Cher oncle,
Nangadel ?
C’est avec le ventre bien plein, pardon le cœur plein de joie, que je t’envoie la présente lettre. Mais, avant de te donner des nouvelles du pays, je m’en voudrais à mort si, d’abord, je ne te remerciais, au nom de toute la troupe familiale, pour le sac de riz et le colis de poissons fumés que tu viens de nous envoyer.
« Tiô bélé bélé » ! Walahi, Bilahi, je jure, Allah Akbar, mais toi non plus, mon oncle, tu n’es pas petit !
Grand mère également me charge de te dire qu’elle t’envoie des milliers de “sacs” de… bénédictions.
La pauvre n’a que ça pour toi, mais ça aussi, c’est beaucoup. Enfin, il faut y croire.
Par ailleurs, le « main en main » qui te donnera cette lettre te remettra aussi un petit sachet d’arachides (de la part de grande mère) et un autre de haricot, que je t’ai acheté.
Je suis vraiment content du fait que nous aussi arrivons de temps en temps à t’envoyer de petites choses.
La vie ou la survie mon cher oncle, ne mérite point d’être vécue, ou survécue lorsqu’elle est synonyme de toujours recevoir, sans jamais rien donner.
D’ailleurs, on a toujours quelque chose à donner, même lorsque l’on manque de tout.
Walahi, Tonton, ton sac de riz nous tombe du ciel car la marmite familiale était en « jachère » depuis maintenant cinq jours. Pour cause, la consommation du riz (malgré notre office du Niger) est toujours un luxe pour nous les maliens d’en dessous, car le prix du kg a de nos jours a atteint les 400 FCFA. Innadilahi !
C’est vrai que, pour les « en Haut », leurs proches et leurs griots, il ne fait ni chaud, ni froid, face à cette hausse des prix des céréales, mais pour l’écrasante majorité des Maliens, nous autres les « en bas », nos tripes se rétrécissent de jour en jour.
Sur un tout autre plan, je t’informe que mon cousin N’Golo qui a purgé sa peine (2 ans fermes pour le vol de 3 chèvres) à la maison d’arrêt de Bamako, n’a toujours pas été libéré.
Bof! Il n’est d’ailleurs pas à plaindre, car là-bas en prison ou ici à Fantambougou, c’est du pareil au même. Et, concernant la Justice au Mali, personne n’y croit car elle vous rend coupable ou victime selon que vous soyez pauvre ou riche. Je le dis pian !
C’est d’ailleurs pourquoi, les nombreux rapports des ‘’Végaux’’ et autres à propos de la lutte contre la corruption ne font peur à personne. Cela, parce que ces dossiers transmis à la Justice sur les Maliens ne s’attendent à rien, car, depuis 2007 bien d’autres dossiers faisant état de détournements de fonds colossaux ont été transmis à la même Justice, mais, les voleurs n’ont jamais été inquiétés.
La Justice dans ce pays, mon pauvre oncle, n’est que toile d’araignée pour les riches et les puissants, chaîne qu’aucun acier ne peut rompre pour les pauvres et les faibles. Walahi, bilahi, je jure Tonton, ‘’c’est ça qui est ça !’’
Sur un tout autre plan, je t’informe que la République est secouée depuis quelques jours par un dramatique événement survenu dans le cercle de Ténekou, région de Mopti.
En effet, dans cette localité d’agriculteurs, pêcheurs et éleveurs, les communautés peulh et Bambara en sont venues à s’en entre-tuer. Bila : 24 morts ! Allah Akbar ! Pourquoi ?
Je n’en sais rien ! Mais une chose est irréfutable : depuis plusieurs mois, le cercle de Ténekou et ses 10 communes ont été abandonnées par l’Etat maliens. Les populations étant alors livrées à elles mêmes, ce qui devait arriver, hélas arriva. Et, comme d’habitude, nos hautes autorités jouent actuellement au sapeur pompier.
C’est ainsi que, six jours après le carnage, une délégation gouvernementale s’est rendue sur les lieux pour rencontrer les différentes communautés du cercle de Ténekou et prêcher la paix et la concorde. Le médecin après la mort ?
Walahi, bilahi, je jure, c’est toujours comme ça que ça se passe ici au Mali.
Ils abandonnent les gens, ils les oublient et ensuite, ils viennent jouer au pompier. ‘’On a tout compris’’ ! Merci l’artiste :
A lundi prochain Inchalah !
Par ton petit Ablo.