« La marche pour le Mali », organisée avec brio le samedi 21 mai dernier par l’opposition malienne qui a mobilisé plus de 50 000 personnes dans les artères du centre-ville de Bamako, a visiblement fait mouche. Elle a tapé sur la plaie béante et le mile au point de créer, sinon la pagaille, au moins une véritable panique de la Cité administrative à Koulouba.
Le signe de cette trouille ? Ce communiqué extrêmement maladroit de la ministre du travail, de la fonction publique, chargée des relations avec les institutions, Mme Diarra Raky Talla, et dans lequel celle-ci s’attaque ouvertement aux personnalités politiques, plus précisément ceux qui ont marché samedi dernier. Une bourde de plus pour un gouvernement qui en égrène à tout bout de champ.
Quelle mouche a bien pu piquer Mme Diarra Raky Talla pour l’amener à une telle maladresse ? En effet, c’est avec stupeur, étonnement et indignation que l’opinion a découvert mardi ce communiqué du ministre du travail, de la fonction publique, chargée des relations avec les institutions, qui prétend protéger le Président de la République en insultant les leaders politiques.
« Il nous a été donné de constater à travers la presse écrite et parlée certaines déclarations faites par des personnalités politiques, déclarations dévêtues de tout respect à l’endroit des Institutions de la République, en l’occurrence le Président de la République et le Gouvernement, surtout quand ces personnalités politiques ont pour ambition de se hisser au sommet de la plus haute Institution.
Tout en reconnaissant la liberté d’expression et le droit politique de critique, il ne parait pas, toutefois, propre de porter atteinte à l’honorabilité des Institutions que le peuple souverain du Mali a mises en place dans le cadre de la consolidation de la démocratie et de l’unité nationale », entame le communiqué.
Dans ce passage et sous une menace à peine voilée, Raky Talla veut visiblement denier la liberté d’expression et le droit politique de critique aux responsables politiques maliens. Sinon, combien de fois, il y a eu, au cours de ces trois dernières années, des déclarations plus virulentes à l’endroit des deux premières institutions ?
La ministre la plus impopulaire du régime IBK
Plus loin, la ministre chargée des Relations avec les Institutions se transforme en donneuse de cours de droit constitutionnel en rappelant l’article 29 de la Constitution qui stipule que « le Président de la République est le Chef de l’Etat. Il est le gardien de la Constitution. Il incarne l’unité nationale. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire, du respect des Traités et Accords Internationaux. Il veille au fonctionnement régulier des pouvoirs publics et assure la continuité de l’Etat ». Comment Raky Talla peut-elle parler d’unité nationale dans un pays où les fils du pays sont plus que jamais divisés ?
D’indépendance nationale dans un pays sous sérum économique ? D’intégrité territoriale dans un pays amputé d’une région entière (Kidal) où nulle autorité, y compris « son » président de la République (« institution protégée par la Constitution »), ne peut s’y rendre ?
Au regard de cela, et contrairement à ce que défend Raky, (« le Président de la République est une Institution protégée par la Constitution »), nous pensons que la Constitution découvre plutôt « son » Président de la République.
Aussi, dans son communiqué, la ministre chargée des Relations avec les Institutions rappelle que « de telles déclarations inconvenantes, ne riment nullement avec les valeurs républicaines qui caractérisent notre jeune démocratie et notre culture ».
Raky Talla semble oublier que notre jeune démocratie et notre culture ont perdu leurs valeurs républicaines depuis le 4 septembre 2013. Cette date lui rappelle-t-elle quelque chose ? Si oui, c’est à partir de la même date que le Mali a égaré « la dynamique de paix, de stabilité sociale, de développement, de construction et de réconciliation nationales… » à laquelle elle appelle aujourd’hui les hommes politiques maliens.
En outre, pour en revenir à l’expression déclarations inconvenantes et au respect de l’institution Président de la République, quelle leçon de morale la ministre Raky Talla peut-elle donner aux hommes politiques quand c’est la même institution qui qualifie ces mêmes hommes politiques de « petits messieurs ». Le respect doit être réciproque et l’exemple venir du chef de tous.
Mais, cette sortie de la ministre Talla n’étonne que ceux qui sont loin de l’actualité politique nationale, particulièrement de l’activité gouvernementale. Sinon, les gouvernements d’IBK sont abonnés aux maladresses et communiqués plus impopulaires les uns que les autres. Nul n’est besoin d’en rappeler ici les séquences.
Enfin, la ministre Talla, la plus impopulaire du régime IBK a choisi le moment où sa cote est au plus bas pour avoir un bain médiatique à l’heure où elle a du mal à apporter des réponses aux nombreuses revendications des travailleurs maliens, qui s’entassent sur son bureau. Vous avez dit le front social !
CH. Sylla
Source: L'Aube