Il y a 60 ans que disparaissait Mamadou Konaté, l’un des pères de l’émancipation des populations Africaines. Elu successivement trois fois de suite à l’Assemblée Française (Palais de Bourgon) de 1946 à 1956. Il a été le premier noir à occuper le poste de premier Vice-président de l’Assemblée Française pendant la 4ème République.
Instituteur sorti de l’école William Ponty major de sa promotion, il naquit à Kati en 1997. Fils de Tiéouléba et de Mama Sy. Il est cofondateurs du Rassemblement Démocratique Africain (RDA) avec Feux Felix Houphouët Boigny et Modibo Keïta. Le soixantième anniversaire de sa mort a prévu un certain nombre de cérémonies dont celle rendant un hommage à sa mémoire à l’Assemblée Nationale du Mali le Mardi 10 mai 2016 dans la salle Mahamane AllassaneHaïdara.
En présence d’éminentes personnalités dont l’actuel Président de l’Assemblée Nationale M. Isiaka Sidibé et une vingtaine de députés y compris le 1er Vice-président, l’ancien Président de l’Assemblée Nationale du Mali le Pr Ali Nouhoum Diallo, des anciens Ministres et des amis de la famille Feu Mamadou Konaté, le Président de l’Association Mamadou Konaté en la personne du benjamin de ses enfants Moussa Konaté, sa vie a été parcourue en image et en témoignages.
D’éminentes personnalités se sont chargées de faire des témoignages sur le parcours de sa vie notamment le Pr Doulaye Konaté Historien et Président de l’Association des Historiens du Maliet l’honorable Sandy Haïdara, fils de son ami Feu Mahamane Alassane Haïadara.
Le Journal CARREFOUR fait sa contribution à la cérémonie en vous livrant le texte de l’oraison funèbre lu par son ami Feu FiliDabo SISSOKO dont nous nous sommes procurés grâce au doyen MakansiréSyllah ancien fonctionnaire de l’Assemblée Nationale du Mali.
Discours de Fily-Dabo SISSIKO
sur la mort de Mamadou KONATE (député)
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Haut-Commissaire,
Monsieur le Président du Grand Conseil,
Monsieur le Gouverneur,
Mes Chers Collègues parlementaires, Conseillers généraux et Chefs de Cantons,
Monsieurs,
Les proverbes de la terre, chez nous, disent que la mort peut passer dix fois dans une maison sans frapper un homme. Mais cette fois, la niveleuse a frappé au cœur du Soudan. Que dis-je ? Au cœur même de l’Afrique. Car le rayonnement de Mamadou s’étendait de l’Atlantique au Lac Tchad, du Tagant à la lagune d’Assinie.J’en veux pour preuve, cette foule venue de tous les azimuts pour lui rendre un suprême hommage, cette foule recueillie que l’angoisse étreint associée à d’effrayantes perspectives d’avenir.Faut-il rappeler qu’hier encore, l’Assemblée Nationale, par la voix de son Président le Troquer, rendit un vibrant hommage à celui que nous pleurons tous aujourd’hui ? Et qu’à l’issue du Congrès MRP, les militants de ce mouvement observèrent une minute de silence en son honneur ?
Si bien que je suis tenté de m’écrier comme Abba Shaoul de Gisela :
Où est-elle, ô mort ta victoire ?
Où est-elle, ô mort ton aiguillon ?
Car la mort n’a aucune prise sur un tel rayonnement.
Pourquoi ?
Messieurs, permettez au Président de l’Assemblée Territoriale du Soudan de ne pas parler de l’activité faite d’allant et de lucidité de Mamadou au sein de cette Assemblée. Le Vice-Président Yalla Sidibé l’a fait.
Permettez-moi de ne pas aborder, non plus, son activité parlementaire. Le Vice-Président de l’Assemblée de l’Union Française à Versailles, Yâ Doumbia l’a fait.
L’un et l’autre avec des arguments péremptoires, vibrant d’émotions contenues, de sympathie, de profonde estime et d’amitié.
C’est mon propos
Devant cette tombe prématurément ouverte, laisser parler mon cœur, laissez-moi exalter l’amitié
Allah Talah ! Le Clément, le Miséricordieux a créé l’univers par amour, par amitié pour son Prophète, venu sceller le sceau de la prophétie et doter l’Humanité du Livre des livres. L’amitié est donc la clef de voûte de toutes les activités humaines, ici-bas. Toutes les mythologies de tous les peuples, dans tous les temps et sous les cieux, l’ont exaltée à ce point de vue ; toutes les cosmogénèses de toutes les civilisations l’ont inscrite parmi les constellations et toutes les religions révélées lui ont réservé une place insigne à la droite du Semeur.
Mamadou était mon ami. Non pas que nous fussions du même pays. Non pas que nos familles fussent liées plusieurs générations. Non pas, en tant qu’éducateurs, nous fumes entrainés par vocation dans un même sillage, celui qui nous a conduits, l’un et l’autre au Parlement : l’amour du sol natal, sublimé dans le souci d’assurer l’avenir des nouvelles générations.
Non c’est le cœur qui a parlé, un certain soir, ici même, à Bamako, autour d’un banquet en 1918.Depuis, le fil de fohat, tenu, qui constituait le lien de cette amitié s’est développé, a pris une forme irréfragable que les secousses que nous venons de subir ces dix dernières années n’ont pu altérer. J’en appelle au témoignage de tous les Soudanais de bonne foi.Si la mort, sur le plan physique, peut mettre un terme à cette amitié, elle n’a aucune prise sur elle sur les plans supérieurs de l’esprit. Et c’est pour cela que Saint-Paul a eu raison de s’écrier :
O mort où ta victoire ?
Cette amitié, pain merveilleux qu’un ange partage et multiplie, émanait de Mamadou comme l’eau d’une source de cristal de roche, fraîche et limpide et où tous les assoiffés peuvent boire à loisir. Son rire de bon malinké où son âme faite de candeur, de probité et de bonne foi en rendait témoignage.
C’est pour cela, que du Soudan, de partout en Afrique Noire, de la Métropole et d’ailleurs, partout où il avait mis les pieds, des âmes sœurs sont venues à lui, jamais déçues, jamais rassasiées de cette amitié non seulement affective, mais agissante. Mamadou savait se dévêtir de son unique manteau pour les autres.
Il savait aller au-devant des souffrances muettes, savait les soulager par la parole et par des actes ; savait au milieu des pires difficultés où parfois le destin le plaçait, se maintenir au niveau où son cœur magnanime l’avait placé et qui se traduit en fait, par l’oubli des injures.Cet homme faisait l’honneur à l’homme. Son amitié faisait honneur à l’amitié. Et c’est cela qui a attiré cette foule auprès de cette tombe sur les bords du Djoliba où nos aïeux ont peiné, œuvré et vaincu le destin qui leur paraissait contraire.
Et cela a vu, au Soudan une renommée nouvelle. Sous la troisième République, la Chambre des Députés compta, un vice-président de « couleur », Gratien Candace. Nos compatriotes des Antilles-de même que nos compatriotes du Sénégal, bénéficiaient à l’époque, des dispositions stipulées par la Constitution de 1848, reprise sous d’autres formes en 1875. Déjà, c’était un éclatant signe du sens de l’humain de la Métropole d’associer tous ses enfants, au même titre, aux honneurs et aux devoirs, ceux-ci déterminant ceux-là.
Mais Mamadou Konaté fut le premier vice-président noir de l’Assemblée Nationale de la quatrième République.
Cette quatrième République née de la tourmente, qui cherche encore ses voies, mais dont la survie est, nécessaire à l’équilibre même du monde, en créant l’Union Française, a fait faire un pas de géant aux populations d’Outre-Mer qui ont vu poindre, avec des élans exaltants d’espoir, l’aurore de leur émancipation.
Plus que quiconque, l’Afrique Noire a senti ce renouveau. Plus que quiconque, l’Afrique Noire espère encore. Mais les faits sont les faits : deux d’entre nous sont au gouvernement et Mamadou, en siégeant pour la premièrefois au fauteuil qu’a illustré Bailly, Dupuy, Paul Deschanel, avait provoqué une ovation dont la gloire a rejailli sur le Soudan et par-delà sur toute l’Union Française.
C’est cette Union Française que, de tout notre cœur, nous voudrions-nous voulons car nous y sommes décidés à réaliser.Et si cela est un vœu, la mort de Mamadou Konaté, foudroyé en pleine activité au poste éminent où la confiance de ses pairs l’avait placé, la mort de Mamadou a scellé ce vœu, dis-je, du nœud sacré qui par-delà la tombe unit les morts et les vivants.Puissions-nous, tous ici, en rendre témoignage, au nom de la France, au nom de l’Union Française, face au monde ?
Mamadou, mon ami, mon alter ego dors en paix.
Fily-Dabo SISSOKO, Député du Soudan
Bamako, le 16 mai 1956
En conclusion, nous disons que voilà des espèces de dirigeants Africains nationalistes disparues pour toujours dans l’arène politique du Mali et même de l’Afrique.
Il a respecté son honneur et la dignité de son peuple.
Il a refusé la ruse pour son seul bonheur et a misé sur les forces du peuple, car pour lui ce qui ne meurt pas, c’est bien le peuple. Aujourd’hui quels sont les dirigeants maliens et africains qui pensent comme lui ?
Je n’en trouve pas, lui seul est éternisé si fois à savoir l’école, la place, le stade, la salle de l’hémicycle et une association, un hymne à l’honneur. Nos dirigeants maliens doivent prendre l’exemple sur lui pour sauver l’unité, et l’intégrité du Mali.
Repose en Paix, Grand-père National.
Seydou DIARRA