Salif Keita : Je sentais qu`il y avait une tension entre les religieux. Des salafistes venaient de Gao pour infiltrer le milieu musulman dans la capitale. Peu à peu, la politique était en train d`intégrer la religion dans les habitudes administratives et personne ne cherchait à analyser les conséquences de cette invasion pour l`avenir. Or religion et politique sont et doivent demeurer deux choses différentes. Le Mali est un pays laïque. Le Malien, dans son comportement même, est laïque. Musulman, il va à la mosquée, mais fête aussi Noël et le premier de l`an, sans oublier de consulter le féticheur, car l`animisme est profond chez lui. Tout cela est autorisé et naturel dans ce pays.
À quel moment la situation a-t-elle commencé à exploser ?
En mars 2012, des enfants ont été envoyés à la guerre, des jeunes, des militaires que l`on n`a pas armés, qui n`étaient pas dans de bonnes conditions pour se défendre, et ils ont été égorgés au Nord. L`armée s`est énervée et les parents de ces fils, frères, pères ont décidé de réagir. En même temps, les salafistes arrivaient et l`on voyait le gouvernement s`effondrer, l`État lui-même était en train de disparaître. Personne dans ce milieu politique ne peut aujourd`hui se dire innocent. Tous les politiques sont mouillés. Les partis ne remettaient jamais en cause le président, car tout le monde comptait sur son support à la fin de son mandat, personne ne lui disait que ce qu`il faisait n`était pas bon ou qu`il ne faisait pas.