Le leader du parti socialiste, PS Yéleen Koura était l’invité de du Débat politique de radio Klédu le jeudi 28 avril dernier. À cœur ouvert, Amadou Koïta s’est prononcé sur un certain nombre de sujets tant d’actualité brûlante que de l’histoire récente de notre pays. Comme toujours, le jeune et dynamique politique a fait preuve de sérénité et de maîtrise du verbe. Pour autant, ses positions sur certains sujets laissent entrevoir quelques contradictions, ou en tout cas, un manque de clarté sur ses positions réelles, notamment d’opposant.
Kidal, pas de solution militaire
Amadou Koïta est clair, il n’y a pas de solution militaire au «cas Kidal», les armes ne résoudront pas le problème. Le leader du PS préconise ce qu’il appelle une «marche blanche» réunissant à la fois le gouvernement et le peuple dans toutes ses composantes dans le but de «nous faire entendre» de la communauté internationale, disons, de la France.
Tentative de réhabilitation du régime «Général Moussa Traoré»
Des collaborateurs du Général Moussa Traoré ont récemment publié un document visant à embellir l’ère GMT, à réécrire l’histoire. Sur la question, A. Koïta ne prend pas de gants pour répondre à ceux qui veulent falsifier l’histoire. Pour lui, le régime GMT est synonyme de retraite anticipée de nombreux enseignants, de fermeture des Instituts pédagogiques de maîtres (actuels Instituts de formation des maîtres-IFM). GMT, c’est l’élimination des meilleurs officiers de notre armée, à Taoudénit notamment. GMT, c’est aussi et surtout les Accords de Tamarasset, avec un point entérinant le retrait de l’armée des régions Nord. C’est là qu’a commencé la descente aux enfers.
Et la liste est loin d’être exhaustive. Nous ajoutons à cela que GMT, c’est l’envolée du phénomène de la corruption consécutive à la mal gouvernance, aux nombreux mois (3 à 4 mois) sans salaires. GMT, c’est l’exil forcé de nombreux fonctionnaires, particulièrement des enseignants dont les épouses sont décédées en couche, faute de moyens ; des enseignants qui ont été contraints de vendre lits et matelas avant de prendre le chemin d’un douloureux exil. GMT, c’est la dévalorisation de l’enseignant, l’éducateur « lakolimètri » ; GMT, c’est la mainmise d’un clan, d’une famille sur les principaux débouchés économiques du pays (or, fruits et légumes, Douanes notamment). GMT, c’est l’absence totale de nouvelles infrastructures et la dégradation de celles réalisées par son prédécesseur, Modibo Keita. GMT, c’est la fermeture des nombreuses unités industrielles, mises en place par Modibo Keïta en seulement huit années d’exercice du pouvoir. Bref, le régime GMT est synonyme ‘’d’anti-développement’’. GMT a-t-il seulement fait quelque chose de bien ? Oui.
En effet, même si c’est lui qui, à travers l’Accord de Tamarasset, a ouvert la voie à la démilitarisation chaotique du Nord, il a quitté le pouvoir en laissant derrière lui un arsenal important de guerre capable de faire face à n’importe quel pays de la sous-région voire de l’Afrique. Ainsi, en vrai Bambara, l’humiliation du Mali n’est jamais intervenue sous son régime. Mais, la ‘’graine’’ de cette humiliation était sûrement en train de germer. Elle sera entretenue par Alpha Oumar Konaré notamment pour le peu d’intérêt accordé aux forces armées. Le comble de la désolation surviendra avec Amadou Toumani Touré, fort de son rang de plus gradé de l’armée, général de honte. Avec, on ne sait plus où nous en sommes, si même «on existe réellement», pour reprendre une interrogation du fameux Bougoula de Quartier Mali.
Le FDR, l’embargo et les bérets rouges
Amadou Koïta a été porte-parole du FDR (Front pour la Démocratie et la République) composé de regroupements hostiles au putsch perpétré par Amadou Haya Sanogo. Que sait-il de l’embargo décrété contre le Mali au lendemain du putsch, mais aussi de l’affaire dite des bérets rouges ? Selon A. Koïta, le FDR n’avait rien à voir avec l’embargo décrété par la CEDEAO. C’est juste un principe pour l’organisation de prendre de telles mesures lorsqu’intervient un événement du genre, un coup d’Etat en particulier, a expliqué en substance le dirigeant du PS Yéleen Koura. Qui ne convainc pas Allaye Bocoum du parti SADI, selon qui des représentants du FDR se seraient rendus en Côte d’Ivoire pour demander l’application de l’embargo. Ce qui nous paraît une affirmation gratuite et même farfelue.
En effet, de quels pouvoirs disposait le FDR pour obliger la CEDEAO ou l’UEMOA à imposer un embargo au Mali ? S’il avait un tel pouvoir, il rétablirait sûrement ATT sur son trône. Ensuite, nous savons tous qu’il y a eu menace d’embargo, mais qu’il n’y a véritablement jamais eu d’embargo. La Guinée avait retenu des containers d’armes destinés au Mali (et achetés par ATT), mais c’était simplement au regard des affrontements survenus entre bérets verts et bérets rouges. Ces armes seront par la suite remises aux autorités de l’époque.
Et l’on se souvient qu’Amadou Haya Sanogo n’était pas content que l’opinion ait su que c’était des armes commandées par ATT. Des personnes à l’origine de la fuite de cette information auraient même été sanctionnées. Dans tous les cas, sur cette question d’embargo, Amadou Koïta a réagi de façon cinglante à Allaye Bocoum : «Un parti républicain qui soutient un coup d’Etat doit être dissout», dit-il. Avant d’ajouter qu’il souhaiterait un débat sur la présence d’Oumar Mariko à Kidal à l’occasion du fameux forum : « j’ai une autre opinion là-dessus». Le débat est lancé. Sur le conflit qui a opposé les frères d’armes bérets verts-bérets rouges,’’ le FDR n’a rien à y voir’’, a martelé Amadou Koïta.
«Comment ‘’construire’’ le Malien ?»
C’est la question combien significative qu’a posée une auditrice sympathisante de l’invité de Klédu (comme d’ailleurs la plupart des auditeurs, faut-il reconnaître), Amadou Koïta. La question est d’autant pertinente qu’aujourd’hui la «race malienne» semble avoir muté. Pour reprendre un concitoyen tout aussi dérouté : «Notre gène aurait-il été modifié ?» Serions-nous devenus des «Maliens génétiquement modifiés» ?
Le leader du PS comprend parfaitement l’interrogation de cette auditrice pour la simple raison que lui-même vit au quotidien la perversion du «genre malien» que l’on peut constater, notamment à travers les insultes crues proférées sur les réseaux sociaux. À titre personnel, confie-t-il : «On m’appelle pour m’insulter père et mère. Mais, les auditeurs l’ont fait pour le Mali. Aussi, je les pardonne». En voici des propos très sages qui honorent le jeune leader politique. Pour répondre donc à la dame sur ‘’comment construire le Malien ? ’’, Amadou Koïta pense que l’organisation de conférences pourrait aider à mieux appréhender les contours de la dérive et à proposer le ‘’Nouveau modèle malien’’. Et ce ne sont pas les atouts qui manqueraient, puisque nous disposons d’un immense trésor qu’est le cousinage à plaisanterie (Sinankouya).
Le nomadisme du jeune leader
Malgré sa jeunesse (biologique, mais non politique), A. Koïta a déjà goûté à bien de sauces : association Mouvement citoyen, PDES ; UMAV (Union des mouvements et associations pour le Mali) avec Jeamille Bittar et maintenant, PS Yelen Koura. Ça fait un peu beaucoup, mais c’est à l’image de toute la classe politique malienne. Qui pourrait voir dans le «nomadisme politique» la «realpolitik» à la sauce africaine ou malienne. Aussi, Koïta a-t-il ses arguments, fussent-ils solides ou discutables. Ainsi, pourquoi du PDES à l’UMAV ? «Le président ATT ne voulait pas que le PDES présentât un candidat à la présidentielle. Alors, j’ai suivi Jeamille Bittar qui allait être le candidat de l’UMAV.
Les circonstances ayant évolué par la suite, coup le d’Etat notamment, j’ai demandé à Bittar de renoncer à sa candidature. Nous nous sommes entretenus pendant deux heures sur la question. Il s’était engagé à me donner sa réponse par la suite. Au lieu de cela, il s’est exprimé dans la presse, s’en prenant à ceux, comme moi, voulaient le dissuader de se présenter. Malgré cela, nous continuons à avoir des relations normales…». Voilà ce que dit en substance A. Koïta. Arguments assez convaincants quand on sait que, pour reprendre le même Koïta, «la politique, c’est la conquête du pouvoir». Et les choix qu’il a faits jusqu’à preuve de contraire, ne donnent pas l’impression d’un parfum de trahison. Seulement, c’est lui qu’on a écouté, pas les autres protagonistes.
Opposition, majorité ou simplement ‘’pro IBK’’ ?
Malgré son beau discours, A. Koïta nous paraît tout, sauf clair quant à son statut réel. Officiellement, l’homme se dit de l’opposition. Mais, en analysant plus profondément certains de ses propos, on est plutôt tenté de conclure qu’il n’est qu’un opposant de façade, qu’il n’est guère guidé par sa conviction idéologique.
Et pour cause. Sans entrer dans les détails d’une rencontre qu’il a eue avec le président IBK, Amadou se trouve obnubilé par des propos élogieux tenus par IBK à son endroit. Celui-ci n’était pas encore président de la République et il l’avait porté aux nues à tel point que, rapporte-t-il, il aurait confié au candidat du FDR, Soumaïla Cissé, que ‘’s’il n’était pas du FDR qui avait pris un engagement commun à soutenir celui d’entre eux qui serait au second tour, il soutiendrait IBK». C’est peut-être de la loyauté dont il fait preuve, mais c’est aussi assez révélateur du niveau d’engagement d’un leader se disant de l’opposition politique. Drôle d’opposant ! Reconnaissance ? Complexe ? Main tendue au régime ? Peut-être tout cela à fois…
La dernière déclaration de l’homme qui ne suivra pas ses camarades d’hier dans une marche prévue ce mois-ci lève enfin le voile –si voile il y avait –sur le vrai visage de l’homme. Qui a dit que «les hommes ne changent pas», ou encore que «la nature humaine est la même partout» ? Rappelons cette citation de J.F.M. afin de tenter de mieux comprendre l’attitude d’A.K. : «La politique devient une sorte de business dont les deux monnaies d’échange, substituables, sont l’argent et les relations». A.K., après la chute de son mentor ATT, voudrait apparemment passer d’une ‘’stratégie de survie à une stratégie d’accumulation…’’. Une autre expression d’un autre auteur, J.F.B., est assez suggestive : «La politique du ventre», tout simplement. Sacré Koïta !
Koïta, fidèle à ATT
Il n’est guère surprenant que M. Koïta continue à apporter son soutien à l’ancien mentor. Pour lui, ATT, ce sont les logements sociaux, c’est l’AMO (Assurance maladie obligatoire), c’est beaucoup de choses…Koïta va jusqu’à vouloir ‘’dédouaner’’ ATT dans l’intrusion dans notre pays d’ex-combattants de Kadhafi (il invoque la complicité de pays tiers) ou encore dans les critiques formulées contre l’ex-président par rapport à la lutte contre la corruption. Il doit comprendre que sur ces deux points, comme il l’a dit concernant GMT, il ne faut pas tenter de falsifier l’histoire. Concernant les bandits venus de Libye qu’il a accueillis sur tapis rouge, nous disons simplement qu’il aurait dû agir simplement comme le président nigérien qui n’a pas plus de moyens que lui. Nous répondons également aux inconditionnels de l’ancien président qui ressassent le fait que leur mentor en a toujours appelé à l’effort commun, que c’est lui qui, pendant dix ans, a laissé le mal s’enraciner et se gangrener. Au point qu’au moment où éclatait la crise, notre pays n’était plus effectivement en mesure d’en venir à bout.
C’est ATT qui a créé cette situation, ce n’est pas de la ‘’méchanceté’’ (que dénonce Koïta), mais de ‘’l’évidence’’. La philosophie d’ATT pouvait s’assimiler à : «Tant que mon fauteuil n’est pas menacé, en particulier, ça peut aller. Après moi, le déluge !». Et c’est un général quatre étoiles qui a plongé sa Patrie dans l’impasse. Les autres pays voisins se sont attaqués au mal à sa racine en combattant les terroristes jihadistes et autres prêcheurs de mauvais augure, au fur et à mesure de leur arrivée sur leur sol. ATT a fait l’autruche, à moins que ce ne fût délibéré de sa part pour aller au-delà de son deuxième mandat… Nous avons tous condamné le coup d’Etat de la bande à Sanogo, mais nous savons tous aussi qu’à deux mois de l’échéance électorale, rien n’était prêt. D’où cette interrogation : ATT n’aurait-il pas laissé sûrement la situation pourrir aux fins de perdurer au pouvoir ?
«Je ne vais pas humilier un chef de famille…»
Voilà ce que disait à satiété Amadou Toumani Touré au sujet de la lutte contre la corruption. Ce faisant, il a invité tous à s’enrichir : «Enrichissez-vous comme vous pouvez. Si par hasard vous êtes pris, vous allez simplement rembourser, vous n’irez pas en prison». Il nous semble que c’est ce qu’a voulu dire le président déchu. Ceci est d’autant évident que la prison, c’est pour éduquer le peuple, c’est pour une meilleure socialisation des citoyens.
En plus du fait d’ôter la vie à quelqu’un, il n’y a pire crime (sur un plan financier en tout cas) que celui de détourner l’argent du peuple. ATT a préféré protéger un individu, un voleur, au grand dam de tout un peuple. Il est indéfendable sur ce plan. Et ce, malgré ce que ses partisans appellent abusivement ses ‘’grandes réalisations’’ : routes, ponts, logements sociaux, AMO …Ces réalisations sont une réalité, mais il y a un ‘’Mais’’. Elles ne l’ont jamais été sur la base d’une quelconque croissance. Il a fallu vendre des patrimoines nationaux (Sotelma, Huicoma etc.) et contracter des prêts (que même nos petits enfants devront rembourser) pour réaliser ces infrastructures. Nous aurions préféré ce qui se passe en Côte d’Ivoire avec Allassane D. Ouattara qui réalise avec les fruits de son labeur. Nous, nous dilapidons l’héritage et usons de l’argent recueilli pour donner l’illusion de suer véritablement.
C’est du saupoudrage. Et puis, il y a une vérité simple : vous avez beau réaliser des édifices, si vous ne construisez pas l’homme, vous n’avez rien fait, car l’homme finira pas détruire tous ces édifices. ATT a peut-être tout fait, sauf celui de construire l’homme. Au contraire, il l’a davantage détruit : corruption, recrutement dans l’armée (tout sauf des militaires de vocation)… Il est allé jusqu’à nous présenter du matériel militaire venu de Libye pour nous tromper et nous maintenir dans l’illusion d’un ‘’pays debout’’. Pendant que nous étions déjà ‘’sous terre’’. Ce fait, à lui seul, constitue un acte de haute trahison. On peut écrire un livre sur l’irresponsabilité de ce président qui a conduit le pays que nous aimons tous (Nul n’a le monopole de l’amour de la Patrie) dans la pire crise de son histoire. Alors, oui à la réconciliation des cœurs, mais non au déni de la réalité.
La Rédaction