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Yelimané : enquête sur une poudrière
Publié le mercredi 11 mai 2016  |  Delta News




Dans le cercle de Yélimané, l'injustice semble atteindre son paroxysme. Cette injustice se caractérise par la mauvaise gestion des ressources de la collectivité par les élus communaux, la violation des droits ou de la liberté d'association et d'expression mais aussi et surtout par le refus des autorités locales de toute concertation démocratique avec les populations sur la gestion de leur collectivité.
Cette "dictature" qui ne dit pas son nom est en passe de créer un soulèvement populaire, voire un affrontement entre populations et élus du cercle de Yélimané. Du moins si rien n'est fait à temps par les plus hautes autorités pour désamorcer cette tension qui couve depuis quelques mois. Malijet.com a effectué un voyage à Yélimané pour décrypter et comprendre le problème des populations.
La genèse du problème
Pour comprendre le problème, il faut remonter au régime du général déchu Moussa Traoré. En effet, il s'agit, selon nos investigations, d'un vieux problème qui date de 1987.
En 1987 lorsqu'il a été annoncé que le président Moussa Traoré va se rendre à Yélimané dans le cadre de ses visites nationales, les populations de Yélimané, en commun accord avec les autorités locales, décident de réaliser certaines infrastructures qui manquaient pour l'accueil du chef de l'État dans les meilleures conditions.
Pour mobiliser les ressources financières nécessaires pour la construction desdites infrastructures (notamment un pied-à-terre, un bâtiment pour la gendarmerie ainsi qu'un véhicule), il a été décidé d'augmenter les TDRL de 1000 FCFA. Ainsi, une cotisation annuelle dénommée ‘’cotisation volontaire’’ a été instaurée. Au lieu de 1150 F (coût traditionnel du TDRL dans le cercle), chaque chef de famille du cercle de Yélimané doit payer désormais 2150 FCFA.
A noter que pendant trois ans, les objectifs ont été atteints et le président Moussa Traoré a été accueilli comme le souhaitaient les populations. Mais après la visite du chef de l'État, les populations ont continué avec le paiement des 2150 F par an, c'est-à-dire la ‘’cotisation volontaire’’ en plus de la TDRL, sans avoir la moindre idée sur la destination de cet argent.
Cette situation a continué et personne n’a levé le petit doit pour la dénoncer. Pour certains, c'était par peur d'être indexés et pour d'autres, c'était par méconnaissance.
Selon nos informations, c'est l'honorable Mahamadou Hawa Gassama qui, à la quête de son électorat lors des législatives de 2013, a lâché le mot lors d'un meeting en signifiant publiquement aux populations que grâce au paiement de la ‘’cotisation volontaire’’, les maires du cercle de Yélimané, le préfet, les sous-préfets et les députés se partagent, chaque année, plus de 45 millions FCFA.
Cela, après la répartition des impôts. Cette déclaration de l'honorable Gassama a permis non seulement de lever le voile sur une pratique malsaine qui n'a que trop duré, mais aussi elle a mis le feu aux poudres car, les populations n'ont pas tardé à demander son annulation immédiate. Cette exigence des populations qui semble être mal interprétée et considérée par les maires et autorités du cercle comme un refus de payer les impôts.
En 2015, 12 leaders d'opinion dont 3 chefs de village du cercle ont été emprisonnés pour avoir organisé un meeting pour demander l'annulation ou demander des explications sur la destination des fonds de la cotisation volontaire et des impôts. Ils ont passé 3 mois et 13 jours en prison avant d'être relâchés.
Arrestations et intimidations
Selon de nombreux témoignages, dont ceux des chefs de village du cercle de Yelimané, depuis l'avènement de la décentralisation, les impôts sont régulièrement payés, mais les maires ne font pas de compte rendu et ne réalisent rien. « Les écoles, les centres de santé, les mosquées, les points d'adduction d'eau qui poussent comme des champignons dans nos villages, ne sont pas l'œuvre des maires, ni du gouvernement. Ce sont des réalisations des populations, grâce à l'appui des expatriés à travers l'Association pour le développement du cercle de Yélimané, " Yélimané Dagakané" », a affirmé Lamine Tandia, chef de village de Diongaga.
Les ressortissants du cercle Yélimané à l'étranger ont décidé de se joindre aux populations pour combattre cette injustice. Le porte-parole de l'association en France, Bakary Diambo a été arrêté la semaine dernière et est actuellement en prison à Kayes pour avoir évoqué la question des impôts. Il était en vacances à Yélimané. Actuellement, 55 personnes du cercle dont des chefs de village, animateurs de radio et le président de l'association ‘’Yélimané Dagakané’’, Sadio Niakaté sont placés sous contrôle judiciaire.
Ces arrestations et intimidations sont orchestrées, selon nos sources, par les autorités locales (préfet, sous-préfets, maires du cercle) en complicité avec les députés. Le hic dans cette histoire est que l'honorable Mahamadou Hawa Gassama qui avait promis aux populations de les aider pour résoudre le problème, serait le principal commanditaire des arrestations arbitraires. À Bamako, le même Gassama justifie ces opérations par le refus des populations de payer l'impôt, ce qui est faux, selon les populations. Pourquoi l'honorable Gassama, connu comme un beau parleur, n'a jamais interpellé le ministre de l'Economie sur la question ? Boule de gomme.
« Dans le cercle de Yélimané, personne n'a refusé de payer l'impôt. Nous ne pouvons pas refuser de payer nos impôts car, Yélimané fait partie du Mali et nous sommes fiers d'être des Maliens.
Etre Malien, c'est payer ses impôts. Mais nous exigeons des explications par rapport à l'utilisation qu'on fait de nos impôts. Depuis l'avènement de la décentralisation, nous ne voyons pas les traces des taxes que nous avons toujours payées et nos élus ne font pas de compte rendu. Nous pensons que nous sommes en démocratie et nous avons droit à des explications par rapport à l'utilisation des taxes que nous payons.
Nous demandons au gouverneur de Kayes et autorités de Bamako de faire la part entre demande d'explication et refus de payer les impôts. Nous sommes prêts à mener ce combat jusqu'au bout », à expliqué le président de l'association ‘’Yélimané Dagakané’’, Sadio Niakaté, actuellement sous contrôle judiciaire.
Rappelons qu'outre la suppression de la ‘’cotisation volontaire’’ instaurée depuis 1987, les populations de Yélimané exigent aussi celle des taxes de voirie dans les communes de leur cercle.
Depuis quelques années, tous les chefs de famille payent annuellement 2000 FCFA en guise de taxes de voirie. Mais il ressort de nos investigations que depuis l'instauration de cette taxe de voirie par les maires du cercle, aucune activité de voirie n'a été réalisée dans aucune commune. Aussi, les élus locaux ne sont pas prêts de donner des explications, et demander des explications est aussi un crime de lèse-majesté.
« À Gory (village situé à 25 km de Yélimané), les populations s'acquittent régulièrement des taxes de voirie, mais le maire n'a jamais payé un seul balais pour l'assainissement du village. Que notre maire ait le courage de nous dire où vont nos taxes de voirie », a martelé Tamadieri Doucouré, chef de village de Gory.
Idem dans la ville de Yélimané où les rues sont jonchées d'ordures. Plus grave, le camion et autres matériels payés par l'association ‘’Yélimané Dagakané’’ pour l'assainissement de la ville ont mystérieusement disparu.
Des abus
Comme si cela ne suffit pas, les autorités locales (préfet et sous-préfets) ont interdit les activités de l'association ‘’Yélimané Dagakané’’ dans le cercle de Yélimané. La preuve, plus de 10 000 cahiers et autres manuels scolaires envoyés par les membres de l'association en France et destinés aux écoles du cercle n'ont pu être distribués à ce jour.
Aussi, des éoliennes envoyées de France pour l'électrification de l'hôpital de Yélimané sont bloquées par les autorités au motif que cette l'association n'a pas le droit de poser de tels actes dans le cercle. Alors que ‘’Yélimané Dagakané’’, est une association créée en bonne et due forme. Au même moment, l'hôpital de la ville est confronté à un problème d'éclairage.
« Il y a quelques semaines, une dame a accouché par césarienne. C'est avec une torche que l'opération a été faite, faute d'essence dans le groupe électrogène qui alimente l'hôpital. Pire, ce sont les patients hospitalisés ou leurs parents qui sont obligés de payer l'essence pour le groupe électrogène de l'hôpital dans les situations d'urgence.
C'est inadmissible. C'est difficile à comprendre que ce sont les gens que nous avons élus pour nous diriger qui sont aujourd'hui nos bourreaux. Face à ces situations, nous pensons que c'est un droit pour nous de savoir où vont nos impôts. C'est tout ce que nous attendons de nos maires, députés, préfets et sous- préfets », a souligné Sadio Niakaté.
Autre abus des autorités locales de Yélimané, l'atteinte à la liberté de la presse. Toutes les radios communautaires ou rurales (une quinzaine) à l'exception de la Radio Dambé de Kersignané ont été simplement fermées pour avoir tenté de parler ou de dénoncer les diverses injustices dans le cercle et les dérives des autorités.
Face à ces dérives ou abus des autorités locales, les populations du cercle Yélimané ne savent plus où mettre de la tête.
Elles se contentent demander aux autorités de Bamako, en l'occurrence, le président de la République de tout faire pour mettre fin aux arrestations arbitraires dont elles font l'objet quotidiennement. Elles exigent la libération sans condition de Bakary Diambo, porte-parole de l'association ‘’Yélimané Dagakané’’ en France lequel est détenu dans la prison de Kayes. Elles souhaitent aussi des concertations avec les autorités locales sur tous les problèmes du cercle et la levée du contrôle judiciaire autour des 55 personnes. S'y ajoute la suspension de paiement de la ‘’cotisation volontaire’’ instaurée depuis 1987 et de la taxe de voirie qui n'a pas sa raison d'être.
Précisons que toutes nos tentatives de rencontrer quelques maires sur la question des taxes ont été vaines.
À suivre..
M’Pè Berthé
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