouté.
Concernant le volet politique de la crise et la perspective de
l`après-guerre, M. Traoré a déclaré: "le seul groupe avec lequel nous pouvons
envisager des négociations c`est certainement le MNLA, à condition que le MNLA
renonce à toutes ses prétentions territoriales".
Rébellion laïque, le MNLA a renoncé à sa revendication d`indépendance du
nord du Mali, d`où il avait été totalement évincé en juin 2012 par Aqmi et ses
alliés, Ansar Dine et Mujao.
M. Traoré a estimé que le président burkinabé Blaise Compaoré, médiateur
ouest-africain, se "trompe" en pensant pouvoir négocier avec Ansar Dine, à
l`origine de l`offensive du 10 janvier vers le sud du Mali qui a déclenché
l`intervention française.
"Ansar Dine s`est disqualifié, il n`est plus éligible au dialogue quel que
soit par ailleurs le masque que certain d`entre eux ont décidé de porter
désormais", a affirmé M. Traoré, allusion au mouvement dissident MIA.
De son côté, le secrétaire général de l`Otan, Anders Fogh Rasmussen, a
salué jeudi l`action "rapide et efficace" de la France mais a indiqué que
l`Alliance n`avait pas de rôle à jouer dans la stabilisation du Sahel.
Et à Bruxelles, les ministres européens des Affaires étrangères se sont
déclarés "alarmés" des "allégations de violations des droits de l`Homme" au
Mali et ont demandé aux autorités de ce pays d`"enquêter immédiatement" sur
d`éventuelles représailles contre les Touareg ou les autres minorités
ethniques.
Les tensions sont fortes dans le nord du pays entre, d`un côté, les
minorités arabe et touareg, dont les membres sont largement majoritaires dans
les groupes islamistes armés, et de l`autre les Noirs majoritaires au Mali.
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