Mauvaise gouvernance » et « corruption dans le pays ». Les oreilles du président Ibrahim Boubacar Kéita (IBK) ont certainement sifflé, en entendant ces milliers de manifestants scander, le 21 mai dernier, des slogans hostiles à sa gouvernance depuis qu’il préside aux destinées du Mali. «Nous sommes là parce que ça ne va pas » ; « misère économique grandissante », etc.
Qui aurait cru qu’IBK, à l’avant-terme de son premier mandat, aurait eu droit à un tel concert de désapprobations et aurait été aussi véhémentement critiqué pour sa gestion ? Qu’il est loin le temps où le vieux diplômé de la Sorbonne parvenu au pouvoir, était adulé de ses concitoyens, et voyait sa popularité au zénith ! La gloire a peu à peu fait place à l’impopularité.
C’est à croire que désormais, c’est la grande désillusion pour beaucoup de Maliens qui avaient pourtant placé leur espoir en lui au moment où ils lui confiaient les clés de la présidence. Certes, à la décharge d’IBK, il est difficile pour le Mali, de se développer alors que le pays est toujours en proie aux démons de la violence djihadiste et de l’instabilité. Mais le combat contre le terrorisme ne saurait avoir bon dos. Du reste, comparaison n’est pas raison. Même la lutte contre Boko Haram n’a pas empêché le président nigérian, Muhammadu Buhari, d’engager une lutte acharnée et féroce contre la corruption qui était devenue sport roi dans son pays. Si les manifestants maliens ont crié leur ras-le-bol le 21 mai dernier, ce n’est seulement pas du fait de l’incapacité du pouvoir à résoudre l’équation du septentrion malien.
Mais c’est aussi parce que la corruption en particulier et la mauvaise gouvernance en général, ont pris, au pays de Soundiata Kéita, des allures de grand mal auquel IBK n’a visiblement pas été en mesure d’apporter le remède qui sied. Il est vrai que « la marche pour le Mali » a été organisée à l’appel de partis de l’opposition et que, ce faisant, du fait justement de son caractère partisan, on pourrait s’interroger sur la sincérité des slogans et autres propos véhiculés à la faveur de la marche.
Pour l’opposition qui cherche naturellement à tailler des croupières au pouvoir de Bamako, c’est de bonne guerre. La société civile se serait mêlée à cet événement, que les critiques proférées, lors de la marche, auraient encore plus gagné en crédit. Mais là pourraient s’arrêter les arguments en faveur du pouvoir IBK.
Car, il faut croire que le grand tournant qualitatif en matière de gouvernance promis par IBK lors de la campagne, n’a jamais eu lieu. On peut en juger du reste par les scandales de corruption qui ont émaillé sa gouvernance erratique. IBK n’a-t-il pas promis plus qu’il ne fallait dans sa profession de foi ? C’est à se demander si la lutte qu’il avait promis d’engager contre ce fléau, ne dépasse pas ses forces.
En a-t-il vraiment les moyens ? Rien n’est moins sûr.
Il urge, pour IBK, de se ressaisir
Car, quoi qu’on puisse dire, IBK n’a pas accédé au palais de Koulouba, en homme politiquement neuf et neutre, au point de pouvoir soutenir n’être comptable de la gestion d’aucun pouvoir précédent. Ce faisant, il peut se retrouver, aujourd’hui, les mains liées, quelque part, de sorte qu’il est, à ce jour, incapable de donner le coup de pied qu’il faut dans la fourmilière. Et le travail de salubrité publique nécessaire, peut s’avérer d’autant plus ardu que la corruption semble avoir la peau dure au Mali. Il n’empêche, il urge, pour IBK, de se ressaisir.
C’est pourquoi il aurait tort de minimiser la récente marche de Bamako. Kankélétigui devrait plutôt se montrer plus ferme en sonnant du cor, le réarmement moral de ses concitoyens, s’il ne veut pas voir compromises ses chances de renouveler son bail au sommet de l’Etat malien. Car, pour l’heure, il ne s’agit que d’une marche pacifique. Si le front social venait à entrer davantage en ébullition, cela ferait encore plus le miel de ses détracteurs et autres opposants politiques qui ont déjà beau jeu de le fouetter avec les verges qu’il donne lui-même pour se détruire politiquement.
Du reste, Soumaïla Cissé, le président de l’Union pour la République et la démocratie (URD), chef de file de l’opposition, a saisi l’occasion lors de la marche pour lancer ceci: « Nous sommes là parce que ça ne va pas ». Demain, l’opposition pourrait se retrouver davantage en position de force. Cela dit, on peut saluer le fait qu’aucun incident n’a été signalé au cours de la marche de Bamako. C’est tout au mérite de l’opposition comme du pouvoir malien. Un signe de vitalité démocratique et de maturité politique, s’il en est.
Car, ailleurs, non seulement, le pouvoir en place aurait vite crié à une tentative de déstabilisation des institutions, mais en plus, un tel événement n’aurait pas été sans causer des dégâts voire des pertes en vie humaine. Au cours de la marche, certains manifestants ont milité pour le retour de l’ancien président malien, Amadou Toumani Touré (ATT), exilé au Sénégal. Autant dire que ATT compte encore bien des partisans au Mali, lesquels militent pour une réconciliation nationale. Une requête que le pouvoir malien devrait examiner avec la plus grande attention.