C’est la conclusion que des enseignants de l’Institut Universitaire de Gestion (I.U.G.) tirent de l’intervention du ministre de tutelle, Me Mountaga Tall, devant les députés ; c’était mardi dernier à Bagadadji. Les enseignants et syndicalistes n’en revenaient pas de voir qu’un membre du gouvernement, ministre de l’Etat puisse à ce point camoufler la réalité devant les élus de la nation.
«C’est tout simplement trop petit, trop bas venant de quelqu’un qui a occupé toutes sortes de hautes fonctions, et qui, aujourd’hui, en raison de son âge, devrait plutôt commencer à penser à l’au-delà qu’aux jouissances terrestres dont il n’a plus que faire», commente un syndicaliste. Et à un autre de renchérir : «Ce n’est point surprenant, cela venant de quelqu’un qui n’a jamais eu une liaison politique aboutie. Rappelez-vous les paris BARA, PARENA, APM de Modibo Kadjoké (le fidèle parmi les fidèles qui ne comptait jamais le lâcher), etc.
Tout le monde l’a quitté. Même en tant qu’avocat, il a été accusé par Babani Sissoko d’avoir détourné ses sous. Il s’était allié à ATT pour pouvoir survivre. Aujourd’hui, malgré son humiliation à Ségou, son fief, aux dernières législatives, il s’est vite rallié à son bourreau pour pouvoir vivoter. C’est à ce titre qu’il est à la tête de ce département. Ce n’est donc pas un homme de conviction et de confiance. C’est finalement Maribatrou, paix à son âme, qui avait raison…».
Les enseignants de l’I.U.G. sont ‘’fous furieux’’ contre me Tall qu’ils qualifient de tous les noms d’oiseaux, pour avoir ‘’menti sur toute la ligne’’. Alors en quoi le ministre aurait-il menti ?
Pour rappel, explique-t-on, Me Tall a soutenu devant les députés que les enseignants de l’I.U.G. avaient, il y a deux ans environ, observé une première grève illimitée au moment d l’avant-dernier remaniement ministériel pour la simple raison qu’ils estimaient n’avoir pas d’interlocuteurs.
Ensuite, Me Tall a dit que les enseignants de l’I.U.G. voulaient ‘’privatiser une structure publique’’, en l’occurrence l’U.F.P. (Unité de formation et de production, cours du soir) qui constitue ‘’leur gagne-pain’’. Il a ajouté aussi que ces mêmes enseignants s’opposent au recrutement de six de leurs collègues en qualité de contractuels. L’explication du syndicat est claire sur ces différents points.
Première grève illimitée
Par rapport au premier long débrayage, le ministre avait rencontré les enseignants le jour même où il y eut un remaniement ministériel. Mais auparavant, Me Tall s’était engagé devant les enseignants à les rencontrer de nouveau à une date précise. Le remaniement a eu lieu et Me Tall a été reconduit. Naturellement donc, les enseignants s’attendaient à cette deuxième rencontre au cours de laquelle il aurait dû donner des précisions sur le paiement des arriérés.
Mais, Me Tall ne s’est jamais présenté, ni n’a jamais envoyé aucun collaborateur pour donner suite et donc apaiser ou rassurer les enseignants de sa bonne foi. C’est ainsi que, quelque temps après, vu le non-respect des engagements, le syndicat avait décrété la grève. Et il aura fallu l’implication de la présidence de la république pour que soient payés lesdits arriérés (frais d’encadrement et autres heures supplémentaires, etc.) remontant à 2011. Le discours tenu par le ministre sur ce point devant les députés est, de ce point de vue, totalement inexact.
« Me Tall aurait dû parler de ‘’nationalisation’’ et non de ‘’privatisation’’»
«Le ministre est allé trop loin, c’est lui qui privatiser l’U.F.P.», disent les enseignants en déclarant qu’ils veulent « privatiser» l’U.F.P. une telle affirmation relève purement et simplement de ‘’la mauvaise foi’’, dit-on.
Un bref rappel est nécessaire pour mieux comprendre la situation. L’U.F.P. a été créée en 1996 sur initiative propre des enseignants et sur la base d’une expérience canadienne. Les autorités maliennes n’y voyaient pas d’inconvénient, à condition que l’argent du contribuable n’y soit pas injecté. Le système devait consister à rétrocéder une partie des frais d’inscription à l’Etat dont les locaux et autres matériels sont utilisés. C’est ainsi qu’il est versé annuellement à l’Etat (Rectorat précisément) entre 120 à 150 millions de F CFA.
Le système a marché ainsi sans encombres jusqu’à l’arrivée de Me Tall au département. Avec le recteur, ils ont monté une «manip» consistant à prendre un Arrêté dit de « création», mais qui n’est plus ni moins qu’un Arrêté de «nationalisation» de l’U.F.P.Ils ont adopté unilatéralement un nouveau texte de création de l’U.F.P., qui existe pourtant depuis vingt ans.
Dans ledit arrêté est même visée la constitution du Mali. C’est là que la question du député Fomba prend tout son sens, quand il fait remarquer que’’50 000 F par étudiant sont rétrocédés au Rectorat et que les frais d’études s’élèvent à plus de 350 000 F par an’’ (disait-il en substance) ; toute chose ne s’accordant guère avec le statut d’établissement public caractérisé par sa gratuité. Il y a forcément contradiction ou tout au moins confusion de genres.
Malgré cette démarche jugée dictatoriale, les enseignants disent avoir fait preuve de bonne foi, en demandant tout simplement à revoir un certain nombre de dispositions contenues dans le texte. Ils n’ont donc pas rejeté cette ‘’nationalisation’’ de fait.
Le cas des six contractuels
Là où les négociations bloquent particulièrement, ce n’est point le recrutement de six contractuels (comme le ministre a eu à le soutenir devant les députés), mais leur mise à la disposition exclusive de l’U.F.P. (Cours du soir). Ils demandent à ce que lesdits contractuels soient logés à la même enseigne que tous les autres collègues de l’I.U.G. En effet, il n’y a pas de professeurs exclusifs pour l’U.F.P, ce sont les enseignants du jour, donc de l’I.U.G., qui sont les mêmes enseignants des cours du soir.
En d’autres termes, ne peut être enseignant du Soir que celui qui l’est déjà de Jour. Ce qui est dans la logique même de la création de l’U.F.P., à savoir : améliorer les conditions de vie et de travail des enseignants de l’I.U.G. en s’imposant une tâche supplémentaire qu’est la formation continue, des professionnels notamment qui n’ont guère le temps de se former de jour.
C’est pour cela qu’elle a été créée. En recrutant des enseignants permanents et exclusifs pour la seule U.F.P., le département, au-delà de la «nationalisation», cherche tout simplement à mettre fin, à terme, à cette activité secondaire des enseignants, qui leur permet d’améliorer leurs conditions de vie ; ce que Me Tall, «avec mépris», appelle : «mettre fin à leur gagne-pain».
Il soutient de manière totalement «irresponsable» que les enseignants sont allés en grève parce qu’on veut mettre fin à leur «gagne-pain». C’est ce qu’on appelle une ‘’information tronquée’’ : donner un pan de l’information, taire à dessein l’autre pan, dans le but de désinformer, de manipuler, de faire de la propagande…’’.
C’est Me Tall qui voudrait privatiser l’U.F.P.
‘’C’est plutôt Me Tall qui veut privatiser l’U.F.P en y plaçant des militants du CNID. C’est qu’il a entrepris déjà au CENOU, puis au ministère, en politisant même la fonction de Secrétaire Général qui est a priori technique. Le SG du ministère de l’Enseignement supérieur, M. Kamené, est de son parti ; il fut Secrétaire Général aussi aux Mines quand il y avait un ministre CNID.
Déjà au rectorat circulent des noms de militants ou proches à placer à l’U.F.P.’’, contre-attaque une source. Le gouvernement doit naturellement chercher à résorber le chômage, mais en n’expropriant pas d’autres de ce qu’ils ont imaginé pour eux-mêmes d’abord. Au profit éventuellement de militants tapis dans l’ombre qu’on voudrait caser…
Par ailleurs, en soutenant un tel discours, Me Tall n’a eu aucun respect pour les élus de la nation qui sont loin d’être des ignorants et devant lesquels c’est grotesque de dire que ‘’les enseignants veulent privatiser une structure publique’’.
Tentative d’intimidation
Il s’est interrogé aussi sur la «légalité de cette grève» ; il devrait, suivant la même logique s’interroger sur la légalité du non-paiement de dus datant de 2011, de la séquestration durant cinq mois de l’argent dû au titre de l’U.F.P., de la ‘’nationalisation’’ unilatérale de l’U.F.P., etc.
Concernant toujours les contractuels, le rectorat a fait remarquer qu’il ne pouvait les reverser dans les cours du jour d’autant plus qu’il n’y avait pas de ressources budgétaires à cet effet. Le syndicat a proposé qu’ils soient pris financièrement sur le chapitre «Appui à l’I.U.G». Le Rectorat a rétorqué que ce chapitre n’a existé que temporairement. Si ce chapitre n’existe plus, il n’y a qu’à le remettre à nouveau d’autant plus que c’est de l’argent généré par ces mêmes enseignants et non provenant du budget de l’Etat.
Comme chacun peut le constater, on voit de quel côté se trouve la mauvaise foi. Si l’on ne veut pas que les contractuels soient pris en charge sur ce chapitre, c’est tout simplement parce qu’il servirait à autre chose inavouée. Au lieu donc de donner les détails permettant d’éclairer sur le dossier, Mountaga s’est contenté de biaiser en disant que «les enseignants ne veulent pas que des collègues à eux soient recrutés» ; « ça, c’est vraiment méchant, car ne visant qu’à ternir l’image des enseignants auprès de l’opinion » commente un enseignant.
«Désavoué, le ministre préfère mettre de l’huile sur le feu…»
Ce que le ministre n’a pas voulu révéler, analyse un autre prof, c’est qu’ « il a été désavoué par le Premier ministre qui s’est saisi du dossier. Auparavant, c’est le recteur qui gérait l’affaire – car c’est bien du business- comme bon lui semblait, sans égards pour son ministre qui semble politiquement plus faible que lui. Humilié donc en quelque sorte, Me Tall veut jeter le bébé avec l’eau du bain en tenant des propos de nature à mettre de l’huile sur le feu, plutôt qu’à apaiser, qu’à baisser la tension…d’ailleurs il n’a pas compris la combine du sournois recteur qui guigne son fauteuil, maintenant qu’il a raté celui de Mme Samaké, ministre chargée de la recherche Scientifique. Me Tall a donc tort de ne pas faire des enseignants ses alliés, seuls disposés potentiellement à le soutenir contre celui qu’ils considèrent comme le principal ennemi, en l’occurrence Samba Diallo. Qui est aussi son principal ennemi à lui aussi. Avec cette sortie fort manquée, je crains qu’il n’ait maintenant que des ennemis de part et d’autre… ».
Confusion
La journée de mardi a été finalement très mouvementée. En effet, les étudiants s’étaient massés à l’I.U.G. pour protester et exiger la reprise des cours. Ils s’apprêtaient également à marcher sur le rectorat dont ils se disent maintenant convaincus que c’est là l’épicentre du volcan, mais cette marche a été remise à plus tard.
En attendant de voir clair ; d’autant plus qu’au même moment le ministre était interpellé sur la question à l’Assemblée nationale. La chaîne TM2 s’y était d’ailleurs rendue et avait pu recueillir des réactions très hostiles au régime, à IBK, au recteur, au ministre. Le même jour, la rumeur a circulé, selon laquelle les deux parties auraient enfin trouvé un terrain d’entente dont nous ignorons encore les détails. Mais cette information a été démentie par une autre source qui parle de statu quo jusqu’à preuve de contraire.
Dans tous les cas, l’essentiel pour l’heure est de sauver l’année académique, car c’est tout de même triste de constater qu’aujourd’hui les étudiants maliens n’aspirent plus à casser, mais à apprendre. Ce qui semble pour l’heure le dernier souci du ministère de l’Enseignement Supérieur et du rectorat. C’est le moins qu’on puisse dire.
En effet, au moment où l’on pensait à un dénouement de la crise avec l’implication du Premier ministre dans les négociations. Me Tall a choisi d’en rajouter à la colère des enseignants.
Suspension des salaires
En effet, il nous est revenu d’apprendre, il y a quelques jours, que le ministère de l’Enseignement supérieur et le rectorat ont décidé de suspendre les salaires des enseignants à l’I.U.G. Ainsi en a décidé Me Tall et ‘’associés’’ au moment où les négociations se poursuivent entre les deux parties. De quoi en rajouter à la colère des enseignants qui dénoncent le non-respect de la procédure devant aboutir à la suspension de leurs salaires.
Ces derniers se disent mêmes indignés, car au lieu de vouloir suspendre leurs salaires, les initiateurs de cette décision devraient plutôt avoir ‘’l’honnêteté’’ de payer les salaires qu’ils leurs doivent. Comme quoi, il faut s’attendre dans les jours qui viennent à un nouveau bras de fer à l’I.UG.
Affaire à suivre.
La Rédaction