Trois ans après l’investiture d’IBK, et un an après la signature de l’accord de paix pour la réconciliation nationale, la promesse des fleurs n’a pas tenu celle des fruits. A deux ans de la fin du premier mandat du « Kankélintigui », l’avenir s’annonce incertain pour les 15 millions de Maliens. Qui désespèrent de pouvoir espérer.
Ramener la paix et la sécurité au nord et, partant dans tout le Mali ; équiper les forces armées et de sécurité, afin qu’elles puissent faire face à leurs missions régaliennes ; mettre fin à la corruption, au népotisme et à la délinquance financière ; une justice équitable pour tous, pauvres comme riches…….
Telles sont, entre autres, les raisons qui ont poussé les populations maliennes à élire IBK avec un score inédit : 77,3 % des voix au second tour, face à son challenger d’alors, Mr Soumaïla Cissé. « Nul n’est et ne sera au-dessus de la loi ! », martelait le nouvel homme fort du Mali, le doigt pointé vers le ciel. Comme s’il voulait prendre Dieu à témoin.
Quelques jours auparavant, ses « souteneurs » devant l’éternel s’étaient procuré des machettes par centaines, en promettant un « génocide » si un autre candidat est élu, en lieu et place d’IBK. Même les leaders de la rébellion étaient entrés en scène en appelant à voter IBK. Sans compter le soutien matériel et financier de l’ex-junte militaire qui, avant même le début de la campagne électorale, avait pris faits et cause pour le candidat IBK. C’est dans ce contexte électrique que celui que certains appellent le « Kankélintigui » (homme de parole) a été élu à la magistrature suprême de notre pays. Pour ses partisans, avec à leur tête, des leaders musulmans « rien ne sera, désormais, comme avant ! ».
Espoirs déçus
Trois ans après, l’espoir suscité par son élection a fait place au désespoir. Jamais les Maliens ne se sont sentis en insécurité. Au nord, au centre, comme au sud du pays. Pas un seul jour, sans que les populations civiles ou les éléments des forces armées et de sécurité ne soient victimes d’attaques à mains armées. Ou de mines sur leur passage. Et les enquêtes promises par le gouvernement n’ont jamais abouti à des résultats.
Plus grave, un an après la signature de l’accord de paix et de réconciliation nationale, la situation n’a pas changé d’un iota. Le nord du Mali reste le terrain de jeu des terroristes et bandits de tout poil. L’administration y est absente. Et les populations abandonnées à elles-mêmes. Sans services- socio de bases adéquats. Estimés à des milliers, les réfugiés caressent, chaque jour, l’idée de leur retour au bercail. Mais l’insécurité ambiante dans leur région d’origine les en dissuadent.
Considérés, par le candidat IBK comme la « priorité de ses priorités », l’équipement de nos forces armées et de sécurité est toujours attendu. Hormis des uniformes distribués à tour de bras, rien n’a été fait. Du moins, pour l’instant. Avec un effectif pléthorique, l’administration reste incompétente. Confortablement installés dans les bureaux, l’écrasante majorité des cadres n’y sont que pour mener leurs propres affaires. Partout, le même refrain : « tais- toi et bouffe et s’il en reste, la nation pourrait en bénéficier ». Censée être le dernier recours des populations, la justice, elle, fonctionne selon la célèbre fable de La Fontaine : « selon que vous soyez riche ou pauvre, le jugement des cours vous rendra blanc ou noir ». Considérée, jusqu’à la fin des années 80 comme l’une des plus performantes d’Afrique, l’école malienne n’est plus que l’ombre d’elle-même. Avec des étudiants incapables de sortir une phrase de leur bouche, sans « secouer le cercueil de Vaugelas ». La corruption est d’un naturel insoupçonné. Considérés comme des intouchables, certains pillent les finances publiques. Sans avoir de compte à rendre à qui que ce soit. Parce qu’ils sont le pouvoir, ou proche de lui. Selon le dernier rapport du Vérificateur général, près de 153 milliards CFA ont été passés à la casserole par les bonzes du pouvoir. Qui se la coulent douce au volant de luxueuses bagnoles. Ou à l’ombre de « châteaux » bâtis sur des terrains arrachés aux pauvres. Avec la complicité de la haute administration.
Le nécessaire changement de cap
Les affaires succèdent aux affaires ; les scandales, aux scandales. Après le fameux marché des équipements militaires, l’achat controversé du Boeing présidentiel, le scandale de l’engrais frelaté…… le régime IBK doit affronter deux scandales, et pas des moindres : l’installation de la fibre optique qui, selon le Parena, un parti politique de l’opposition, aurait été le plus cher d’Afrique, et les pick-up de l’armée.
S’y ajoute une pauvreté endémique. Sept familles sur dix peinent à se procurer trois repas par jour. Dans certains quartiers de notre belle et sale capitale, la misère est si forte que certains chefs de famille se voient obligés de fuir, dès l’aube, le regard de leurs enfants. Parce qu’ils ne disposent pas des 500 ou 1.000 CFA pour faire bouillir la marmite. Le chômage des jeunes, avec ou sans diplôme, a franchi le seuil du tolérable.
Annoncé à grands renforts de publicité, le taux de croissance de 5,6 % prévu cette année n’a eu aucun impact réel sur le panier de la ménagère. Qui n’est plus vide, mais troué.
Bref trois ans après l’élection d’IBK à la magistrature suprême de notre pays, c’est l’impasse. Le but du tunnel s’éloigne chaque jour davantage. Trop d’espoirs déçus, trop d’injustices accumulées, trop de rancœurs qui se sont cristallées dans les cœurs et dans les esprits……
Réveillez-vous ! Comme qui dirait, car cette fois-ci, c’est un sommeil de trop. Dormir, c’est mourir un peu ; c’est mourir tout court.
Oumar Babi