Le samedi 21 Mai 2016 fera date dans l’histoire de la jeune démocratie malienne. Elle a vu organiser le même jour la marche de l’Opposition le matin et le meeting de réconciliation de la Majorité le soir, comme sous GMT quand marche et contre marche s’entrechoquaient. Ces deux activités politiques, il faut le reconnaitre, se sont déroulées sans coup férir, ce qui dénote de la vitalité et de la civilité de notre démocratie. L’heure est maintenant au bilan. Pour ce qui est de « la marche pour le Mali » de l’Opposition, tous les observateurs de la scène politique malienne s’accordent à dire qu’elle a été un grand succès. Les maliennes et les maliens sont sortis en grand nombre pour dire leur ras-le-bol à la gouvernance actuelle. Ils ont battu le pavé pour demander aux gouvernants de changer le fusil d’épaule afin de trouver des solutions aux immenses problèmes auxquels les maliens dans leur grande majorité restent confrontés. Pour rappel, l’Opposition avait reporté sa marche initialement fixée au 23 Avril, par compassion et sympathie au Président de la République en convalescence après une opération dans un hôpital parisien. Ce ne fut donc que ce 21 Mai qu’elle a eu lieu, de la place de la Liberté au monument de l’indépendance, après plusieurs tentatives de sabotage de la majorité par débauchage des partis comme le PS YELEN KURA et le PVRM FASOKO ou par l’envoi de hoax SMS corbeaux annonçant le report de la marche. Par ce test grandeur nature, l’Opposition semble désormais lancer un vibrant appel au gouvernement pour qu’il prenne à bras le corps ses griefs qui se confondent aujourd’hui à ceux du peuple tout entier.
Quant au meeting de réconciliation de la majorité qui a eu lieu le soir de ce 21 Mai, il n’a pas mobilisé autant et les effets escomptés ne furent visiblement pas atteints. Rappelons que ce meeting de réconciliation s’était fixé comme objectif de réunir dans un même cadre tous les anciens présidents du Mali de GMT à IBK. Non seulement les hôtes attendus du jour, Moussa Traoré, Alpha Oumar Konaré, Amadou Toumani Touré, Dioncounda Traoré et Ibrahim Boubacar Keita, ne firent pas le déplacement, mais aussi et surtout les 3000 places de la salle Bazoumana Sissoko du palais de la Culture Amadou Hampaté Ba n’étaient pas toutes occupées. Les images envoyées sur les réseaux sociaux montraient une salle clairsemée contrairement à la marée humaine sortie à l’appel de l’Opposition. Pire le peu de curieux qui étaient sortis croyant voir et même touchés les anciens et actuel présidents sont rentrés avant la fin de la cérémonie. Ce cinglant désaveu du peuple à la majorité semble être le signe annonciateur d’une grande déception des maliens face à la gouvernance de leur pays. Pour bon nombre d’observateurs de la scène politique malienne, ce désintérêt de la majorité des populations de Bamako est l’expression d’un malaise social profond qui couve les germes d’un soulèvement populaire probable dans les mois à venir. A partir de ce meeting, la Majorité doit entendre raison et prêter un œil et une oreille attentifs à ce cri de détresse de tout un peuple. Le PS YELEN KURA et le PVRM FASOKO qui ont fait le choix du meeting de la Majorité alors qu’ils sont de l’Opposition retourneront toute honte bue en perdant doublement la face : leur crédibilité vis-à-vis de leurs camarades de l’Opposition et envers la Majorité qui a cru en leur capacité de mobilisation. Il est donc temps de faire autrement la politique, c’est-à-dire en toute conviction et en toute dignité.
Youssouf Sissoko