Les chefs des FDLR constatent que les deux bras droits n’exécutent pas les directives du patron, tout comme ils n’avaient déjà pas exécuté ses directives antérieures. Les bras droits empêchent ainsi le largage d’armes et de munitions au bénéfice des FDLR qui sont alors déployés à l’est de la RDC et aux cotés des Mai-Mai, tentent de contenir les Rwandais et leurs alliés de la RCD-Goma. Dans le courant du mois d’octobre 2000, une nouvelle conjuration est découverte. Elle implique le commandant Anselme Masasu, un des fondateurs de l’AFDL. Celui-ci est arrêté avec des dizaines de ressortissants du Kivu.Masusu et huit de ses compagnons sont passés par les armes.
Pweto est situé à 400 kilomètres de Lubumbashi, la capitale de l’ex-Katanga qui est devenue le centre du dispositif de Kabila : les Rwandais décident d’y porter l’estocade au régime, considérant qu’une victoire leur fournirait les clés de Kinshasha.Mais la bataille frontale espérée par Kabila n’aura pas lieu : les généraux, dont John Numbi et les troupes congolaises prennent la fuite.
Joseph Kabila reste avec les seuls FDLR, qui, avec lui ; incendient les chars et les armes lourdes abandonnés par les Congolais et les alliés zimbabwéens, pour ne pas les laisser à l’ennemi rwandais. Joseph Kabila échappe de peu à la capture. Pourquoi n’a- t-il pas quitté le terrain comme son ami Numbi ? «Si je quitte la ville, mon père va me tuer», confie-t-il alors à l’un de ses proches. Il sait en effet que son père va être ivre de rage, mais, en se comportant de la sorte, il espère à tout le moins atténuer sa colère.
Lorsque Joseph Kabila regagne Kin, une violence altercation l’oppose à son père. «Le Mzee met en cause l’humiliante défaite, tandis que le jeune général souligne la mauvaise préparation (…). Kabila, lui, parle de complot, de trahison. Sans hésiter, il éloigne son fils, tout commandant en chef qu’il est», écrit Colette Braeckman.
Pour les anciens chefs des FDLR, il ne fait aucun doute que, depuis l’été 1998, Joseph Kabila et John Numbi ont servi de chevaux de Troie à Paul Kagamé et ont tout mis en œuvre pour l’évincer du pouvoir. La défaite humiliante de Pweto brise en tout cas les derniers espoirs du Mzee de repousser militairement les Rwandais. Quelques jours plus tard, Kabila appelle son ami Pierre Galand à Bruxelles : «Cette fois, c’est la fin. Trop de complots se trament autour de moi. Je ne pourrai pas indéfiniment les déjouer».
Fin décembre, il fait un voyage éclair à Libreville pour y rencontrer une délégation d’anciens mobutistes qui l’avertissent qu’à Bruxelles un commando se prépare à abattre son avion.
Le 28 décembre 2000, les restes calcinés du mwami Philémon sont retrouvés, avec ceux d’Aimé Atembina Mongoma, ancien de la DSP de Mobutu, sur un parking de Chasse-sur-Rhone, dans la banlieue de Lyon. Inutile de dire que la nouvelle de l’assassinat du mwami m’a fait un, choc…La lecture des réquisitions du procureur de la République du TGI de Grenoble laisse entendre, sans en apporter les preuves, que ce double meurtre est lié aux multiples projets visant à tuer Laurent Désiré Kabila.
Le nom d’Eddy Kapend, l’aide de camp du président congolais, revient à plusieurs reprises. Il appert également que Benoit Chatel, un des mis en examen, était lié avec la DGSE. Kabila fait feu de tout bois pour essayer de sauver sa peau.
A la veille du sommet franco- africain de Yaoundé, qui doit se tenir le 18 janvier 2001, il cherche à renouer avec Paris. Il voudrait rencontrer Jacques Chirac. Il envoie des émissaires à l’Élysée. Un rendez-vous secret est même arrangé pour le 12 janvier, dans la capitale nigérienne, à Niamey. Kabila aurait du y rencontrer les missi dominici corréziens du président, Denis Tillinac et Christian Charazac. C’est une réunion au cours de laquelle devait être préparé le sommet de Yaoundé ou est également attendu Paul Kagamé, que Jacques Chirac doit rencontrer pour la première fois. Mais Laurent-Désiré Kabila ne vient pas à Niamey.
Le 16 janvier 2001, Kabila est assassiné en son palais. Par qui, et comment ? Dans l’après-midi, des rumeurs circulent. A 17h 05, le colonel Eddy Kapend, aide de camp du Mzee, les yeux hagards, les lèvres sèches, apparait sur les écrans de la Radiotélévision nationale congolaise (RTNC) et ordonne sur un ton sec et autoritaire à toute la hiérarchie militaire de maintenir les troupes au calme et de fermer toutes les frontières du pays.
Joseph Kabila est alors à Lubumbashi. Laurent-Désiré, blessé,est transporté à Harare, capitale du Zimbabwe. À 22h 30, Louis Michel, ministre belge des Affaires étrangères, est le premier dirigeant occidental à annoncer sa mort.
Le lendemain 17 janvier à 12h 43, les autorités congolaises indiquent que Kabila a été blessé dans un attentat et transféré à l’extérieur du pays pour recevoir les soins appropriés, et que son fils Joseph assure la direction de l’action gouvernementale en attendant le rétablissement de son père.
A 13 h 45, de hauts responsables zimbabwéens assurent que, touché par cinq balles, Kabila est mort, mercredi, dans l’avion qui le transportait au Zimbabwe.
À 19 h 30, l’ambassadeur congolais à Harare déclare à la télévision zimbabwéenne que Kabila est dans un état très critique, mais toujours en vie au Zimbabwe.
A 20 heures, la chaine publique RTNC annonce officiellement sa mort. Selon le gouvernement, le président congolais est décédé dans un hôpital de Harare. Le porte-parole du gouvernement explique qu’un garde du corps est entré dans le bureau du chef de l’Etat et s’est approché de lui comme pour lui parler à l’oreille, puis qu’il a sorti son arme et tiré à bout portant.
Le conseiller économique Emile Mota, qui était en séance de travail avec le président, est sorti pour alerter la garde. Le tueur, qui tentait de s’enfuir, a été abattu.
La dépouille de Kabila est rapatriée à Kinshasa. L’inhumation a lieu le 23 janvier 2001. On évidemment du mal à ajouter foi à une telle histoire. Début février, une version officielle est diffusée par trois grands journaux, Le Monde, Jeune Afrique et Le Soir de Belgique.
Kabila, selon cette version, a été victime d’une mutinerie de ses «enfants-soldats» (les kadogos), qui estiment avoir été trahis. Rachidi Kasereka, son garde du corps, aurait lui-même été tué en fin de matinée par le colonel Eddy Kapend,son aide de camp, lequel aurait ensuite pris les choses en main.
La justice congolaise va s’évertuer à compléter ce roman en faisant d’Eddy Kapend le cerveau de l’attentat : Kapend, neveu de John Numbi, est condamné à mort et croupit depuis lors dans la grande prison de Kin…
(Sources Carnages : Les guerres secrètes des grandes puissances en Afrique) Pierre PEAN