En prélude au 1er mai, Fête du travail, madame Sidibé Dédéou Ousmane, Secrétaire générale de la Centrale démocratique des travailleurs du Mali (CDTM), a bien voulu nous accorder une interview. C’est une militante poignante, engagée et déterminée que nous avons rencontré dans son bureau à l’INPS, le 29 avril. Madame Sidibé Dédéou Ousmane aborde les raisons de la création de la CDTM, la polémique née de l’élection du Représentant des travailleurs au Conseil d’administration de l’INPS, ses victoires dans la lutte syndicale, les acquis obtenus par la CDTM, et ses relations avec les autres centrales syndicales du Mali. Lisez plutôt.
Le Pays : Pouvez-vous nous dire quelles sont les raisons qui vous ont poussée à créer une centrale syndicale?
Madame Sidibé Dédéou Ousmane : Je n’ai pas été seule à prendre l’initiative de créer cette centrale syndicale. Nous étions un certain nombre de syndicats nationaux qui avaient été exclus lors du dernier congrès de l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM). Obligation nous a été faite par nos militants de nous rassembler et de trouver une issue. Ce n’est pas moi qui ai pris l’initiative de créer la CDTM, même si, j’ai été certes, désignée Secrétaire Générale de la centrale Démocratique des travailleurs du Mali. L’initiative vient d’un ensemble de syndicats nationaux dont en grande partie le Syndicat national des travailleurs des administrations d’Etat, SYNTADE. Il y avait à l’époque plus de 11 sections qui avaient été exclus de l’UNTM dont le Syndicat national des artisans du Mali, le Syndicat national des pharmaciens du Mali. Tous ceux-ci ont été exclus lors du dernier congrès de l’UNTM.
Le Pays : Que répondez-vous à ceux qui disent que CDTM n’est qu’une centrale de trop ?
SDO : Pas du tout. Il n’ya jamais de centrale de trop. Dans certains pays, il faut vous renseigner, il y a plus de cinq centrales, et plus de dix centrales dans d’autres. Ce n’est pas la multiplicité des centrales qui est en cause. Le pluralisme syndical est constitutionnel, au même titre que le multipartisme. Mais je ce que déplore dans le cas du Mali, c’est le manque de coordination et d’unité syndicale entre le peu de centrales qui existent, à savoir l’UNTM, la CSTM, la CTM et la CDTM.
Le Pays : De sa création à nos jours, quels sont les combats que vous avez mené et quels résultats avez-vous obtenu?
SDO : Sur ce plan, l’opinion nationale en sait quelques choses. Nous avons posé beaucoup d’actions au profit des travailleurs, en témoigne éloquemment notre cahier de revendications en 30 points qui a été déposé au niveau du gouvernement. Ces revendications ont fait l’objet de négociation. A l’issu des négociations, la CDTM a obtenu un accord sur 28 points, qui sont entrain d’être exécutés. Seuls deux points sont en suspens. Je dis bien en suspens. Ce ne sont pas des points de désaccord, mais ce sont des points qui sont suspendus, et que nous sommes entrain d’étudier.
Le pays : Aujourd’hui, combien de syndicats sont affiliés à votre centrale ?
SDO : Nous avons 5 syndicats nationaux qui sont affiliées à la CDTM. Le dernier à nous rejoindre a été le Syndicat national des travailleurs des collectivités, qui est venu rejoindre son confrère du Syndicat national des enseignants fonctionnaires des collectivités. En plus de ceux-ci, il faut ajouter le Syndicat national des artisans, le syndicat national des travailleurs des administrations d’Etat, qui couvre pratiquement une bonne partie de l’administration centrale dont l’INPS, les Maliens de l’extérieur, le personnel civil de la Défense, les surveillants de prisons, les municipalités, les institutions de la République etc.
Le pays : Qu’est ce que la CDTM compte apporter de nouveau à la lutte syndicale dans notre pays ?
SDO : Au stade, où nous en sommes, la CDTM a toujours privilégié le dialogue social. Je crois qu’avec ce dialogue social nous avons déjà des acquis. Et nous continuons, dans le cadre du dialogue social, à défendre les intérêts des travailleurs pour lesquels il reste beaucoup à faire. Sur le plan des conditions de travail, ce n’est pas du tout la joie, il faut les améliorer. C’est ce que nous prônons à la CDTM, c’est-à dire la culture de l’entreprise, car nous voulons innover dans ce sens. Il faut éduquer les travailleurs, il faut que l’administration rencontre des travailleurs forts conscients de leurs problèmes et qui ont des arguments solides pour les défendre.
Le pays : une série de questions qui se rapporte à l’INPS. On sait que vous avez été élue par vos collègues représentante des travailleurs au Conseil d’administration de l’INPS. Cette élection est abondamment commentée par nos confrères. Elle est même fortement contestée par le SYNTADE, UNTM de l’INPS. D’abord, pouvez-vous nous dire dans quel contexte s’est déroulée cette élection ? Ensuite, qu’est ce que cela vous fait d’être élue représentante des travailleurs au Conseil d’administration de l’INPS? Et que pensez-vous de la polémique
SDO : Concernant le premier aspect, l’élection s’est bien tenue. J’ai ici le rapport de la Commission d’organisation de l’élection qui avait été mise en place par la Direction générale. Une commission composée des représentants de SYNTADE-UNTM de l’INPS, de la CSTM et de la CDTM. Je rappelle que c’est une élection interne de l’INPS. Il y avait trois sections syndicales qui étaient en face à savoir l’UNTM, la CSTM et la CDTM. Ceux-ci étaient chargés de rassembler toutes les informations à l’issue de l’élection. L’élection s’est déroulée dans de très bonnes conditions. Nous avons 26 établissements de vote sur l’ensemble du territoire national. Vous savez que l’INPS a des directions régionales et mêmes des agences secondaires. Toutes les parties avaient leurs assesseurs dans les bureaux de vote. Pour la transparence du scrutin, un inspecteur du travail a été désigné à cet effet. A la fermeture des bureaux de vote, les procès verbaux sont parvenus à la Commission d’organisation. Les procès verbaux et les rapports de la Commission ont été présentés sans incident. Toutes les parties prenantes ont signé les procès verbaux en bonne et due forme. Aucune anomalie n’a été signalée. Bon, c’est vrai que beaucoup de choses ont été dites. Mais, chacun est libre de prendre la chose comme il l’entend. Ça aussi, c’est la démocratie. Mais, je trouve que la contestation est mal fondée. Parce que ceux qui sont entrain de contester aujourd’hui ont été partie prenante du début du scrutin jusqu’à la proclamation définitive des résultats à 3 heures du matin. Ils sont comptables et acteurs de tout ce qui s’est passé. Et les rapports sont disponibles.
Le pays : Au sein du Conseil d’administration, que comptez-vous mener comme actions pour préserver les intérêts des travailleurs ?
SDO: j’ai siégé au Conseil d’administration pendant 10 ans au compte des travailleurs. Je n’ai pas siégé au nom d’une centrale. Ce personnel a suffisamment donné la preuve en me réélisant à nouveau comme leur représentante au sein du Conseil d’administration. Nous avons eu des acquis. Au Conseil d’administration, nous avons négocié et obtenu un Accord d’établissement dont une partie a été mise en œuvre. A savoir l’augmentation de la valeur du point indiciaire qui a fait tripler le salaire des agents de l’INPS. La mise en place d’un plan de carrière est également une réussite. Vous savez, le plan de carrière est très important dans une entreprise. Mais beaucoup de choses restent à mettre en œuvre. Et il reste beaucoup de choses à défendre pour les travailleurs, notamment le problème de logements. Il y a la Coopérative de l’habitat que j’ai personnellement créée en tant que Secrétaire générale de l’INPS. Une commission a été mise en place et elle est entrain de travailler sur le projet de construction de cité INPS à l’instar des grandes entreprises du Mali. Le fonds social qui fait partie de l’Accord d’établissement doit aussi être mis en œuvre, car très important pour les travailleurs. Le chantier est très vaste, je ne peux que citer ceux-là. Il ya, en plus, les intérêts de l’INPS, que je dois défendre au sein du Conseil d’administration.
Le pays : Quels sont vos rapports avec les autres centrales syndicales, notamment l’UNTM, votre centrale d’origine?
SDO : Moi, j’ai des rapports très cordiaux, amicaux et de camaraderie avec les membres du Bureau exécutif de l’UNTM. Je n’ai pas de problème personnel. Il ne peut pas y avoir de problème personnel. C’est le même type de rapport que j’ai aussi avec les autres centrales. Nos relations sont basées sur le respect mutuel. Lorsqu’on se rencontre dans les foras ou les réunions avec nos partenaires, parce que nous sommes appelé à nous rencontrer, c’est vraiment la convivialité. Les acquis de l’UNTM sont mes acquis. J’ai été membre du Bureau exécutif de l’UNTM pendant 7 ans et j’ai siégé au Conseil économique et social au nom de l’UNTM. Donc, tout ce qui a été défendu et obtenu, j’en suis comptable.
L’appel que je lance, d’abord en direction des travailleurs de l’INPS, c’est que nous mettions l’intérêt de notre entreprise au dessus de tout. Parce que c’est l’INPS que nous avons toujours défendu jusqu’ici. Nous avons donc le devoir d’en assurer la pérennité. Aujourd’hui, nous sommes des travailleurs de l’INPS. Demain, lorsque nous serons à la retraite, nous relèverons encore de l’INPS. Que Dieu nous éloigne de ce moment! Mais inévitablement cela arrivera. Nos ayant-droits, à leur tour, toucheront leurs droits à l’INPS. Donc, j’en appelle à la solidarité entre tous les travailleurs du Mali et du monde entier.
Entretien réalisé par Abdrahamane Sissoko.