Les conséquences sont déplorables et conduisent le plus souvent au divorce Le rêve de tous les parents est de voir le jour du mariage de leurs enfants, particulièrement les filles en âge de convoler en noces. La même aspiration est réciproque pour les enfants du couple. Le désir viscéral des filles est de fonder un foyer pour donner beaucoup de naissances avant la ménopause. Le mariage comble de bonheur et ses bienfaits sont inestimables. Quoi de plus beau que de regarder l’élu de ton cœur te mettre la bague au doigt. Quoi de plus formidable que d’être le point de mire de toute l’assistance le jour de son mariage?
Selon certains spécialistes en santé, le risque de maladies comme les troubles cardiaques, le diabète, la maladie d’Alzheimer et autres affections pulmonaires est faible chez les personnes qui vivent en couple. La religion musulmane enseigne que le mariage éloigne de plusieurs péchés. Il sanctifie l’autorisation sociale pour avoir des enfants.
Cependant, si certaines jeunes filles ont la chance de se marier tôt, d’autres prennent du temps avant de s’unir à quelqu’un pour des raisons indépendantes de leur volonté. Ces malchanceuses vivent un véritable calvaire de nos jours à Bamako. La société africaine, singulièrement malienne, voit d’un mauvais œil une fille en âge de se marier traîner au domicile de son père au lieu de trôner au foyer conjugal.
C’est pourquoi, lorsque que la jeune fille atteint un certain âge, il n’est pas rare d’entendre les voisins ou les parents proches l’interroger en ces termes : « ma fille, qui est notre futur beau fils? », « quand allons-nous croquer les colas ? » Ces questions sont parfois suivies de séances de présentation pour aider la fille à faire un choix. Les mamans, particulièrement, mettent la pression sur leurs filles qui ne pensent qu’à croquer la vie à belle dent. La méthode fait souvent ses preuves. Les épicuriennes prennent conscience et décident de se marier.
Par contre, d’autres sous la pression prennent des décisions qui feront leur malheur. A vouloir se trouver un mari à tout prix, elles ne se soucient plus de trouver un fiancé de bonne moralité. Leur leitmotiv du moment est de faire taire les mauvaises langues. Les conséquences sont déplorables le plus souvent. Nous avons pu recueillir les témoignages de plusieurs épouses mariées sous la pression des familles et qui ont fini par divorcer. D’autres ont pris des décisions risquées.
UN AVENTURIER.
La divorcée Oumou aura 30 ans le mois prochain. Elle est infirmière de son état et vit dans la famille paternelle. Elle s’est confessée en ces termes : «mon plus grand désir était de me marier. Malheureusement je tombais toujours sur le mauvais homme. J’ai eu à supporter toutes sortes d’injures venant de mon entourage. Certains me traitaient de frivole, ou d’opportuniste à la recherche d’un milliardaire». A l’époque, la mère de Oumou souvent ne lui adressait pas la parole pendant une semaine. La pression morale était forte. La malheureuse passait des nuits blanches. Pour lui trouver un mari, une de ses tantes s’invitait en famille les week-ends. Elle arrivait en compagnie d’un homme dans le but de le présenter à sa nièce. En fin de compte, Oumou a accepté les avances de l’un des nombreux soupirants pour clouer le bec à l’entourage.
Ce mari en fait était un aventurier. Il est reparti en France un mois après le mariage. Trois ans après, il est revenu au bercail. Il va dévoiler son vrai caractère. L’épouse frustrée Oumou continue son récit : « très jaloux, mon mari avait une humeur de chien. Je ne pouvais même pas m’arrêter à la porte de notre concession sans être grondée. Très violent, il me tapait à la moindre erreur. Lasse de vivre ce calvaire, j’ai demandé le divorce après avoir eu un enfant ».
La malheureuse Oumou n’est pas la seule à se marier sous la pression. Notre deuxième interlocutrice Fanta est âgée de 32 ans aujourd’hui. Elle a relaté sa mésaventure. « Je conseille à toutes les mères de ne pas mettre la pression sur leurs filles. Quand j’avais 27 ans ma mère ne supportait pas de me voir dans la famille. Elle me harcelait de chercher un mari et de quitter chez elle. A chaque fois qu’on lui annonçait les fiançailles de la fille d’un tel ou d’une telle, elle passait toute la nuit à me traiter de tous les noms d’oiseaux», a-t-elle témoigné.
La pression augmentait autour de Fanta au point qu’elle avait voulu quitter la famille. Un jour elle a rencontré un homme dans un bus. Elle apprendra au fil de leur causerie que l’inconnu était à la recherche d’une âme sœur. Sans l’aimer et sans chercher à le connaître davantage, Fanta s’est mariée avec l’homme qu’elle avait connu dans le bus, un mois après leur rencontre.
Quelques mois après l’union sacrée elle a réalisé que cet individu n’était pas le mari à conseiller même à une ennemie jurée. «Il rentrait saoul à des heures indues et me battait. Une fois, il m’a tabassée à telle enseigne que j’ai été hospitalisée pendant des jours. Et j’ai perdu le bébé que j’attendais. Ma mère en larmes est venue me demander pardon pour avoir mis la pression. Cette dame qui n’en pouvait plus demandera le divorce avec le soutien de toute sa famille.
La jeune Fatim est l’aînée d’une fratrie de six filles. Dans sa famille toutes les filles s’étaient mariées sauf Fatim et sa cadette. Elle nous a fait le récit suivant : «plusieurs personnes me jugeaient à tort et à travers. Les hommes sérieux se font rares de nos jours.
La plupart veulent d’abord prendre du bon temps avec les filles avant de se décider à sauter le pas. Les oies blanches qui refusent de céder à leur demande, sont condamnées à rester longtemps au domicile familial comme moi. Aujourd’hui j’ai 28 ans. Je me suis mariée il y a seulement un mois. Et ne me demande pas dans quelles conditions?» Cette femme a énormément souffert. Ses tantes lui adressaient des sous entendus blessants lors des regroupements familiaux. La chance va lui sourire sur le réseau social Facebook. Elle n’a jamais vu son futur mari si ce n’est en photo. Les fiançailles sont scellées et le mariage sera célébré quand le fiancé en chair et en os viendra passer son congé à Bamako.
La grande sœur de Fatim est toujours célibataire. Elle n’arrive plus à supporter les pressions familiales. Elle est devenue l’hôte des marabouts qui lui ont fait croire qu’elle est possédée par les esprits, les «djinns». Actuellement, elle dépense tout son argent dans les sacrifices. Chaque vendredi elle voyage de village en village pour aller solliciter l’appui de prétendus devins.
Le dernier témoin s’appelle Mami. Dans sa famille, elles étaient deux sœurs non mariées.
Très traditionnaliste, leur mère avait donné un délai pour quitter son domicile sous peine de nous chasser. Le délai est écoulé et le domicile familial est devenu invivable pour les deux sœurs. Sur le conseil de leurs amies, également célibataires endurcies, les deux malchanceuses sont allées consulter un exorciste. Elles ont failli y laisser la vie tant l’épreuve était dure à supporter.
Longtemps après au cours d’une mission Mami a rencontré un homme. Sans chercher de midi à quatorze heures, elle a accepté sa demande de mariage. Sa sœur aussi s’est mariée à la hâte. Aujourd’hui toutes les deux sont divorcées avec des enfants sur les bras. Les valeurs sociales sacralisant le mariage en prennent un sérieux coup.
A. D. SISSOKO
Source: Essor