Si la première (l’opposition) a réussi la grande mobilisation prouvant ainsi sa légitimité populaire et la synergie d’avec la masse populaire, voire la société civile, le second (le régime politique en place) a évité le piège et le chaos annoncé, non seulement en autorisant la manifestation mais aussi, en l’accompagnant. A chacun son mérite ! Reste maintenant aux deux entités à tirer les enseignements d’une journée. Mais quels enseignements ?
Ils étaient de tous les âges et même de toutes les générations. Et surtout, ils étaient engagés ! Cependant, à y regarder de très près, ces manifestants (une dizaine de milliers) n’avaient visiblement pas les mêmes préoccupations. Seule la marche les liait entre eux, non les motivations et convictions !
En clair, chacun voulait exprimer un sentiment, une colère, une désapprobation, une déception, bref un message à un régime politique hélas sourd aux appels, et enfermé dans sa tour d’ivoire. Les organisateurs de l’événement ont ainsi eu le mérite, de leur en offrir le cadre. Le mérite ? Peut-être, mais surtout la clairvoyance.
Ils ont véritablement fait d’une pierre deux coups en s’appropriant les préoccupations d’une écrasante majorité (d’où la forte mobilisation) et en imposant le respect de l’adversaire politique d’en face et aux yeux des opinions nationale et internationale.
Pour autant, la mobilisation n’est pas une fin en soi. Sa lecture est susceptible d’être biaisée. Les organisateurs seraient, en effet très mal inspirés en assimilant de facto ces manifestants d’avec avec les militants. Se focaliser sur cette mobilisation pour asseoir sa religion serait certainement l’erreur.
Il s’agit d’une mobilisation physiquement réelle mais politiquement suggestive et volatile; une masse beaucoup plus soucieuse d’exprimer son ras-le-bol que véritablement consciente des enjeux politiques. La foule était plutôt cosmopolite, disparate certes susceptible d’être mobilisée à la faveur d’un scrutin, mais tout autant instable et indécise en matière électorale. Comment donc reconvertir cette masse populaire en militants convaincus et engagés ? C’est le défi qui se pose désormais à l’opposition. Un défi qu’IBK n’a pu relever. Il est évident qu’une grande partie de ces manifestants d’aujourd’hui a bien voté pour lui. Mais la déception aidant…
En somme, si IBK a estimé, en son temps que c’est l’ensemble des Maliens et non son parti qui l’a élu, il doit déduire à partir de cet instant qu’une frange important de son électorat vient de le lâcher. Pour autant, elle n’a pas encore rejoint l’autre camp. Mais au rythme où vont les choses, elle se décidera certainement avec, bien sûr, un petit coup de pouce des détracteurs.
Le parti majoritaire, quant à lui, englué dans des querelles internes doit bien admettre qu’il est dépassée et en total déphasage avec la réalité sociopolitique du pays. Il est en effet bien seul. Et rares seront éventuellement les autres partis de la mouvance présidentielle qui se mouilleront pour lui. Ceux-ci lui reprochent d’ailleurs de les affaiblir en puisant régulièrement dans leurs rangs.
Cette mouvance doit surtout tuer en elle la tentation d’organiser une marche de soutien au régime politique ou au président de la République. En tout cas, si elle a souvenance des conséquences désastreuses de la contremarche de l’UDPM (ex-parti unique sous Moussa Traoré) le 30 décembre 1990 en réponse à celle du mouvement démocratique majoritairement composée au moment des faits, de la société civile (syndicats) et des associations politiques à l’image du CNID, de l’ADEMA, de l’ADIDE, entre autres (un scénario presque identique aujourd’hui). Cette contremarche fut alors assimilée à une défiance et un mépris à l’endroit de la véritable majorité. Et les événements s’accélèrent. Le régime chuta moins de trois mois plus tard.
La tentation de la contremarche existe véritablement dans le camp de la mouvance présidentielle au regard de ces tentatives de sabotage de la manifestation de l’opposition. Des responsables du parti ont en effet mené une campagne de démobilisation. Mais visiblement sans succès.
Le véritable mérite de cette journée (21 mai) doit revenir, certes aux organisateurs (ils ont insisté sur le caractère non-violent et non-provocateur de la manifestation), mais aussi et surtout, aux éléments des forces de l’ordre qui se sont, de manière générale, bien comportés. Il faut dire que le risque de dérapage était réel. Mais chacun a visiblement joué sa partition.
En définitive, avec le recul et après-coup, l’on se pose légitimement ces questions : et après ? Qu’adviendra-t-il maintenant ?
B.S. Diarra