Sommes-nous dans une nouvelle guerre ? Jusqu’où l’effusion de sang ? A qui le tour (de la mort) demain ? Les questions les plus folles sont permises aujourd’hui à propos du nord du Mali plongé dans une spirale meurtrière sans précédent. A tous les coins du septentrion malien, la mort rode : sur le sable plat ou mouvant, sur les sentiers qui mènent aux foires, aux alentours et à l’intérieur des camps militaires, et même désormais, dans les rues et ruelles, jusque dans les domiciles privés. Plus inquiétant : au fil des ans et au fil des mois, le cycle des violences s’intensifie à une telle ampleur que l’on redoute un décompte quotidien. Casques bleus et personnel civil de la Minusma, militaires de Barkhane, ceux des Fama, populations civiles, personne n’est épargné par cette fougue meurtrière des terroristes et djihadistes qui revendiquent à tous les coups ces actes qui endeuillent le pays. Et qui soulèvent un certain nombre de questionnement sur la problématique de la présence des forces étrangères au Mali.
Un repère évocateur : pour le seul mois de mai 2016 et cela à compter de la deuxième quinzaine, au moins 15 militaires dont 14 casques bleus et un Malien et 3 civils travaillant pour les Nations unies ont perdu la vie dans divers actes terroristes. Sur ce nombre, 16 ont été tués entre le 18 et le 31 mai et 9 sont morts au cours des trois derniers jours du mois ramenant la moyenne à 3 soldats tués par jour.
Le décompte par force militaire est encore plus révoltant. Si le chiffre officiel de soldats maliens tombés sur le champ de l’honneur n’est pas connu, les pertes militaires françaises au Mali sont, au 13 avril 2016, de 17 militaires. Pour la Minusma, nous avons décompté, du 23 octobre 2013 au 31 mai 2016, 82 personnels militaires et civils tués et 177 blessés.
Les terroristes et djihadistes frappent sous toutes les formes et la mort intervient sous plusieurs couleurs : explosion de mine, attentats-suicide, tirs d’obus, attaque à l’arme lourde, embuscade, empoisonnement alimentaire, tirs de roquettes, crash d’hélicoptère, accident de route etc.
L’incapacité…
Ces actes terroristes, médiatisés à outrance par les chaines de télévision et de radios étrangères, deviennent de plus en plus banals au point qu’aujourd’hui, l’opinion malienne s’interroge aussi bien sur les forces étrangères présentes au Mali que sur les forces armées maliennes et l’impact de l’Accord de paix d’Alger.
Comment et par quels moyens les groupes terroristes s’approvisionnent en armes et munitions, en vivres et en carburants ? Question d’autant plus légitime que les forces françaises et de la Minusma disposent d’énormes moyens de surveillance.
Comment les forces Barkhane, de la Minusma et les Fama coordonnent-elles leurs actions sur le terrain ? Qui fait quoi, plus précisément ? Les Fama disposent-elles de moyens adéquats pour être en première ligne ? Car, rien ne peut expliquer que face à des milliers d’officiers et de soldats aguerris, les terroristes puissent s’infiltrer, souvent avec des armes lourdes (l’attaque de Gao du 31 mai 2016), pour perpétrer des attentats meurtriers. A moins qu’il y ait des chaines de complicité à l’intérieur des villes et même au sein des forces armées. Ce qui a toujours d’ailleurs été révélé lors des différentes rébellions.
Autre interrogation majeure : y a-t-il des complicités entre les terroristes, les djihadistes, les groupes armés de la Cma et Iyad Ag Ghaly ? A coup sûr ! Dans la mesure où la plupart des attentats sont revendiqués par Iyad lui-même ou par Aqmi directement ou via Al Mourabitoune, nébuleuse à laquelle Iyad a fait allégeance.
Ces interrogations posent le problème de l’incapacité aussi bien de l’Etat, de la communauté internationale que des forces françaises et onusiennes à gérer la crise du nord, malgré la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali.
Sékou Tamboura