La région de Ténenkou, dans le centre du Mali a été la semaine dernière (entre le 1er et le 3 mai) le théâtre de conflits entre les communautés Peuls et Bambaras. Des affrontements très violents, qui ont entraîné la mort d’une vingtaine de personnes (certaines sources avancent 30 morts) et le déplacement de milliers de personnes. Les échauffourées entre ces deux communautés sont fréquentes mais atteignent rarement ce niveau de violence. En effet la population Peul, composée essentiellement d’éleveurs se disputent l’accès aux ressources naturels avec les agriculteurs.
Le contexte d’insécurité dû à la forte présence terroriste dans la région et l’implication de certains Peuls dans ces organisations ne font qu’envenimer la situation. Quant aux agriculteurs, certains sont dorénavant lourdement armés afin de protéger leurs populations contre ces milices.
Le Mali n’est pas le seul pays de la région à souffrir des conflits inter-communautaires impliquant les Peuls. La population Peul est l’un des plus importants groupe ethnique du continent. C’est une population nomade, qui s’est ensuite sédentarisée, c’est pour cela qu’ils sont présents dans presque chaque pays d’Afrique de l’ouest et aussi dans quelques pays d’Afrique centrale voir de l’Est. Les bergers Peuls se déplacent régulièrement pour nourrir leurs bétails et le vendre d’où l’origine des conflits.
D’autres pays ont été confrontés et ou font actuellement faces à ces heurts. Le Nigéria vit une situation similaire, avec aussi une recrudescence de ces violences ces dernières semaines.
Le géant africain tout comme le Mali est frappé par la menace terroriste dans lequel certains membres de la population Peul sont aussi impliqués. Depuis février le pays fait à nouveau face à ces conflits qui sont récurrents dans le centre nord et le sud-est du Nigéria (les états d’Enugu, du Plateau, d’Oyo, d’Ondo, de Zamfara, de Katsina…). Le problème reste le même, des fermiers ou des militants Peuls pénètrent illégalement les propriétés agricoles appartenant à des membres d’autres communautés.
En 2000 un important conflit avait déjà éclaté entre les bergers Peuls et les fermiers de l’état d’Oyo et depuis la situation a perduré et s’est même envenimée. En 2014 on estime que 1229 personnes sont décédées dû à des attaques supposées de ces militants. En 2015 un rapport de l’indice mondial du terrorisme place les militants Peuls comme étant la 4e organisation terroriste la plus meurtrière. Le rapport affirme également que ces militants sont liés à l’organisation djihadiste Boko Haram.
Le 25 Avril dernier dans l’état d’Enugu dans le Sud-Est du pays, 50 personnes ont été tués, 100 personnes ont été blessés, 2000 personnes ont été déplacées et des pertes de plusieurs millions de Nairas causées par la destruction des propriétés. Cette année le conflit a pris une dimension supplémentaire. Malgré les nombreuses demandes des représentants politiques des zones attaquées la réaction du président Muhammadu Buari s’est fait attendre. Un silence qui a entraîné des accusations de « tribalisme », car lui-même est Peul.
Certains politiciens et personnalités publiques ont alerté le président des risques de « guerre civil ». Ces conflits se déroulent en partie dans la zone du Biafra (sud-est du pays, Cf guerre du Biafra) où les animosités entre les populations du Nord et du Sud-est du pays restent vives. De plus le MASSOB, mouvement sécessionniste pour l’indépendance du Biafra prend de l’ampleur.
La Côte d’Ivoire et le Ghana sont aussi régulièrement confrontés à cette situation. La dernière date de fin mars, des affrontements sont survenus entre les fermiers Peuls ivoiriens et des agriculteurs de Bouna dans le Nord-Est du pays. Ce qui a provoqué le déplacement des bergers Peuls vers le Ghana où les échauffourées sont à nouveau survenues.
Il est important de rappeler que les populations Peuls sont aussi victimes de ces conflits. Les sédentaires particulièrement, ils sont souvent impliqués dans les déplacements de populations et comptent aussi des morts parmi leur rang. Ils sont aussi sujets à des amalgames et à une persécution de la part des autres populations. En 2012 près de la frontière entre le Burkina Faso et le Mali un conflit entre les Peuls Burkinabés et les dogons du Mali a causé la mort d’une centaine de Peuls. Sans porter un jugement sur la responsabilité juridique d’un protagoniste ou d’un autre, on peut observer qu’autant les fermiers peuls font des victimes agriculteurs et à l’inverse, certains peuls sédentarisés qui n’ont aucun lien avec l’activité nomade liée à l’élevage sont les victimes collatérales de ce conflit.
Au vue des différents cas présentés, ce conflit est régional et aucun pays n’a été capable jusqu’à ce jour de trouver une solution efficace et pérenne. Le Nigéria envisage la création de ranchs afin d’éviter le déplacement des bergers. Peut-être faudrait-il envisager une solution régionale ?
La situation devient vraiment alarmante car la sécurité de la région a été très fortement affaiblie par les groupes terroristes. Dorénavant ces organisations s’infiltrent au sein des populations Peuls pour commettre leurs exactions. Il est primordial de ne pas faire d’amalgame afin de ne pas attribuer les opérations des djihadistes aux bergers Peuls. Certaines organisations terroristes se servent du clivage bergers/agriculteurs pour se ranger du côté des bergers afin de commettre les actes terroristes causant des centaines de morts aussi au Mali qu’au Nigéria.
Sisi Adouni,
Stagiaire