Les festivités du centenaire de la naissance du père de l’indépendance du Mali entamées depuis le début de l’année se poursuivent. Cérémonie d’hommage, lecture du Coran et concert de témoignages sont au rendez-vous. Le président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, lui-même n’a pas de mots assez forts pour célébrer les qualités d’homme d’Etat, la rigueur morale, le patriotisme, le sens du devoir, l’humanisme de Modibo Keïta. Cette initiative du souvenir est à saluer, car Modibo Keïta mérite plus que tout ça. N’est-ce pas lui qui a posé les fondements de la jeune République du Mali, avec à la clé une vingtaine d’unités industrielles, la flotte aérienne la plus importante de la sous-région ouest-africaine à travers Air-Mali tout aussi riche d’une vingtaine d’aéronefs comprenant des Iliouchine, des AN 24 et 26, et même un Boeing 727 ? Faut-il encore mentionner les infrastructures socio-économiques et socio-éducatives qu’il a édifiées en si peu de temps ? Sans compter une armée bien formée, dotée de moyens adéquats, républicaine et patriote. Plus que tout, il a cultivé en ses concitoyens les valeurs du patriotisme, l’amour du travail bien fait, le respect du bien public, la tolérance, l’ouverture à l’autre, le sens de l’honneur et de la dignité, l’esprit du panafricanisme…
Que reste-t-il de ces valeurs ? Force est de constater que ses héritiers les ont allègrement foulées au pied. Un bardage en bonne et due forme. En lieu et place, ils ont fait la promotion de l’affairisme, de l’incurie, de la gabegie, du népotisme, du favoritisme, du vol des biens publics, de la médiocrité érigés en système de gouvernance, du mensonge et de la méchanceté gratuite, entre autres tares.
Moussa Traoré, qui lui a succédé à la magistrature suprême, a inauguré l’ère de la mal gouvernance. Alpha Oumar Oumar Konaré, dit « Alpha le rouge », n’a pas pu terrasser l’hydre de la corruption. Au contraire…Tout enseignant et fils d’enseignant qu’il est, il n’en a pas moins sonné le glas de l’école malienne, hypothéquant lourdement l’avenir même du pays. ATT, « l’homme du 26 mars » inaugurera, lui, l’ère du « laisser-aller » et du « laisser-faire », l’ère de l’impunité et du laxisme. Les braves militants de la démocratie ont bien milité. Mais avec le recul, force est également de constater qu’ils ont milité, avant tout, pour eux-mêmes, pour leur poche et leurs comptes bancaires. Nombre d’entre eux, du haut de leurs colossales fortunes, édifiées en un clin d’œil, n’en finissent plus de narguer le bon peuple au nom de qui ils prétendaient naguère lutter.
IBK, que nous avons toujours considérée comme une solution du moindre mal face à la faillite de l’élite intellectuelle et politique, peine à relever le Mali de la profonde crise dans laquelle la médiocrité de ses cadres a contribué à le plonger. On attend toujours qu’il soit à hauteur de souhait. On le voit, le malheur des Maliens c’est leur élite.
On a fait des prières pour le repos de l’âme de l’illustre disparu. Mais comment l’âme d’un homme de l’étoffe de Modibo Keïta peut-elle se reposer devant la déchéance dans laquelle ses héritiers, par leur manque de vision, d’ambition, de patriotisme, leur incurie et leur « petitesse » en un mot ont plongé le Mali ? Devant la logorrhée nationale en guise d’hommage à laquelle se livrent actuellement ses héritiers, il doit plutôt maugréer du fond de sa tombe : «Trêve de louanges, Môrôôôô… Fougariouw !!!» En traduction libre du bambara en français : « Bande d’incapables ! ».
Yaya Sidibé