La grève illimitée de l’Institut Universitaire de Gestion (I.U.G.) a fait couler beaucoup d’encre et de salive. Nombreux sont les observateurs qui ne comprennent pas encore que la gestion de cette crise ait pu prendre un si longs temps.
En effet, la principale discorde se situe au niveau de la qualité des six contractuels recrutés au niveau de l’U.F.P., c’est-à-dire les cours du soir. Le syndicat a simplement demandé que ces collègues soient reversés dans les cours du jour, comme tous les autres enseignants de l’I.U.G. comme de l’U.F.P. En effet, il n’y a pas de professeurs permanents au niveau des cours du soir.
Ce sont ceux du jour qui font des heures supplémentaires dans les cours du soir. C’est pour cela d’ailleurs que les cours du soir avaient été institués dans le but d’améliorer les conditions de travail et de vie des enseignants de l’I.U.G. ; d’assurer la formation continue des professionnels notamment. L’U.F.P. n’a jamais été une création de l’Etat. C’est une initiative des enseignants eux-mêmes.
Si donc aujourd’hui, l’Etat prend un Arrêté de création de cet établissement et commence à recruter des professeurs permanents (recrutés pour les seuls cours du soir), c’est la voie ouverte à l’exclusion à terme des professeurs de l’I.U.G., c’est-à-dire ceux-là mêmes qui ont imaginé le système il y a 20 ans déjà, en 1996, sous inspiration canadienne.
La vérité saute donc à l’œil, car si l’Arrêté du ministère peut être légal, il n’est en revanche aucunement légitime. Du reste, s’il n’ ya pas d’arrières pensées, pourquoi vouloir coûte que coûte faire une exception dans le recrutement des six contractuels ? Il y a donc forcement beaucoup de non-dits. Ainsi, plusieurs personnes sont indexées comme faisant partie de ceux qui alimentent la crise, ou du moins ne font rien pour en sortir.
Le Responsable de l’U.F.P.
Il s’appelle Demba et a été depuis quelque temps nommé chef du projet d’informatisation des Universités du Mali. Selon nos sources, il est de ceux qui ont monté la manipulation consistant à déposséder les enseignants de l’U.F.P. et à la remettre sur un plateau d’argent (au figuré comme au propre) entre les mains du Recteur, Pr Samba Diallo.
Le principe est connu, ‘’après moi, le déluge !’’. Cet acte est interprété par certains comme ‘’un geste de bonne volonté’’, et par les autres comme un ‘’geste de dépit’’ d’autant plus que lui, comme d’autres anciens responsables de l’I.U.G. et de l’U.F.P. ont déjà été entendus par le Pôle Economique dans le cadre de présumés fonds détournés. Le Recteur a l’habitude de parler de 800 millions de FCFA détournés, mais lui-même ne parle jamais des 120 à 150 millions que l’U.F.P. verse à sa structure, ni de la gestion qui a été faite de ces fonds. Certaines sources indiquent que 98 millions auraient pris la direction du ministère.
Famagan Konaté, ex-D.G. de l’I.U.G
C’est lui qui avait été nommé à la faveur de la dernière crise, une autre grève illimitée pour la gestion de laquelle était intervenue la présidence de la République. Laquelle tarde à se faire entendre cette fois-ci. C’est ce directeur qui a initié les contrats litigieux, mais tout porte à croire qu’il devait être en mission. Même si l’une des bénéficiaires desdits contrats est perçue comme une ‘’relation personnelle du D.G. Question de sentiment ? Allez-savoir ! Par ailleurs, certaines sources trouvent assez suspect le principe de rémunération des contractuels.
Car mathématiquement, il y aurait une différence fondamentale entre le salaire perçu réellement et ce qui aurait dû être payé normalement en fonction du nombre d’heures de travail effectuées. D’où, un certain nombre d’interrogations : A qui profiteraient ces différences ? Pourquoi les contractuels ont-ils accepté d’être sous-payés ? Y aurait-il des raisons inavouées ou serait-ce uniquement pour la seule garantie d’un contrat en bonne et due forme ?
En somme, le flou entoure l’établissement de ces contrats, auquel établissement le syndicat n’a pas été associé. Dans tous les cas, le D.G.Famagan Konaté a été le plus grand perdant dans cette affaire, en dehors de ce service rendu à des relations et autres. Car, alors même qu’il avait été toléré malgré sa retraite théorique, le syndicat a fini par saisir les autorités compétentes qui lui ont rappelé son statut de retraité. Il a finalement quitté sans demandé ses restes. Famagan est considéré comme un proche du Recteur, qui l’avait fait venir de la faculté d’histoire-géographie pour prendre en charge une structure déjà confrontée à des problèmes énormes.
Famagan était à quelque deux ans de la retraite. Sa nomination est donc comprise maintenant comme une stratégie visant à prendre des actes impopulaires voire illégitimes comme celui qui a conduit à cette impasse. Etait-ce pour mettre de l’ordre à l’I.U.G. ? «Peu probable quand on sait qu’il avait eu des problèmes liés aux heures supplémentaires. On parlait de 40 millions en heures supplémentaires. Et lui comme d’autres responsables étaient ciblés par le Pôle Economique dans le cadre d’une enquête sur les heures supplémentaires», se rappelle un enseignant.
Les enjeux pour le Rectorat
Le Rectorat a intérêt à ce que les sous de l’U.F.P. soient logés à son niveau d’autant plus qu’il percevrait 2% des montants, explique une source. Quand on sait que l’U.F.P. verse annuellement entre 120 à 150 millions, il y a sûrement de quoi saliver. De leur côté, les enseignants exigent que la gestion reste locale. Comme cela a toujours été le cas et comme cela se passe partout ailleurs.
Leur demande n’est sûrement pas sans raison, car le recteur, dès la première expérience, a séquestré les fonds destinés aux heures supplémentaires de janvier à mai 2016. Son acte visait à casser un mouvement qu’il avait visiblement prémédité, puisque le blocage des fonds est intervenu bien avant le préavis de grève. C’est maintenant que les enseignants ont compris le caractère prémédité de la chose. Finalement ce que le recteur avait voulu utiliser comme un moyen de pression sur les grévistes a radicalisé les positions, y compris chez ceux des enseignants qui auraient préféré la négociation au débrayage.
Bakoni Ballo, Primature
Face à l’enlisement de la crise, le Premier ministre, Modibo Keïta, a finalement (après un long moment d’inaction cependant) décidé de se saisir du dossier. Il a sûrement eu écho des multiples démarches des étudiants eux-mêmes visant à sensibiliser les protagonistes pour un compromis. L’initiative du PM a donc suscité beaucoup d’espoir. Mais certains enseignants se montrent réservés.
Et pour cause. Bakoni Ballo, c’est l’ex directeur du Centre national des examens et concours. Pour rappel, c’est lui qui avait été limogé par le ministre de l’Education, Mme Togola Jacqueline Nana (actuellement député à l’Assemblée nationale), quand il y avait eu les fraudes massives aux examens de fin d’année, il y a deux ans. Après donc, une période de flottement, il a été nommé à la Primature. Pas étonnant puisqu’il est du RPM. C’est donc lui qui, selon des enseignants, a le dossier I.U.G. en charge.
Lui-même a toujours donné des cours dans cet établissement. A priori on aurait pu penser que vu son appartenance à la « maison », il traiterait le dossier avec bienveillance. Mais c’est loin d’être le cas : « Il n’a jamais tenu un discours favorable aux enseignants. Ce qui se comprend quand on connaît sa proximité avec l’ex responsable de l’U.F.P. (cours du soir) et actuel recteur de l’Université des Sciences Humaines, Pr. Macky Samaké. Ce dernier avait des visées sur l’établissement qui n’ont jamais abouti. Alors question d’amitié, jalousie, vengeance par procuration ?», s’interroge une source.
Le PM va-t-il pouvoir faire fléchir Samba Diallo ?
Pas évident. En effet, le recteur apparaît comme le principal acteur de la crise. Selon nos sources, le ministère de Mountaga Tall n’a pratiquement pas eu à gérer la crise malgré la tutelle. Le recteur est semble-t-il un ‘’RPMiste’’ fieffé et se sait couvert en haut lieu. Où l’on aurait déjà préféré de sacrifier l’avenir de milliers d’étudiants plutôt que de révoquer le ‘’néo-RPMiste’’. ‘’Celui-là même qui n’avait de cesse de discréditer IBK au profit de Alpha Oumar Konaré.
Lequel s’était débarrassé de lui après une mauvaise expérience à la suite de laquelle il n’avait plus jamais voulu lui confier une responsabilité. Estimant qu’il avait oublié la craie et qu’il fallait donc l’y renvoyer’’, commente une autre source. Pour les grévistes, Samba est synonyme de ‘’mépris’’ : «Voyez dans quel état est la Direction depuis que des étudiants ont cassé les vitres et emporté deux motos ! Personne n’est venu voir ce qui s’est passé, ni du rectorat, ni du CENOU, ni du ministère…» confie une autre source. Comme quoi, à l’I.U.G, tout s’emmêle : argent, sentiments, jalousie, vengeance, politique…
Pourquoi le recteur tient-il tant aux fameux contrats ?
Certains détracteurs pensent que si ce coup d’essai passait, ce serait la voie ouverte au placement de protégés. Notamment du RPM et du CNID (parti du ministre, du donnant-donnant quoi…). Un peu «comme cela s’est passé à la Douane, à l’INPS, entre autres» où des ‘’listes Karim et autres de Ma Famille’’ auraient été imposées. Sans que les ministres de tutelle aient eu leur mot à dire. C’est le ‘’remake’’ du régime ATT qui a placé un peu partout tous ceux qui se disaient militants du Mouvement Citoyen ou du PDES. Le système n’a jamais changé. Sinon en pire.
Imbroglio au sein de l’AEEM
Des militants de l’AEEM ont voulu aller plus loin pour mettre davantage de pression sur les autorités, mais les dirigeants de l’association ne voyaient pas cela d’un bon œil. « Ils sont tout simplement corrompus », déduit un militant, selon lequel le responsable AEEM de l’école est en fin de cycle et n’a pas intérêt à ce que les projecteurs soient braqués sur lui.
Ensuite, poursuit-il, l’un des Coordinateurs nationaux - il y en a deux en ce moment faute d’élections légitimes -, en l’occurrence le sortant «Jack» Traoré, serait du RPM et ne voudrait donc pas créer de problèmes au régime qu’il incarne aussi ; d’autant qu’i aurait bénéficié du soutien d’un député de ce parti en C V pour occuper son poste, et qu’il est en compétition avec un sérieux challenger prénommé «Willy , qui lui-aussi, s’est fait élire nouveau Coordinateur national de l’association.
Le ministère aurait d’ailleurs été représenté aux deux congrès. On peut donc comprendre que la crise à l’I.U.G. ne soit pas la priorité absolue du moment. Se faire élire ou réélire est ce qui compte d’abord quand on sait tous les avantages liés à la «fonction» : gestion des parkings, des kiosques…Plus maintenant les moyens mis maintenant à leur disposition. Le CENOU aurait ainsi doté l’association cette année de six mobylettes plus de l’argent liquide (issu des 5000 F perçus sur les bourses). Le Coordinateur sortant aurait distribué quatre de ses motos à des collaborateurs et gardé deux pour lui-même.
Comme quoi, c’est bon d’être dans les instances dirigeantes de l’AEEM. C’est ainsi que sous la Transition, on avait découvert qu’un ancien leader devenu fonctionnaire (par la fraude, il faisait partie des personnes intégrées frauduleusement par le régime ATT) continuait à diriger le mouvement estudiantin. Mais ce sont les autorités elles-mêmes qui entretiennent cette situation de confusion voire de corruption pour pouvoir manipuler les uns contre les autres.
S.Haidara