Inédit ! Historique ! Du jamais vu ! Marée humaine ! Une première en République ! Les termes et expressions rivalisent en portée à propos de la « Marche pour le Mali » du 21 mai 2016 de l’opposition républicaine et démocratique. Plus de 50 000 manifestants (selon les organisateurs) venus des partis politiques de l’opposition, d’environ 300 associations, de la société civile ainsi que les mécontents et les déçus du régime actuel ont « kidnappé », deux heures durant, la Place de la Liberté, l’Avenue Mamadou Konaté, le Rond-point de la Gondole, l’Avenue de la Nation et la Place de l’Indépendance et certaines rues de Paris, en France.
De Soumaïla Cissé (président de l’Urd et chef de file de l’opposition) à Tiébilé Dramé (président du Parena et gourou du pouvoir), en passant par Oumar Hamadoun Dicko (président du Psp), Daba Diawara (président du Pids), Djibril Tangara (président du Fcd), Sadou Harouna Diallo (président par intérim du Pdes), Souleymane Koné (1er vice-président des Fare An ka wuli), Djiguiba Kéïta dit PPR (secrétaire général du Parena), Me Demba Traoré (secrétaire à la communication de l’Urd), Mamadou Cissé (secrétaire général de la section Parena de France), Mamadou Sissoko alias Papman (président de Ras-le-bol), Yacouba Diakité (président de Réveil citoyen du Mali), tous étaient là pour donner tout son sens à ce défi majeur de l’opposition malienne. Le jeu de la démonstration en valait réellement la chandelle puisqu’il s’agissait de dénoncer haut et fort les dérives du pouvoir qui plombent l’avenir du Mali, et risquent à la longue d’être fatales aux Maliens. Entre autres : la mauvaise gouvernance, la patrimonialisation de l’État, la dilapidation et le détournement des deniers publics, les surfacturations, l’immixtion de la famille dans les affaires de l’État, le pilotage à vue des affaires publiques, l’improvisation, l’arrogance et le mépris vis à vis du peuple…Les conséquences sont connues et ne méritent point d’être égrenées. A Bamako comme à Paris, Soumaïla Cissé et le porte-parole des opposants du Mali en France ont pris à témoin les manifestants, l’opinion nationale et internationale sur ces dérives du régime d’IBK qui sonnent comme une catastrophe humaine annoncée. Carton rouge à IBK ? Lire nos reportages en pages 3-4 et 8.
Plusieurs milliers de personnes (on estime à 50 000 le nombre de marcheurs) ont manifesté le samedi 21 mai 2016 à Bamako et à Paris, à l’appel de l’opposition républicaine et démocratique. Pourquoi ? Pour dénoncer la vie chère, les coupures d’électricité, les pénuries d’eau. Mais aussi contre l’insécurité et l’insalubrité, l’arrogance et le mépris, la mauvaise gouvernance. Contre la corruption généralisée, l’ingérence de la famille du président dans les affaires de l’Etat, la dilapidation des ressources du pays, la mauvaise gestion de la crise du nord, la partition de fait du pays, le détournement des ressources destinées à la défense et à la sécurité du pays. Et enfin pour la paix et la réconciliation nationale, le retour au pays du président Amadou Toumani Touré, la gestion transparente des ressources allouée aux forces armées, une meilleure présence de l’Etat et de ses démembrements (administration, éducation, santé) sur tout le territoire, la tenue d’assises et/ou de concertations nationales en vue de sauver le Mali. La marche de Bamako, partie tôt le matin de la Place de la liberté a pris fin au monument de l’indépendance par une adresse aux manifestants de Soumaïla Cissé, président de l’Urd et chef de file de l’opposition politique. A Paris, les marcheurs ont remis une lettre à l’Ambassadeur Cheick Mouctary Diarra.
C’est vers 8h 30 mm que le cortège des manifestants, avec une affluence record estimée à plus de 50 000 personnes, a pris le départ de la place de la liberté pour rejoindre le monument de l’indépendance via les Avenues Mamadou Konaté et de la Nation. A la tête du mouvement se trouvait le chef de file de l’opposition, l’honorable Soumaïla Cissé. A ses côtés, main dans la main, Tiébilé Dramé, Oumar Hamadoun Dicko, Daba Diawara, Sadou Harouna Diallo, Djibril Tangara, tous leaders de partis.
Pour appuyer la marche plusieurs associations de la société civile ont aussi mobilisé leurs militants et leurs présidents étaient également de la fête, à l’image de Mamadou Sissoko « Papman » de Ras-le-bol et Yacouba Diakité du Réveil citoyen.
Sur les pancartes, on pouvait lire plusieurs slogans dénonçant l’incurie du pouvoir actuel. Comme « Non à la corruption », « Non à la vie chère », « Non aux autorités intérimaires », « Non au fédéralisme », « Non à la surfacturation », « Non à la gabegie », « Non à Ma famille d’abord », « Non à la mauvaise gouvernance », « Non à la partition de notre pays, « Oui à l’unité nationale », « Oui aux produits de première nécessité accessibles à tous », « Santé pour tous à moindre coût », « Eau et électricité à moindre coût » . Autant de raisons qui motivent les marcheurs pour dire aux dirigeants « Y en marre de vivre cette situation ».
Les manifestants ont la nette impression d’une action publique sans but, sans visibilité, d’un exercice du pouvoir qui tourne à vide, de l’absence de réformes, de direction et d’engagement.
Ils s’interrogent sur le manque d’ambitions de la gouvernance actuelle, car les incantations ne peuvent tenir lieu de réponses à leur angoisse.
Plus de 30 mois d’immobilisme
Les populations s’interrogent également sur l’État et ses démembrements (l’éducation, la santé, la justice, l’administration…), et leurs capacités à délivrer les services de base, sur les spoliations, les multiples tracasseries dont ils font l’objet. Ils ne se reconnaissent pas dans l’État tel qu’il fonctionne sous le président Ibrahim Boubacar Kéïta.
Aujourd’hui, dans notre pays, des centaines d’écoles sont fermées et des milliers d’écoliers privés d’études ; des centaines de centres de santé sont clos et des milliers de citoyens privés de soins primaires. L’insécurité règne dans les grandes villes et en dehors. Les coupures intempestives de l’électricité privent au quotidien les populations qui, en outre, peinent à avoir l’accès à l’eau potable. Des centaines d’enseignants et de fonctionnaires sont au chômage, faute de classes et de bureaux, venant ainsi s’ajouter aux milliers de jeunes sans emploi, ni espoir.
Pour Soumaïla Cissé, cette marche est une nouvelle alerte lancée aux autorités actuelles pour dénoncer toutes les dérives qui caractérisent la Gouvernance de notre pays. « Notre Mali est en terribles souffrances sociales, en persistantes déviances affairistes, en misères économiques grandissantes et en méfiances inquiétantes de la communauté internationale et des investisseurs. Plus de 30 mois d’immobilisme, voire de recul ont anéanti l’espoir, le bonheur et l’honneur tant promis.
Or, notre peuple n’aspire qu’à la paix, à la quiétude dans la solidarité et le partage. C’est pourquoi nous avons invité les Maliennes et les Maliens de tous bords, ce matin à « la Marche pour le Mali », pour faire entendre le cri de désespoir de notre peuple, le cri du peuple est notre cri à tous et c’est ensemble que nous devons désormais nous engager au chevet de notre pays pour le bien-être des populations, au-delà de tous les clivages politiques, dénoncer non seulement les dérives du régime mais aussi et surtout…Dire Non à la mauvaise gestion du Nord, Non à la mauvaise gouvernance, Non à la corruption généralisée, Non à la dilapidation de nos maigres ressources, Non à l’arrogance et au mépris, Non à l’absence de dialogue social justifiant ainsi le malaise social grandissant. Exiger que la priorité soit donnée à une paix durable en toute transparence des moyens et des accords ! !Exiger avec force la création massive et pertinente d’emplois pour les jeunes. Soulager la souffrance du peuple par des subventions des denrées de première nécessité. Refuser catégoriquement la partition du pays dont les conséquences diviseraient notre peuple », a scandé le chef de file de l’opposition malienne. Avant d’ajouter que le temps de sortir de l’immobilisme actuel est arrivé pour redonner espoir au Maliens. Et d’exiger du gouvernement : « Des assises nationales pour la refondation de l’État ; le retour du Président ATT pour une vraie réconciliation nationale ; la fin de la dilapidation des ressources publiques ; l’emploi pour les jeunes ; une meilleure dotation des FAMA pour la défense de l’intégrité du territoire et la sécurisation des personnes et de leurs biens ; une gestion transparente des ressources allouées aux FAMA ; un allègement de la souffrance quotidienne des ménages ; la fin de la gestion patrimoniale de l’État ; une meilleure présence de l’État et de ses démembrements (Éducation, Santé, Administration…) sur toute l’étendue du territoire national ; le retour au dialogue pour contenir un malaise social grandissant ».
« Nous, partis de l’opposition républicaine, organisations de la société civile présents ici ce jour sommes déterminés à redonner espoir et confiance à notre peuple ! », conclut Soumaïla Cissé, sous un tonnerre d’applaudissements.
La marche du 21 mai a été l’occasion pour les manifestants d’exprimer leurs attentes. Ils attendent un État fort, un État solide, stable et juste, un État stratège, capable de donner une direction au pays. Ils veulent un État au service du développement et de l’économie, qui soutienne les initiatives des citoyens pour le développement ; ils souhaitent une redistribution équitable des richesses, et une solidarité agissante avec les plus démunis.
Les populations maliennes veulent d’un État qui saura unir la nation, la protéger et non la diviser. Car « sans un État respecté, sans une Démocratie apaisée, sans une vie politique guidée par l’intérêt général, sans un développement équitable et visible, il est fort à craindre que les mêmes causes ne produisent les mêmes effets, que la Nation s’efface devant les intérêts privés et les particularismes destructeurs ».
Selon Tiébilé Dramé, président du Parena, cette marche est une réponse légitime du peuple souverain, face aux scandales de surfacturation, de corruption, d’abus de pouvoir, de népotisme érigé en mode de gouvernance par l’équipe actuelle.
Mémé Sanogo
Ils ont dit…
Au terme de la marche, des leaders et responsables de partis politiques et d’associations se sont exprimés à L’AUBE.
Tiebilé Dramé, président du Parena
« Le mandat en cours est un fiasco de gouvernance…»
Le message que nous tenons à transmettre à travers cette marche, c’est pour dire à l’opinion que ça ne vas pas au Mali. Le mandat en cours est un fiasco de gouvernance, un fiasco démocratique. Nous voulons également dire que le peuple malien est fatigué et c’est pourquoi nous invitons les Maliens à se faire entendre. Le peuple souffre, le pouvoir est atteint par une grave maladie. Cette maladie, c’est l’autisme. C’est la raison pour laquelle ils n’entendent pas le soupir, la souffrance et le gémissement du peuple malien. Et quand on est atteint d’autisme, on n’a pas de compassion. C’est ça la situation actuelle du Mali. Nous souhaitons que cela change, c’est pourquoi le peuple est sorti pour se faire entendre.
Demba Traoré, SECRETAIRE A LA COMMUNICATION DE L’Urd
« Le pays souffre… »
A travers cette marche, on a voulu démontrer que rien ne vas plus au Mali. Vous ne pouvez pas rentrer dans un foyer digne de ce nom au Mali et que les gens te disent que ça va.
Tous les secteurs de notre pays souffrent. Au niveau de l’énergie, de la pénurie d’eau… Je suis d’un quartier qui peut faire souvent trois jours sans eau. Cette situation est déplorable !
La corruption, aujourd’hui, a atteint un seuil intolérable. L’année 2014 avait été déclarée Année de lutte contre la corruption. Mais ça a été une année qui a ouvert les vannes de la corruption, par des scandales financiers, de l’affaire de l’avion présidentiel à la surfacturation des armements, jusqu’à la suspension du Mali par le FMI.
Aujourd’hui, l’ingérence de la famille dans les affaires de l’Etat n’est plus à démontrer. « Le Mali d’abord » a laissé la place à « Ma famille d’abord » ; tout le monde le dit, même ceux qui sont dans la majorité. Bref, nous sommes dans un pays qui souffre.
Pour la première fois dans l’histoire du Mali, j’ai appris que ceux qui vendent le bois et le charbon sont partis en grève. Le panier de la ménagère se vide, le malaise social est grandissant, il n’y pas de dialogue social entre le gouvernement et ses partenaires sociaux. C’est pourquoi, nous assistons tous les jours à des marches. Donc, nous avons voulu aujourd’hui alerter encore, puisque nous avons toujours alerté. Nous avons cette fois-ci donné le ton en mobilisant le peuple, pour que le gouvernement sache que nous sommes encore vigilants, que nous resterons mobilisés et nous ne serons pas d’accord que notre pays soit plongé dans le gouffre. C’est pourquoi, nous avons lancé ce message là aujourd’hui et nous pensons qu’on sera entendu.
Mahamadou Sissoko, coordinateur national de Ras-le-bol
«Notre pays se trouve dans un état qu’il n’a jamais vécu…»
Nous voulons lancer un appel d’abord au gouvernement actuel pour dire que l’ensemble des Maliens souffrent. Les Maliens souffrent de problème de mal gouvernance, de problème d’électricité, les Maliens ont soif de paix. Kidal n’est pas pour le Mali, l’insécurité est sur toute l’étendue du territoire, les gens ne mangent pas à leur faim. Bref, le Mali est entrain de souffrir.
Mais, c’est aussi un appel aux gouvernants pour leur dire qu’il faut qu’ils changent de méthode, sinon notre pays s’est réellement affaissé. Notre pays se trouve dans un état qu’il n’a jamais vécu auparavant : une situation de désolation. Face à de telles situations de désespoir, il faut craindre le pire, ce qui n’est pas souhaitable.
Nouhoum Togo, chargé à la communication du Pdes
«Le Mali d’abord est devenu la Déception d’abord »
Nous avons organisé cette marche parce que « le Mali d’abord » est devenu « la déception d’abord » ainsi que « Ma famille d’abord ». Donc, nous demandons que le Mali soit d’abord pour les Maliens. Nous étions convaincus, avec tout le peuple malien, même si on s’est trompé, qu’avec l’arrivée du président Ibrahim Boubacar Keïta, l’espoir allait renaitre et les Maliens allaient être débout sur le champ de l’honneur pour récupérer le nord, pour que le Mali soit unifié.
Nous sommes déterminés à mener le combat pour le changement. Aujourd’hui, les biens publics de l’Etat sont dilapidés. On ne sait pas comment est-ce qu’on gère les finances du Mali. On nous fait croire qu’il y a une croissance économique et que la situation économique tient très bon. Or, nous savons tous que le panier de la ménagère continue à trembler, les Maliens n’arrivent plus à manger à leur fin. Il n’y a pas d’eau, ni d’électricité.
L’arrivé d’IBK au pouvoir est synonyme de déception pour le peuple malien qui est en train de se chercher.
Nous sommes sortis pour montrer à la communauté nationale et internationale que les Maliens vont se battre jusqu’au bout et nous continuerons à faire en sorte que le Mali revienne aux Maliens. Ce ne sont pas d’autres pays qui vont décider l’avenir de notre pays, car nous sommes souverains. Les fils de ce pays qui se sont battus pour le Mali ont leurs noms gravés dans l’histoire. Nous nous battons pour eux et pour le Mali.
Propos recueillis par Mohamed Sylla