TOMBOUCTOU (Mali) - Les sept otages français enlevés par des islamistes au Niger et au Mali en 2011 et 2012, se trouveraient probablement dans les montagnes au nord de Kidal, ville désormais aux mains des Français, a indiqué Paris jeudi, alors que deux soldats maliens sont
morts sur une route du Nord.
Le secrétaire général de l'Otan, Anders Fogh Rasmussen, a salué jeudi
l'action "rapide et efficace" de la France pour "stopper l'avancée des groupes
terroristes", mais a indiqué que l'Alliance n'avait pas de rôle à jouer dans
la stabilisation de la région du Sahel.
"Il était grand temps (...) d'ouvrir la voie à la force de stabilisation
africaine", a-t-il ajouté, en disant "apprécier" l'assistance" d'un certain
nombre de pays membres de l'Otan dans cette opération.
Au moins deux soldats maliens ont été tués dans l'explosion d'une mine au
passage de leur véhicule, entre Douentza et Hombori (nord du Mali), récemment
reprises aux groupes islamistes armés.
"On soupçonne fortement les islamistes d'avoir posé cette mine. C'est
arrivé dans une zone qu'ils contrôlaient. Mais on ne sait pas encore si elle
avait été posée avant leur départ ou s'ils sont revenus depuis la poser", a
indiqué une source malienne de sécurité.
Les militaires français ont fait part à plusieurs reprises de leur
vigilance à l'égard d'éventuelles mines ou bombes artisanales, que les
islamistes auraient pu dissimuler avant de prendre la fuite.
C'est à Hombori que deux Français avaient été enlevés en novembre 2011.
Sept otages français sont retenus par des groupes islamistes au Sahel, qui
avaient menacé de les tuer en cas d'intervention française.
"Il est probable" que les otages "soient dans la région" du massif des
Ifoghas au nord de Kidal, a déclaré sur la radio France-Inter Jean-Yves Le
Drian, ministre français de la Défense, ajoutant: "Nous ne perdons jamais de
vue, ni d'esprit, ni de sensibilité, le fait qu'il y a des otages français
dans ce territoire".
L'armée française a pris position dans la nuit de mardi à mercredi sur
l'aéroport de Kidal, qui après Gao et Tombouctou, reprises en moins de trois
jours du 26 au 29 janvier, était la dernière grande ville du Nord encore aux
mains des groupes armés qui occupaient cette région depuis près de dix mois.
"Les forces françaises sont à Kidal et tiennent l'aéroport. En attendant
que, elles et d'autres forces africaines, puissent sécuriser la ville", a
affirmé M. Le Drian. Quelque 2.000 soldats africains sont actuellement
déployés au Mali aux côtés de quelque 3.500 militaires français.
Longtemps tenue par le groupe islamiste Ansar Dine (Défenseurs de l'islam)
d'Iyad Ag Ghaly, ex-rebelle touareg, Kidal venait de passer sous le contrôle
du Mouvement islamique de l'Azawad (MIA, dissident d'Ansar Dine) et du
Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA, rébellion touareg)
quand les Français y sont arrivés.
Le MIA a fait savoir mercredi qu'il s'opposait à la venue à Kidal de
soldats maliens et ouest-africains.
Que "mijote" l'adversaire?
Experts et sources sécuritaires régionales pensent que c'est dans les
montagnes de l'Adrar des Ifoghas de la région de Kidal, berceau des Touareg
proche de la frontière algérienne, que les combattants et chefs des groupes
liés à Al-Qaïda se sont repliés après avoir fui les raids aériens de l'armée
française sur Gao et Tombouctou.
Interrogé sur une avancée des forces françaises "au-delà de Kidal" pour
repousser les combattants islamistes, M. Le Drian s'est refusé à toute
précision.
"La mission des forces françaises n'a pas changé: contribuer à restaurer
l'intégrité et la souveraineté du Mali, c'est-à-dire sur l'ensemble de son
territoire. Mais contribuer, pas seules, avec les forces maliennes et
africaines", a-t-il déclaré.
Sur Radio France International (RFI) Le président malien par intérim,
Dioncounda Traoré, s'est de son côté interrogé sur la stratégie des groupes
armés islamistes, se demandant "pourquoi il n'y a pas eu de combats et ce que
l'adversaire mijote". Ils "se sont retirés des grandes villes pour ne pas se
trouver coincés et ils ont dû se retirer pas très loin de ces agglomérations",
a-t-il ajouté.
Concernant le volet politique de la crise malienne et la perspective de
l'après-guerre, M. Traoré a déclaré que "le seul groupe avec lequel nous
pouvons envisager des négociations c'est certainement le MNLA, à condition que
le MNLA renonce à toutes ses prétentions territoriales".
Rébellion laïque, le MNLA a renoncé à sa revendication d'indépendance du
nord du Mali, d'où il avait été totalement évincé en juin 2012 par Aqmi et ses
alliés, Ansar Dine et Mujao.
M. Traoré a estimé que le président burkinabé Blaise Compaoré, médiateur
ouest-africain dans la crise malienne, se "trompe" en pensant pouvoir négocier
avec Ansar Dine, à l'origine de l'offensive du 10 janvier vers le sud du Mali
qui a déclenché l'intervention de l'armée française.
"Il est évident qu'Ansar Dine s'est disqualifié, il n'est plus éligible au
dialogue quel que soit par ailleurs le masque que certain d'entre eux ont
décidé de porter désormais", a affirmé M. Traoré, allusion au mouvement
dissident MIA.
Les députés maliens, unanimes, ont voté une "feuille de route" politique
pour l'après-guerre qui prévoit une discussion avec certains groupes armés
rejetant le "terrorisme" et la partition du Mali, dans le cadre de la
"réconciliation nationale".