Depuis son exil à Dakar, le président Amadou Toumani Touré semble plus que jamais présent au Mali. Son ombre plane dans tous les coins et recoins du pays, de Kayes à Kidal, aussi bien dans les salons feutrés de l’Administration que dans les causeries de grin au niveau du citoyen lambda ; dans la sphère politique que sur les ondes de radios, mais aussi dans les conférences, discours et autres débats d’idées. Si le président IBK inaugure les réalisations d’ATT ou s’abstient de le faire, c’est encore le nom de son prédécesseur qui revient.
Conséquence : si ce ne sont la bonne gouvernance sous son règne ou la nostalgie de son époque qui sont au centre des discussions, c’est le retour d’ATT au pays, avec des actions en vue pour ce faire, qui est sur toutes les lèvres. Visiblement, l’ancien président manque cruellement à ses compatriotes. Ce qui fait dire Souleymane Koné, Ancien ambassadeur, qu’ATT est l’absent le plus présent au Mali.
Démonstration !
Pour le retour d’ATT au Mali, où est la mer à boire pour IBK ? Rien, mille fois rien, se demandent les Maliens et les observateurs au Mali. En tout cas, le Président ATT, de son exil forcé à Dakar est devenu l’absent le plus présent dans nos préoccupations. Il est dans nos salons chaque jour par les ondes des radios privées ;
il est dans nos débats et discussions chaque fois que nous faisons le point sur la situation politique, sécuritaire, économique et même morale du Mali.
Il en est ainsi quand ses réalisations sont constamment mises au-devant par le chef de l’Etat en exercice chaque fois qu’il en inaugure, ou qu’il s’abstient de le faire. IBK et son équipe peinent à avoir une identité propre, sans que l’ombre de ATT ne soit plus lisible et plus
visible.
De quoi IBK a-t-il peur ?
Au regard de ce qui précède, le président IBK est le seul responsable du maintien de l’ancien président Amadou Toumani Touré en dehors du Mali, malgré l’engagement de la Cedeao sur son retour dès la mise en place des institutions démocratiques issues des élections de 2013.
Trois ans après, la gestion familiale de l’institution parlementaire a conduit au déni de justice sur la question. Pire, on entretient volontairement la confusion entre le retour d’ATT et l’issue de l’affaire de la plainte du Gouvernement qui a demandé sa mise en accusation « pour haute trahison » devant la Haute Cour de justice.
Depuis que le président IBK a publiquement lié le retour au Mali de ATT à sa prétendue inculpation par la justice, ce qui est une contre-vérité, il a complètement dénaturé le dossier en méconnaissance totale de la procédure en la matière.
Et l’asservissement de la présidence de l’Assemblée nationale à la « famille d’abord » a fini de faire de celle-ci une institution seconde qui, de report en report du débat sur le rapport de la Commission ad hoc favorable à ATT, a neutralisé toute mission parlementaire digne d’une République. Jamais, le parlement du Mali n’a autant été au service d’une famille plus qu’actuellement depuis l’indépendance de notre pays.
Toutes les grandes questions de la nation, sont évaluées, analysées et traitées à l’aune des intérêts de la famille présidentielle. Il en est ainsi de la gestion de l’armée (finances et commandement compris), des finances publiques avec l’avion présidentiel et autres indélicatesses. Et aujourd’hui, le retour au Mali du président Amadou Toumani Touré est subordonné à l’humeur du président IBK lui-même en violation absolue de l’article 12 de la Constitution disposant que « nul ne peut être contraint à l'exil ».
Car, il s’agit en espèce d’un exil forcé. Si ATT était contre tout bon sens inculpé ainsi que le prétend le président IBK, l’intérêt du Mali est qu’il vienne répondre à la justice de son pays. Si, ainsi que le rapport de la Commission ad hoc de l’Assemblée nationale l’indique avec pertinence, rien ne peut être juridiquement retenu contre lui, alors son maintien à l’extérieur du Mali est arbitraire, indigne de notre nation, piétine les idéaux et les valeurs de mars 1991, valeurs et idéaux clairement
exprimés dans l’article 12 de la Constitution du 25 février 1992.
Une honte pour le Mali
A propos du retour du Président Touré, la grande majorité des Maliens se demandent de quoi IBK pourrait se venger contre son prédécesseur ? Il lui retire sa maison de retraite contre toutes nos valeurs sociales et sur la base d’un prétexte fallacieux et l’empêche obstinément de revenir dans son pays. Pire, incapable de s’engager quand le retour de ATT ne demande entre autres que trois services minimums à l’Etat du Mali : s’engager à assurer sa sécurité et toute sa sécurité en sa qualité d’ancien président de la République ; lui assurer une résidence digne de son rang ; prendre des dispositions pour remercier les hautes autorités du Sénégal pour l’avoir accueilli et hébergé conformément à nos valeurs culturelles ; informer dûment la Cedeao de son retour et remercier cette organisation communautaire pour sa contribution constante au retour de la paix au Mali.
Où est la mer à boire dans tout cela ?
A la création de cette chronique, nous avions averti sur la délicatesse de la gestion de l’exil des personnalités historiques de notre pays. Faut-il le rappeler, le plus illustre des exilés politiques dans notre pays, s’appelait Soundiata Keita. Il est revenu de son exil à la demande des populations du Mali. Cela nous vaut encore
la fierté de parler de lui. La leçon à tirer à l’attention de toutes et de tous, est que l’adversité politique n’autorise pas tout.
Nous le soulignons ici très sincèrement, un pays s’humilie et se dévalorise aux yeux du reste du monde par la façon dont il traite ses anciens dirigeants, surtout élus démocratiquement. Le pouvoir IBK dévalorise politiquement et moralement notre pays aux yeux de nos voisins, de la Cedeao et de la communauté des démocraties par son comportement sur le retour, demandé et largement souhaité par les populations, du Président Amadou Toumani Touré.
Nombre des Maliens vivent cet exil d’ATT comme une honte pour leur pays et une injustice faite à l’intéressé.
Souleymane Koné
Ancien ambassadeur