Parlant des «Indicateurs internationaux de la performance environnementale», le Consortium AGRECO, dans son rapport final d´octobre 2014, note quelques «tendances positives constatées au niveau de l’eau et du sanitaire, de la mortalité des enfants et de la réglementation des pesticides.». La performance mérite d´être saluée. Et, nous saluons vivement!
Seulement, «l´Honneur du Mali» n´est pas trop sauf! Le Consortium AGRECO pointant la «faible performance de la gouvernance environnementale» de notre pays. Ce dernier arrive «à la 156ème place sur 163 pays classés de l’Index de la Performance Environnementale (IPE, indice EPI en anglais), en 2010». Pis, en 2014, le Mali a obtenu un «score 18,43/100 de l’Index de la Performance Environnementale» et arrive ainsi à la 177ème place sur 178».
Une avant-dernière place bien méritée d´ailleurs! Ce, au regard de la qualité défectueuse de notre «air». Un air assez toxique envahissant même nos «ménages» où la «cuisson des aliments» se fait encore avec du «bois de feu» et du «charbon de bois». Lesquels sont donc à la base de la dégration de « la qualité de l’air intérieur en augmentant les teneurs de PM10, CO2 et de furanes». A ce propos, l´AGRECO cite l’analyse BURGEAP-IGIP de 2010. Selon laquelle l’émission de «l´énergie domestique» s´estime à «331 μg/m³» et est «donc 25 fois plus de PM10 que l’ensemble des véhicules». Ce qui ne disculpe d´ailleurs pas les véhicules. Surtout qu´ils apportent leur contribution à la dégradation de la qualité de l’air. Contribution d´ailleurs significative : «72 % des véhicules ont plus de 16 ans et 15% ont de 11 à 15 ans» et émettent d´importantes quantités«d’oxydes d’azote (NOx), de monoxyde de carbone (CO) et de dioxyde de carbone (CO2)».
L’analyse BURGEAP-IGIP de 2010 revèle aussi que notre «diesel» est «fortement soufré (10.000 ppm de souffre)» et entraine par conséquent «des émissions importantes de dioxyde de soufre et de poussières sous forme de sulfates».
En cause également dans la dégradation de la qualité de l´air, les «dépôts de déchets», notamment, par le biogaz qu´ils émettent.
Là-dessus, voilà quelques chiffres:«40 à 60 % de CH4, 35 à 40 % de CO2 et de l’H2S»!
En outre, les températures élevées de saison sèche favorisant «la pollution photochimique et les poussières sahariennes contenues dans le vent sec venant du Nord-est (appelé harmattan)» affectent la qualité de l´air malien.
Et, il en va de même pour les «polluants atmosphériques» qu´émettent «les feux de brousse» et «les incinérations non maîtrisée des déchets agricoles et domestiques». Ainsi, l´AGRECO note dans l´air bamakois, l´existence du «lcarbone suie ou black carbon (BC)». Constituant «l’un des principaux composants», cet aérosol présente «des niveaux de concentration 4 fois supérieurs à la valeur limite annuelle de 10 μg/m³ recommandée par l’OMS, comparables aux grandes villes industrialisées». Et les «concentrations moyennes journalières» atteignent les « 277 μg/m³ pour les PM2.5» et «504 μg/m³ pour les PM10».
Des chiffres vertigineux qui sont nettement au-dessus des «normes journalières» que recommandent «l’UE et l’OMS (50 μg/m3 pour les PM10 et la valeur-cible de 25 μg/m3 pour les PM2.5) (DOUMBIA, 2012)». C´est dire que «Les teneurs de l’air en particules fines inférieures à 10 micromètres (PM10 et PM2,5) sont plus de 10 fois supérieures aux normes journalières recommandées par l’OMS».
L´AGRECO évoque «une campagne de mesures entre le 20/01 et le 02/02/2009» situant le taux des « particules d’origine anthropique entre 67 et 81% des aérosols urbains».
Et, il s´agit là de particules «émises par des activités humaines telles que celles résultant de combustion, de processus industriels, formation de suies, usure des revêtements routiers, travaux de démolition, chantiers de construction, stockage et manutention de matières en vrac…»(Les données de l’IBGE : “Air – données de base pour le plan” )
Décidément, il ne fait pas bon respirer notre air! Nous la respirons quand même!
Hélas, avec des conséquences dont nous n´imaginons même pas la tragédie! De sérieuses «menaces» planant désormais sur notre santé. Des menaces constituant «plus d’infections respiratoires aigües (IRA) avec environ 545.000 cas en 2010 contre 317.000 en 2000, soit une augmentation de 72% ou une progression annuelle de 5,6% largement supérieure à la croissance démographique (INSTAT, 2014)».
A Bamako et à Kayes, le taux de prévalence d´IRA atteint les 8% contre7% à Sikasso.
Les spécialistes de la question font état d´une possible dimunition de «la fonction pulmonaire,et ce en particulier chez les patients souffrant de déficience respiratoire tels que les asthmatiques» auxquels s´ajoutent «des réactions inflammatoires» pouvant «se produire au sein des poumons» et, en cas de propagation, conduire « à une altération du système nerveux autonome, engendrant des effets indirects sur la fonction cardiaque».
Et nos spécialistes de Bruxelles affirment que «hhez les enfants principalement, une exposition importante aux particules fines peut altérer le développement pulmonaire. Des maladies du système respiratoire apparaissent fréquemment : bronchite, toux chronique, sinusite, rhume».
C´est que «la teneur élevée en black carbon (BC)» impacte sérieusement la santé. Selon des spécialistes d´OMS EUROPE, des «études épidémiologiques fournissent suffisamment d’éléments attestant le lien entre la morbidité et la mortalité cardio-pulmonaire et une exposition au carbone noir». Et, des «études toxicologiques indiquent que le carbone noir pourrait opérer comme transporteur universel d’un large éventail de produits chimiques à toxicité variable pour le corps humain». Même si «le carbone noir» n´est «peut-être pas un élément majeur et directement toxique des particules fines», relève l´OMS-Europe.
Un avis que partagent les spécialistes de Bruxelles Environnement: «la toxicité directe du Black Carbon est discutée». Cependant, ils reconnaissent «sa capacité d’agir comme vecteur de différents composés toxiques» dont «les hydrocarbures aromatiques polycycliques et des éléments-traces métalliques».
Toujours selon les spécialistes Bruxellois: «Les effets du Black Carbon sur le système cardiovasculaire ne sont pas différenciés de ceux des PM2.5 en général, à savoir des arythmies et des insuffisances cardiaques entraînant fréquemment la mort».
Et s´ils évoquent une controverse en matière de «mécanismes de développement de cancer», ils adment l´existence d´un «lien entre l’exposition aux particules fines et le risque de développement de cancer». Aussi, affirment-ils que «les suies émises par les moteurs diesel sont les PM2.5» présentent les effets cancérigènes les plus importants». Et ils expliquent que ces suies «contiennent un taux important de particules BC auxquelles peuvent être adsorbés une quantité significative d’autres composés, comme des hydrocarbures aromatiques polycycliques».
Pis, les spécialistes établissent «plusieurs liens entre l’exposition aux PM2.5 et la réduction d’espérance de vie». Ils citent ainsi «Miller et autres (2007)» Lesquels «ont établi qu’une hausse de 10 µg/m³ de PM2.5 peut mener à un accroissement de 76% du risque de décès par accidents cardiovasculaires chez les femmes».
En somme, le carnage est trop patent et doit s´arrêter. Surtout que les populations qui en pâtissent le plus sont les enfants chez « lesquels une exposition aux particules fines peut engendrer des dysfonctionnements importants au sein des systèmes pulmonaire et respiratoire, en cours de développement». mais aussi «les personnes âgées, sensibles aux effets au niveau du système cardiovasculaire»; ainsi que «les asthmatiques et autres personnes souffrant de maladies du système respiratoire».
Là-dessus, restent fortement interpellés nos Ministères en charge de l´Environnement, de la santé, de la solidarité et des personnes âgées ainsi que celui de la Femme, de la Famille et de l´Enfant. Répondront-ils présents à l´Espace d´Interpellation Environnementale?
D´ici là, que le Gouvernement du Mali commence déjà par mettre en place un «système de surveillance continu de la qualité de l’air (IPE, 2011)». Ce qui n´existe même dans «les principales villes du Mali». Et qu´il pense à une subvention conséquente du gaz. Ce magnifique produit si indispensable pour la prévention de la santé publique et de l´environnement relevant encore du luxe dans notre pays.
En tout cas, tout doit être mis en oeuvre pour réduire au maximum tous les poisons malmenant l´air du Malien, en particulier, celui de Bamako.
Il reste à savoir si le «black carbon (BC)» n´a déjà pas atteint la vision de notre Gouvernement. Car, comment, à ce niveau de responsabilité voir cette tragédie environnementale et ne pas agir? A moins que les lunettes de nos frères Malinkés ne soient taillées dans la terre!
Hawa DIALLO
Que fait le Ministère de l’Environnement…(MEEA)?
Le Département que dirige désormais SEM Ousmane Koné s´assigne comme «mission» la préservation des « ressources forestières et fauniques» et l’amélioration du «cadre de vie des populations, aussi bien en milieu rural qu’en milieu urbain». Voilà qui est bien dit!
Mais qu´en est-il réellement? Le Consortium AGRECO nous en fournit la réponse via son rapport final d´octobre 2014. Relatif à la «mise é jour du profil environnemental du Mali, le rapport a bénéficié du financement de «la Commission Européenne». L´AGRECO l´a «établi à la demande de l’Ordonnateur national du FED, Ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale de la République du Mali et de la Commission européenne».
Et, le rapport est loin d´être avec le Mali dont la «Politique environnementale» et le «cadre institutionnel et législatif» même posent problème. A en juger, en tout cas, par la «matrice des indicateurs» de son Cadre Stratégique de Croissance de la Réduction de la Pauvreté (CSCRP). Lequel fait seulement cas de «3 indicateurs liés à l’environnement», déplore le Consortium.
Or, le Cadre Stratégique de Croissance de la Réduction de la Pauvreté (CSCRP) fait quand même «référence» en matière de «formulation» et de «mise en oeuvre des politiques économiques et sociales».
Hélas, même la révision considérable CSCRP 2011-2017 aux fins « d’y inclure des priorités de développement durable et de préservation des ressources naturelles».
Dès lors, l´on s´interroge sur la place que revêt l´environnement aux de nos décideurs. Même si «la Politique Nationale de Protection de l’Environnement (PNPE) de 1998 déclinée en 9 politiques et stratégies» s´est «depuis 2009» enrichie de «12 nouvelles stratégies et plusieurs politiques liées à la protection de l’environnement» mais aussi de tous «les programmes nationaux liés aux conventions de Rio».
D´où «une multiplication des politiques et stratégies». Multiplication d´ailleurs «caractérisée par une connaissance insuffisante des textes de la part des différents acteurs». Et, ceci peut expliquer le fait que le degré de mise en oeuvre de ces stratégies et politiques est largement en dessous des objectifs, reconnaît le partenaire de l´UE.
Où donc est le sérieux? Le Mali manquerait-il à ce point de cadres à la fois compétents et consciencieux?
En attendant que certains décideurs aient la décence de respecter le Mali et son peuple, jetons un coup d´oeil sur les «politiques sectorielles». Dans le domaine, le consortium note plutôt «une bonne intégration des aspects environnementaux». Et, certainement, notre pays «dispose de législations et réglementations régissant la préservation de l’environnement et l’application sur le terrain (Etude d’Impact Environnementale et Sociale (EIES), Evaluation Environnementale Stratégique (EES)».Mais que du carbone noir dans nos yeux! Car, l´AGRECO est formelle: «force est de reconnaître que cette législation n’est que très peu appliquée».
Par ailleurs, l’approche participative laisse à désirer. En ce sens que «la société civile ne participe pas aux décisions politiques nationales». De même que la société civile «n’est pas associée au suivi et au contrôle des EIES et des Plans de Gestion Environnementale et Sociale (PGES)».
S´agissant de «la décentralisation», le rapport relève que «le transfert des compétences vers les collectivités territoriales s’opère», même si c´est «très lentement». Mais, il y a plus grave! En effet, le rapport du Consortium AGRECO souligne: «Dans les faits, la plupart des élus ne connaissent pas la législation environnementale et n’ont ni les compétences ni les moyens financiers pour l’intégrer à leurs plans de développement».
Ce dernier cas n´est cependant que la partie visible de l´iceberg. Puisque l´AGRECO soutient: « La législation environnementale, assez complète, est mal connue, très peu vulgarisée et surtout rarement appliquée par manque de contrôle efficace».
Institutionnellement parlant, l´AGRECO plaide en faveur d´une «simplification» du «cadre institutionnel». Lequel «en matière d’environnement relève du Ministère de l’Environnement, de l’Eau et de l’Assainissement (MEEA)». Lui-même s’appuyant «sur la Direction Nationale de l’Assainissement du Contrôle des Pollutions et des Nuisances (DNACPN), la Direction Nationale des Eaux et des Forêts (DNEF) et la Direction Nationale de l’Hydraulique (DNH)».
A cela il faut ajouter «une série d’agences» aidant «le MEEA dans son travail». Et ces agences sont entre autres «l’Agence de l’Environnement et du Développement Durable (AEDD), l’Agence du Bassin du Fleuve Niger (ABFN) et l’Agence Nationale de Gestion des Stations d’Épuration du Mali(ANGESEM)». Lesquelles sont renforcées par la « Commission Nationale de l’Environnement (CNE), le Comité National des Changements Climatiques».
Toujours, au chapitre institutionnel, l´AGRECO constate amer que «les collectivités territoriales manquent de responsabilisation et d’autonomie».
En outre, le consortium dira:«L’atomisation institutionnelle ne favorise ni les approches systémiques et intégrées, ni une utilisation efficiente des ressources humaines et financière. Le peu d’experts en planification et en gestion environnementale est concentré à Bamako, occupés par les processus d’élaboration des stratégies et plans d’action. Ils ne sont donc pas disponibles pour les actions sur le terrain. Il est urgent d’élargir le spectre des acteurs de l’action à toute la société».
De plus, relève l´AGRECO, il manque une base fondamentale à la gestion environnementale à savoir l’information. Le Mali ne disposant même « pas de systèmes de gestion d’information environnementale viable». Inutile d´ajouter que «ce manque de donnée sur l’état de l’environnement empêche l’évaluation de l’impact des politiques nationales et rend difficile toute prise de décisions politiques en faveur de l’environnement et du développement durable».
En définitive, on se demande bien s´il existe effectivement un ministère s´occupant de l´environnement. Et, s´il existe que fait-il, au regard de ses résultats si maigres?
Mais, comment en vouloir trop au Ministère de l’Environnement, de l’Eau et de l’Assainissement (MEEA)?
L´environnement «n’est» même «pas considéré comme une priorité en période de crise et il est même parfois mis de côté (orpaillage artisanal, émondage abusif notamment)». Aussi, l’environnement souffre-t-il chez nous «de l’absence d’un financement durable»! Le Consortium relève le «manque de mécanismes de financement durable d’action environnementale». Lequel affaiblit «la mise en oeuvre et la traduction en actions concrètes», les fragmente et les rend «fortement dépendantes des financements externes (PTF)». Et, l´AGRECO observe que «le MEEA ne peut exercer pleinement ses fonctions régaliennes de mise en oeuvre et de contrôle de la politique environnementale en raison, entre autres, du manque de moyens financiers et humains». Où allons-nous? Le peuple furieux gronde: «le boucan doit s´arrêter»!
Hawa DIALLO