En un éclair, l’information a fait le tour du monde via les réseaux sociaux, les agences de presse en ligne et les radios privées. Elle est saluée à sa plus forte valeur, mais surtout interprétée comme les premières lueurs de la réconciliation nationale en général, plus particulièrement comme les premiers fruits du Grand meeting pour la paix et la réconciliation du 21 mai dernier. L’info en question ? C’est ce vibrant hommage rendu, samedi dernier, par IBK à ATT lors du lancement de la Journée du paysan à Baguinéda. Le chef de l’Etat a notamment dit clairement : « ATT, à bientôt ! ». Est-ce un appel au retour au pays ? Une promesse de retrouvailles entre les deux hommes ? La main tendue d’un président à son prédécesseur ? Ou un clin d’œil d’un grand frère à son frangin ? Dans l’un ou l’autre cas, « l’appel de Baguinéda » restera historique dans le fil de la réconciliation nationale, à condition qu’il ne soit un (simple) hommage de plus.
Samedi 28 mai 2016, jour historique pour le Mali post-crise, jour de gloire pour IBK ; le président de la République rendait hommage au président Amadou Toumani Touré, initiateur de la Journée du paysan, un événement dont les acquis font aujourd’hui la fierté du monde agricole malien. Sauf bégaiement de l’histoire, ce jour-là qui a consacré le lancement de la campagne agricole restera gravé dans les annales de la vie nationale.
L’hommage d’IBK est ainsi libellé : « Je suis reconnaissant à mon jeune frère Amadou Toumani Touré dit ATT et ex président de la République du Mali pour avoir initié la Journée du paysan. Beaucoup de choses se disent dans nos relations, mais je sais qu’il n’y a rien d’intrigue, ni de méchant. Merci pour l’instauration d’une journée agricole au Mali.
ATT, à très bientôt ! ». Le même hommage du chef de l’Etat, délivré en bambara, est traduit autrement ainsi : « Je n’ai aucun problème avec ATT. On se verra bientôt. Je n’ai pas fait partir ATT, je ne le bloque pas à Dakar non plus. Je sais qu’il m’entend, je le remercie d’avoir initié la Journée paysanne au Mali. C’est à son actif ».
Aussitôt lancé, cet appel d’IBK alimente les débats à Bamako aussi bien dans les lieux de rassemblement public que dans les rues de la capitale. A partir de ce matin, jour ouvrable, la nouvelle animera sans doute les échanges dans les rouages de l’administration, les salons des ambassades et chancelleries et les ateliers de travail.
Déjà, dès samedi, la fièvre avait gagné la toile, engendrant un déferlement de réactions des internautes, pour la plupart soulagés par ce signal fort donné par IBK.
Hier, profondément choqués par le comportement de leur président qui n’a nullement fait mention du nom d’ATT lors de l’inauguration du Palais des sports de Hamdallaye ACI 2000 (près de 9 milliards de FCFA), mais surtout du barrage hydroélectrique de Félou (plus de 82 milliards de FCFA), les Maliens reconnaissent aujourd’hui « leur » IBK originel et original.
Ils saluent le geste de clairvoyance de l’Homme (IBK) jadis connu et adulé pour son respect pour les valeurs cardinales de la société malienne : la gratitude, l’humilité, le respect de l’autre, la reconnaissance du mérite.
Ligne droite pour la réconciliation
Depuis samedi, les Maliens applaudissent IBK, celui « qui n’a aucun problème avec ATT » ; ils acclament celui qui est « reconnaissant à son jeune frère Amadou Toumani Touré dit ATT et ex président de la République du Mali» ; ils ovationnent celui qui « n’a pas fait partir ATT, et ne le bloque pas à Dakar non plus».
Au-delà de la reconnaissance unanime de la beauté du geste de Baguinéda, l’hommage d’IBK à ATT marque, de l’avis de beaucoup d’observateurs, la volonté du président de la République de se démarquer (dorénavant) de tous ces pyromanes (tapis dans l’ombre de l’administration et sous le landerneau politique) qui attisent les haines et les rancœurs.
Enfin, l’appel de Baguinéda est interprété comme le tracé de la ligne droite pour la réconciliation nationale. En effet, comme nous l’avons toujours écrit, la réconciliation attendue aujourd’hui par le peuple malien, devrait être une réconciliation globale ; une réconciliation des cœurs et des esprits, qui concernerait les Nordistes du Mali entre eux, les Nordistes et les Sudistes, le peuple et son armée, les bérets rouges et les bérets verts, le peuple et son ancien président.
Aucun segment de ce vaste processus de l’entente retrouvée entre les fils du pays ne doit être négligé. Et le moindre signal constitue une avancée vers l’objectif. L’appel de Baguinéda en est UN.
Cependant, le président Ibrahim Boubacar Kéïta n’est pas à son premier hommage à l’endroit d’ATT, ni à son deuxième. Mais, c’est la première fois qu’il va plus loin dans l’esprit et qu’il s’exprime plus clairement en disant, de manière audible et compréhensible, « ATT, à bientôt ! ».
Il faut rappeler, en effet, que l’année dernière, lors de la Journée des paysans à Samanko, IBK avait dit ceci : « Je rends hommage au président ATT, qu’a eu l’idée ingénieuse d’instituer la journée du paysan au Mali ». Cet hommage, court et précis, avait été vu d’un bon œil. Et il faisait suite au tout premier hommage d’IBK à ATT.
C’était le18 mars 2014 à l’occasion de l’inauguration de l’hôpital Sominé Dolo de Sévaré-Mopti. Un hommage plein d’émotion : « On dit chez nous qu’il arrive qu’on prenne le frais sous un arbre que l’on n’a pas planté. Cet arbre-là a été planté par un homme qui est de la région, qui m’a précédé à cette charge : le président ATT.
Oui, je ne suis pas un homme d’Etat qui tire à lui les choses d’aujourd’hui. Elles furent avant moi. A chacun son mérite. Ce projet a tenu à cœur et avec une forte et réelle conviction au président Amadou Toumani Touré. Il est bon qu’au nom du pays, qu’au nom de la patrie, je lui rende ici hommage. IBK n’est pas ce qu’on appelle chez nous « haassidi » (ndlr : égoïste). IBK ne le sera jamais. Jamais de haine dans mon cœur.
A chacun selon son mérite historiquement établi. Tel a été le Mali. Tel devrait rester le Mali. D’aucuns oublient allégrement ce que fut hier. Ce n’est pas mon cas et ce ne sera jamais mon cas. Je tenais à venir à Mopti pour dire cela. Mais aussi à rendre hommage à des hommes et des femmes de mérite ».
Sékou Tamboura