En cette période de canicule, Bamako étouffe. Notre capitale suf-foque non seulement à cause de la forte chaleur, mais aussi de la mauvaise politique d’urbanisation qui est en train de décimer ce que la ville avait comme patrimoine et «poumon vert» !
«Est-ce que nos dirigeants voyagent souvent» ? C’est la question qu’un cousin installé aux Etats-Unis nous a posé lors de ses vacances passées au Mali en mars dernier. Un premier séjour, une vingtaine d’années après avoir quitté le pays avec son diplôme de professeur d’histoire/géographie du secondaire ob-tenu à l’Ecole normale supérieure de Bamako (ENSUP). Bien sûr qu’ils voya-gent. D’ailleurs les voyages, les voitures et les villas de luxe ainsi que les Maî-tresses sophistiquées sont les premiers rêves qu’un cadre malien souhaite vite réaliser dès qu’il a une portion de pouvoir ou de responsabilité pour puiser dans la fontaine publique (caisses du Trésor public). «Dans ce cas, quand ils voyagent, est-ce qu’ils regardent au moins un peu ce que les autres font chez eux ? Comment les rues et avenues sont propres, comment de plus en plus on prend bien soin de l’environnement, comment on casse même des édifices pour en faire des parcs ou des jardins publics afin non seulement de donner des espaces de jeu aux enfants, mais aussi purifier l’air… ?» est-il revenu à la charge quand nous lui avons répondu par l’affirmative.
Le cousin Samba est surtout dépité par la façon dont l’ACI 2000 a été urbani-sé «avec des bouts d’immeubles qui prennent tout l’espace, au lieu de cons-truire en hauteur pour mieux le gérer le maigre patrimoine foncier dons nous disposons». -It’s a waste (c’est du gâchis), rouspète Samba dans un anglais très américain.
Il est vrai que lors de notre séjour chez le Big Brother Obama, nous avions souvent eu l’impression que l’avion allait atterrir dans des forêts à une cer-taine altitude à l’approche des villes comme Atlanta. Une ville où la végétation n’est pas sacrifiée au profit du béton, mais traitée comme un élément de l’urbanisation moderne. Dans la capitale de la Géorgie (Etat du sud des USA), en plus des nombreux parcs, des quartiers entiers ont été créés sans réellement endommager la nature. On est nous souvent surpris de découvrir des habitations modernes dans cette dense végétation, comme ce quartier où nous avons passé Halloween en allant d’une villa à une autre comme les enfants. Même en Afrique, on ne manque pas de références comme les capitales maghrébines, Kigali, Accra…
Le quartier ACI 2000 a été aménagé à la place d’une luxuriante végétation et des terres maraîchères qui pouvaient être aujourd’hui le poumon vert de notre capitale. Le béton pousse partout dans la misère populaire et sans qu’on se préoccupe de la qualité et de la circulation de l’air, de l’indispensable hu-midité pour le corps… «Je pense qu’ils ont assez vendu. Il faut maintenant sauvegarder les rares espaces de maraîchage de cette zone, sinon dans les an-nées à venir, ceux qui habitent ou travaillent ici vont s’étouffer. Ces maigres aménagements (sur l’Avenue du Mali) ne suffissent pas. Il faut vraiment de vrais petits parcs… Les propriétaires de cet immeuble par exemple (l’Hôtel des Finances, siège du ministère de l’Economie et des Finances) doit acquérir tous les titres des jardins qui sont autour du bâtiment pour qu’on n’y puisse plus y construire et le priver d’air frais et pur», conseille Samba qui est aussi l’assistant d’un aménagiste new-yorkais.
Malheureusement, l’ambassade (chancellerie et résidence) d’Arabie Saoudite est déjà en train de pousser du côté sud, vers l’hôtel (Tours) en chantier. Mais l’essentiel peut être sauvé aussi bien à ce niveau, dans l’ACI, et même dans notre étouffante capitale, si le sens de la responsabilité pouvait pour une fois dominer cette cupidité qui se nourrit des recettes foncières. Un appétit, une gabegie financière, qui a fait de l’Agence de Cession Immobilière (ACI) l’une des vaches laitières des partis au pouvoir.
Moussa BOLLY