Il y a un an, jour pour jour, le Mali et une partie des mouvements armés signaient l'accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d'Alger. Il convient de rappeler que la date a été fixée par la Médiation internationale. Un an après, les acquis, en terme de dividendes de la paix, semblent en deçà des attentes. Même si l'accord a permis de ramener les indépendantistes et autres fédéralistes dans les girons de l'État, plusieurs localités échappent encore au contrôle de l'État dont la présence ne semble visible que dans les capitales régionales à travers le gouverneur, le préfet et les sous-préfets des communes, tous basés dans la capitale régionale. Mais, quels services rendent-ils aux populations ?
Kidal est la parfaite illustration du manque de contrôle de l'État sur tout le territoire. Pratiquement, aucun, car les écoles ne fonctionnent pas, les centres de santé sont sous-équipés et manquent de personnels qualifiés. L'insécurité est plus grande qu'avant la signature de l'accord. La justice assure le service minimum, pratiquement dans les mêmes conditions d'avant la crise. Corruption, trafic d'influence, intimidations caractérisent encore le quotidien des Maliennes et Maliens en général, et ceux des régions Nord en particulier. Tout cela, malgré l'assistance et la présence de la communauté internationale, bien plus visible que les dividendes de la paix.
Cette présence, vue au départ comme un espoir, semble ne plus rassurer, car tous les problèmes, qu'elle est censée gérer, se sont démultipliés, amenuisant ainsi les possibilités de stabilité et de durabilité du processus de paix. Les multiples appels des Maliennes et des Maliens ne semblent pas pertinents concernant le mandat de la Minusma, par exemple, en terme de lutte contre le terrorisme. Il y a fort risque que le jeu continue encore des années, bien que la Minusma soit la Mission des Nations-Unies qui a payé le plus lourd tribut aux attaques terroristes.
Pourquoi les choses ne changent pas, malgré l'insistance des Maliens et de certains pays contributeurs de troupes ? Le mandat défend le Mali ou les pays autres que le Mali, mais invisibles ? Changer le mandat pourrait éventuellement permettre à l'Onu de mobiliser le financement et de pouvoir fonctionner à plein régime au Mali. Malgré tout, il faudra éviter de jeter le bébé avec l'eau du bain. Sans ces troupes et cette assistance de la communauté internationale, le Mali serait devenu depuis longtemps un émirat salafiste. Ce lourd tribut payé a maintenu le Mali dans ses frontières nationales.
Le pays souffre de graves problèmes de gouvernance que l'assistance étrangère ne saurait corriger. On ne peut pas être plus royaliste que le roi ! Dans ce sens, quels sont les acquis majeurs ? Les organes de suivi de l'accord sont mis en place et fonctionnent cahin-caha. Le Comité de suivi de l'accord vient de boucler sa 8ème session avec des résultats mitigés, voire des positions divergentes. Les mouvements veulent une effectivité de la mise en place des Autorités intérimaires et le cantonnement. Cela frise par endroit le mépris ou traduit le manque de confiance entre les parties. Il est, de notre avis, une réelle tactique pour faire durer le processus, pour le décrédibiliser. La question de la représentativité semble être tranchée à Bamako pour permettre le paiement des indemnités et le partage des postes de responsabilité entre les parties signataires, mais c'est le terrain qui commande, et là, les tensions sont très fortes comme pouvait l'attester l'affrontement entre Gatia et Ganda Izo à Ndaki.
Pour permettre une avancée significative, il faut accepter d'aller au bout de la logique du partage, vu que tous ces mouvements ne sont pas à confondre avec les populations qui attendent encore d'être convaincues que la signature vaut mieux que la non-signature. C'est ce qui consacrera l'Alliance entre mouvements et populations ou risquera d'ouvrir de nouveaux fronts. Les sous-comités fonctionnent, mais nous doutons que tous leurs membres puissent faire le travail qu'on attend d'eux en termes de compétence, de technicité et de professionnalisme.
Le Code des collectivités a été modifié pour tenir compte des Autorités intérimaires, mais le flou autour de la mise en place desdites Autorités est un danger qu'il faut circonscrire par une bonne campagne d'information et de sensibilisation, mission à confier aux députés. Les Autorités ne devant être mises en place que là où les dysfonctionnements et le manque de fourniture de services aux citoyens sont réels. Il faudra éviter de les créer par des stratagèmes maladroits qui pourraient faire basculer le pays dans un désordre plus grand et inutile.
Le Comité national de coordination de mise en œuvre de l'accord est mis en place et comprend des membres permanents (ministres et secrétaires généraux), associés (le corps social). Cet organe doit être renforcé (qualité des membres) et rattaché à la présidence. Les régions de Ménaka et Taoudeni sont fonctionnelles sur papier avec la nomination de gouverneurs sans moyens. Les nouveaux gouverneurs, y compris celui de Kidal, respectent une certaine logique de corps social devant permettre l'accalmie.
Les organes en charge de la sécurité sont créés sur papier, notamment les Commissions en charge de l'intégration, des DDR et ont déclaré la réforme du secteur de la sécurité dont le commissaire est même nommé. Puis, plus rien. Le cantonnement est encore flou et occasionne une course inexpliquée à l'armement, condition d'être cantonné pour un combattant. Dans ce sens, il faudra éviter une exclusion, surtout des jeunes de Gao dont la bravoure est chantée à chaque occasion, mais qu'on feint d'oublier au nom d'un certain retour de la paix. La capacité de nuisance des jeunes est grande et l'environnement y est favorable avec l'exclusion d'autres mouvements armés et la présence des terroristes.
Les listes de combattants à cantonner font l'objet de spéculations grotesques et éhontées, d'autant plus que c'est l'État malien qui devrait prendre en charge les cantonnés. Tout retard ou mauvaise foi compromet le processus et amplifie les mécontentements légitimes des autres régions du pays.
L'État et la communauté internationale doivent s'assumer et obliger au respect des engagements. Nous apprenons que les listes de combattants ne seraient pas encore disponibles. Ce qui tranche d'avec la bonne foi. Les sites doivent être construits avant le début de l'hivernage. Le cantonnement est en train de déstructurer les communautés, et si l'on y ajoute les Autorités intérimaires et le manque de dividendes, nous aurons tous contribué à fabriquer la bombe de l'implosion des communautés, qui emportera tout avec elle.
La réconciliation est en cours sur papier aussi. La Cvjr (Commission vérité, justice et réconciliation) est en place, mais attend d'être élargie à 25 contre 15 au départ. Qui sont les nouveaux membres ? Quand seront-ils officialisés ? La réponse semble se situer entre le ministre de la Réconciliation, le président de la Cvjr et les mouvements. La stratégie de la Cvjr est disponible, et le processus de mise en place des antennes régionales à Kidal, Tombouctou, Gao, Mopti, Ségou et Bamako serait en cours ou avancé. Mais la réconciliation va de pair avec la vérité et la justice. Qu'en est-il des Commissions d'enquête internationale ? Les rencontres intercommunautaires et autres fora permettent des retrouvailles éphémères de personnes, mais elles ne garantissent rien pour le moment, tant que la présence de l'État est faible, voire inexistante.
Les Agences de développement régionales sont créées et les directeurs nommés, mais quel développement peuvent-elles faire dans des régions déstructurées au Nord ? Ces créations coûtent cher aux contribuables malien et étranger et leur efficacité est compromise par la situation politique et sécuritaire. Des réalisations sont identifiées pour être faites au nord quant aux routes et aéroports. Des financements sont annoncés comme ce fut le cas à Paris, mais la lourdeur de mobilisation et de décaissement des fonds est un obstacle à une plus grande visibilité des dividendes de la paix. Pour cela, le Mali doit améliorer ses performances en termes de bonne gouvernance et de lutte contre l'impunité pour rassurer les partenaires. Il faut nécessairement mettre fin aux mauvaises pratiques et mauvais comportements au sein de l'administration. Mais, l'argent étant le nerf de la guerre, il faudra garantir le financement de l'accord, au risque de rendre vains les efforts.
La réussite de la mise en œuvre de l'accord est tributaire de la bonne foi des parties, toutes les parties, car elle brise le mur de méfiance et permet la transparence de gestion du processus dans un cadre de renforcement de l'exclusivité et de la communication responsable.
Abdourhamane DICKO