De Kayes à Kidal, en passant par Koulikoro, Ségou, Mopti, les populations ont été, cette année, durement éprouvées par la pénurie potable. Crise conjoncturelle ou structurelle ?
Le phénomène, pour certains, sans précédent à Bamako, est enregistré ailleurs dans plusieurs capitales voisines. Par exemple à Niamey et à Ouaga où la population était la semaine dernière au bord de l’émeute.
Si la canicule enregistrée, cette année, a été de nature à griser les humeurs et provoquer quelques éclats de voix, notamment des députés, qui ont interpellé le ministre en charge du secteur sur la question, il faut bien en convenir que la pénurie d’eau n’est pas que malienne.
Un problème constant
Elle affecte presque tous les pays, tous les continents. Plus d’un milliard de personnes, soit près d’un cinquième de la population mondiale, vivent dans une zone où l’eau fait physiquement défaut.
Selon les statistiques de l’ONU, ce sont 1,6 milliard de personnes, soit presque un quart de la population mondiale, qui sont confrontées à une pénurie d’eau de type économique (les pays ne disposant pas des infrastructures nécessaires pour utiliser l’eau des rivières et des nappes phréatiques). Près de 500 millions de personnes sont menacées du fait de la pénurie d’eau.
Aussi, la pénurie d’eau fait partie des problèmes principaux auxquels de nombreuses sociétés et le monde, dans son ensemble, sont confrontés au XXIème siècle.
Face à la situation, quelles sont les solutions privilégiées par notre pays ?
Au centre des préoccupations et des stratégies gouvernementales, depuis une décennie, la question de l’accès des populations à l’eau potable, notamment celle de la capitale, a fait l’objet en 2010 d’un schéma directeur d’approvisionnement.
La réforme de 2010 a eu pour effet de séparer le secteur de l’eau et celui de l’électricité donnant ainsi naissance, pour ce qui est du secteur de l’eau, à deux sociétés : la première dite de patrimoine chargée du développement du secteur (SOMAPEP), et la seconde chargée de l’exploitation et de la commercialisation de l’eau potable (SOMAGEP).
Des solutions pragmatiques
Face à la réticence des bailleurs de fonds de s’engager, à l’époque, aux côtés de l’Etat (à cause de la divergence autour de la réforme du secteur de l’énergie), le département en charge de l’eau, par souci de satisfaire les besoins croissants des populations et par devoir d’anticipation, a fait adopter à partir de 2014 un nouveau schéma directeur pour l’horizon 2032.
Au regard de l’absence de financement, de manière pragmatique, entre 2014 et 2015, l’État a réussi à mobiliser un financement de 170 milliards de francs CFA pour financer la première phase du plan d’approvisionnement de la ville de Bamako.
En 2016, ce sont 152 milliards de francs CFA de financement qui ont été signés pour la seconde phase ; sur lesquels 62 milliards ont été mobilisés.
En vue de combler le déficit récurrent et anticiper sur les besoins, le ministre de l’Énergie et de l’Eau, conformément à une éthique bien assimilée avec le président IBK, a décidé de communiquer vrai : dire ce que l’on fait et faire ce que l’on dit.
En termes de mesures d’urgence, L’État a donc opté pour l’installation de stations compactes, avec des délais de réalisation courts : 9 mois. En relation avec des partenaires qui font confiance à nouveau à notre pays, et à ses institutions, et qui sont disposés à accompagner le projet, l’État compte tenir sa promesse avant la période caniculaire de 2017. Mais précise, le Ministre Frankaly, les stations compactes ne résoudront pas tout le déficit de Bamako. Aussi, pour diminuer le déficit en eau potable à d’ici 2018, l’État devra toujours reconduire l’Opération Citerne. Raison : le réseau de distribution de la SOMAGEP ne couvre pas l’ensemble du district de Bamako.
Pari de l’avenir
Le technicien aux commandes du secteur ne fait de l’opération Citerne un viatique à la pénurie. Pour juguler le déficit, le ministère de l’Energie et de l’Eau a fait le pari sur des projets structurants et mobilisé, pour leur réalisation, plus de 230 milliards de francs CFA, à travers le budget d’État et des financements extérieurs.
Ces projets structurants concernant l’approvisionnement en eau potable ne concernent pas que la ville de Bamako. Ils bénéficieront également aux populations des villes de Kayes, de Kati, de Sikasso et de Koutiala.
Cette année 2016 a marqué le démarrage effectif des travaux de deux projets structurants, en matière d’accès à l’eau potable. Il s’agit des projets structurants d’alimentation en eau potable de la ville de Bamako, à partir de la localité de Kabala, plus connu sous le nom de projet de Kabala et du projet d’appui dano-suédoise (PADS) au programme sectoriel de l’eau et assainissement (PROSEA).
Dans le souci de communiquer vrai, le ministre Mamadou Frankaly Keita tient à souligner que pour résoudre définitivement le déficit de production en eau potable de la ville de Bamako, les investissements envisagés par le gouvernement et ses partenaires permettront d’augmenter la capacité de production à environ 500 000 m3, à partir de Kabala, à l’horizon 2032.
Mais en attendant, tous les observateurs s’accordent que la situation de Bamako n’est pas la pire de la sous-région. Et pour cause, l’État malien consent plus de subventions pour ces secteurs stratégiques que d’autres. Ce qui vaut un léger mieux à Bamako qu’à Bamako, à Niamey ou ailleurs.
Par Sidi DAO