Officiellement parti membre de la Convention des partis politiques de la majorité présidentielle, les agissements sur le terrain de l’Adema prête à confusion. Ce qui amène certains responsables de la majorité présidentielle à qualifier l’Adema d’opposition latérale.
Arrivé troisième au premier tour de la présidentielle de 2013, les voix de l’Adema ont été divisées entre les deux candidats du second tour. Il s’agissait d’Ibrahim Boubacar Keïta et Soumaïla Cissé. Visiblement, ce sont les soutiens d’IBK qui ont eu raison de ceux de Soumaïla Cissé. Car, presque réduit en minorité, le président par intérim de l’Adema à l’époque, Iba N’Diaye, a fini par rendre le tablier pour rejoindre l’URD, principal parti d’opposition. Quand les 16 députés de l’Adema et ses autres cadres faisaient allégeance à la mouvance présidentielle. Le 7 septembre 2014, cette position de la Ruche a été officialisée à travers la création de la Convention des partis politiques de la majorité présidentielle (CMP) regroupant 65 partis politiques du pays. A la cérémonie de baptême de cette Coalition qui n’avait d’autre objectif que de manifester son soutien indéfectible au Président de la République, le RPM se croyait renforcé. Car, quoi qu’on dise, l’Adema est une formation politique sur laquelle on peut compter.
L’Adema non satisfait du partage du « Gâteau »
Crée pour rester aux affaires publiques, comme aiment le clamer certains de ses responsables, avec son ralliement à la Mouvance Présidentielle, l’Adema espérait un partage équitable du « gâteau » national. Mais, dit-on, le parti de l’abeille semble ne pas être satisfait de l’utilisation de ses cadres dans l’administration publique. A commencer par le président du parti, Pr Tiémoko Sangaré qui ne souhaiterait plus se contenter de son salaire d’enseignant du supérieur. Il y a aussi l’ancien député Adema, Lanceni Balla Keïta qui divulgue de façon effrénée les secrets du Chef de l’Etat et plusieurs autres anonymes qui ne cessent de critiquer la gestion du régime dans leurs salons.
Au sommet de l’Adema, il se raconte que la quasi-totalité de ses cadres sont au chômage. C’est le cas de leur président, Pr Tiémoko Sangaré, qui les consterne à plus d’un titre. Pour les responsables de l’Adema, il est urgent de recaser leur président. Ne serait-ce que de lui confier une mission de conseiller spécial à la présidence. En tout cas, cette frustration au sein de la Ruche crée une opposition entre ses cadres. Selon les indiscrétions, les ministres Adema dans l’actuel gouvernement grondent. Ils estiment lourde, la charge financière qu’on leur fait supporter en termes de financement du parti et de leurs camarades qui se trouvent en situation de chômage technique. En clair, les deux principaux partis de la majorité présidentielle, à savoir le RPM et l’Adema ne soufflent plus dans la même trompette. Le second accusant le premier d’être trop gourmand.
Guerre politique entre le RPM et l’Adema
Nul besoin d’être prophète pour savoir que le courant ne passe plus entre le parti présidentiel et la 3ème force politique du pays. Pour preuve, le départ du secrétaire général du RPM, Bokary Tréta du gouvernement serait dû à un conflit d’intérêt entre lui et le ministre Adema, Kénékouo dit Barthélémy Togo. A l’origine, apprend-on, les propositions de nominations faites par Barthélémy Togo, faisant la part belle aux militants de son parti, ont été dénoncées avec véhémence par Tréta voulant faire la promotion de ses camarades. Une accusation que le Ministre Togo aurait réfutée en se défendant d’avoir le droit de choisir ses proches collaborateurs. Cette guéguerre politique entre le parti présidentiel et son allié de l’Adema a été confirmée le lendemain du limogeage de Tréta du gouvernement.
Au lieu que le parti présidentiel, le Rassemblement pour le Mali (RPM) félicite le Premier ministre Modibo Keïta pour sa reconduction, il a plutôt appelé «les militantes, militants et sympathisants du RPM à rester vigilants, soudés et mobilisés autour du projet de société et du programme du Parti» et non du président de la République. Son allié de l’Adema-PASJ a clairement apporté son soutien au nouveau gouvernement, particulièrement au Premier ministre dont le travail accompli dans un contexte difficile a été, par lui, salué. Une attitude qui n’a pas été appréciée par le RPM.
Le désamour entre les deux formations politiques étant perceptible à tout moment et en tout lieu, au cours de la présentation des vœux de l’Adema à la presse, un député Adema nous confiait dans les coulisses que n’eut été leur pression, le président de la CMP, non moins président par intérim du RPM, Dr Boulkhassoum Haïdara n’aurait pas signer le communiqué de soutien de la Convention au Premier ministre et au Président de la République. C’est pourquoi, au fil du temps, le parti du Pr Tiemoko Sangaré change de ton et de visage. Au regard de ce changement, certains responsables de la majorité appellent aujourd’hui l’Adema, «l’opposition latérale»
Méfiance entre RPM et Adema
Après la guerre ouverte entre les deux formations, une méfiance s’installe entre elles. On assiste quotidiennement à des discours mélancoliques des dirigeants desdits partis politiques.
Faut-il le rappeler, lors de sa tournée dans les sections du District de Bamako à la mi-mars, les discours du secrétaire général du RPM laissaient transparaître sa méfiance du compagnonnage de l’Adema.
Le samedi 19 mars, à la rencontre des militants de la commune V, le Dr Bokary Tréta avait en substance dénoncé l’immobilisme de la majorité avec ses 126 députés face à une opposition minoritaire mais virulente. «le RPM a 79 députés à l’Assemblée nationale, soit la majorité absolue. La majorité présidentielle compte 126 députés contre 21 pour l’opposition. Mais, on apprend des choses dans la presse qui nous poussent à se demander où se trouvent les 126 députés de la majorité présidentielle. On ne les sent pas. On a l’impression que le pays appartient au reste des 22 % de la population. Et ce sont les 21 députés de l’opposition qui animent la vie politique du pays. On doit se demander où se trouve la majorité.
Est-ce à dire que nous sommes fatigués de la gestion du pouvoir ? Non ! Nous devons maintenir le même engagement qui a prévalu lors des élections présidentielles et législatives. A partir d’aujourd’hui, on ne se laissera plus trimbaler par l’opposition », déclarait-il. Avant de suggérer la création d’une nouvelle majorité présidentielle. Pour finir par préciser que ´seul le RPM fera réélire IBK en 2018». Ces déclarations laissent croire que l’actuelle majorité n’est pas efficace et que tout le monde ne joue pas le jeu. Et que désormais, mécontent de l’apport de ses alliés, notamment le plus en vue, l’Adema, le RPM compte sur ses propres forces pour faire réélire IBK en 2018.
Le Président de l’Adema contre-attaque
A l’occasion de la conférence régionale des sections Adema/Pasj à Kayes les 7 et 8 mai, le président de l’Adema, Pr Tiémoko Sangaré a mis en garde le RPM. Selon notre envoyé spécial à cette rencontre, il a sifflé la fin des combines. Car indiquait-il, il est inadmissible que certains militants aient été recalés lors des législatives de 2013 parce que certains aient usé de faux.
L’Adema/Pasj n’acceptera plus qu’on se joue de lui, avec cette chasse aux sorcières à l’encontre de ses militants au sein de l’administration publique. Mieux, au sujet du discrédit qu’on veut jeter sur les cadres de son parti, il annoncera que la patience à des limites. Avant de préciser que le Comité exécutif de son parti n’acceptera plus la politique de discrimination et d’intimidation entreprise à l’encontre des cadres de son parti par ses alliés de la majorité présidentielle, notamment le parti au pouvoir (RPM). «Advienne ce qui s’en suivra, le RPM sera tenu pour responsable de ce qui arrivera, si jamais les barons de ce parti continuent à relever nos militants de l’administration sans raison valable. La réussite du quinquennat d’Ibrahim Boubacar Kéita dépendra des efforts des militants de la majorité présidentielle et non d’un seul parti ». Qui dit mieux !
A la lumière de ces faits et dits, la guerre de positionnement des deux principaux partis de la majorité présidentielle est inquiétante. Car le contexte de crise que nous vivons ne se prête pas à ce jeu. L’Adema qui est accusé d’être une opposition latérale doit avoir le courage politique de clarifier sa position. Car le pouvoir a besoin de soutiens solides et non de circonstance. Il est urgent que la Ruche affiche sans ambigüité sa solidarité au reste de la majorité présidentielle pour conforter le Président de la République et le gouvernement. A défaut, elle doit s’assumer en quittant la mouvance présidentielle afin qu’on redessine une autre majorité dans l’intérêt supérieur du pays.
Oumar KONATE