Pour voler un bélier, Oumar et Moussa ont monté une opération en double détente et qui s’est accompagnée d’une mort d’homme C’était un tandem qui jouissait d’une triste réputation à Ouéléssébougou et dans ses environs. Pendant tout le temps qu’il était en activités, les paisibles populations ne dormaient ni beaucoup, ni profondément. Car le duo que constituaient les nommés Oumar et Moussa ne laissait jamais passer une occasion pour se faire un peu d’argent, quitte à plonger leurs victimes dans le désespoir.
Aujourd’hui, les deux compères dorment en prison et il est certain qu’ils ne reverront pas l’air libre avant un très long bout de temps. Car de lourdes peines leur ont été infligées à l’issue de leur procès en cour d’assises.
Voilà deux ans que le tandem a été neutralisé au grand soulagement des habitants de leur village natal situé non loin de Ouéléssébougou, habitants qui les soupçonnaient de multiples méfaits, mais qui n’avaient jamais pu les prendre sur le fait, ni réunir suffisamment de preuves pour les envoyer durablement derrière les barreaux. On ne pouvait pas trouver un tandem plus dissemblable que celui que composaient Oumar et Moussa, amis depuis plusieurs années. Le premier abordait à peine sa vingtaine, alors que son compagnon avait déjà franchi le quart de siècle. Oumar était du genre poids plume, maigrelet et ne payant pas de mine. Alors que Moussa affichait une confiance en soi quasi infernale et un physique plutôt impressionnant. Mais on aurait dit que c’était ces différences criardes qui avaient cimenté l’amitié des deux garçons et qui avaient fait d’eux des compagnons inséparables autant que des complices parfaits.
Comme nous le disions plus haut, les deux délinquants avaient longtemps sévi sans jamais commettre une erreur qui aurait pu leur coûter très cher. Malheureusement pour eux, ils finirent par trébucher une nuit de septembre 2014. Les deux garçons avaient passé toute la journée à pérégriner dans les rues de la localité. Ce qui n’avait pas du tout rassuré ceux qui les avaient vu passer ensemble. Car pour les habitants des lieux, le tandem préparait un mauvais coup et était en train de procéder à un travail de repérage. Plusieurs témoins s’étaient d’ailleurs promis de garder l’oeil ouvert cette nuit et certainement les suivantes, tant ils étaient persuadés que le tandem infernal passerait à l’action sous peu là.
UN PLAN RISQUÉ.
Les soupçons des habitants étaient plus que fondés. Oumar et Moussa avaient déjà ciblé leur prochain objectif, un bélier de belle taille, attaché dans la cour de R., un sexagénaire à la retraite et qui était considéré comme un notable dans le secteur du village où il était domicilié. Pour nos deux lascars, la difficulté n’était pas de voler le mouton. Ils connaissaient bien la disposition des lieux et savaient comment extraire l’animal sans se faire repérer. Par contre, les deux jeunes gens n’ignoraient pas du tout la suspicion dont ils faisaient l’objet. Tout le monde (ou presque) les attendait au tournant et voler le bien d’un homme aussi connu que le vieux R. les exposait à être harcelés par les habitants qui ne leur feraient aucun cadeau.
Après avoir tourné et retourné le problème, Oumar et Moussa optèrent pour une solution assez inattendue. Ils jugèrent que la meilleure manière de procéder était de mettre immédiatement le plus grande distance possible entre le village et eux, une fois la bête volée. Pour cela, ils n’avaient qu’une solution possible : trouver un moyen de locomotion qui leur permettrait de prendre rapidement le large avec leur butin. Les deux voleurs décidèrent alors d’attaquer un propriétaire d’engin à deux roues pour le déposséder de sa moto. Le plan était risqué, mais les délinquants ne se soucièrent guère des difficultés d’exécution. Ils se répartirent donc les rôles. Le plus endurci et le plus costaud des deux se chargea de déposséder un motocycliste, alors que Oumar devait amener le mouton à un lieu de rendez-vous qu’ils fixèrent de commun accord.
Chargé de monter un guet-apens, Moussa ne se compliqua pas la vie. Il se munit d’un gros bâton et alla se poster au bord d’une route sur laquelle passaient régulièrement des motocyclistes. Il resta dissimulé dans les buissons jusqu’à ce qu’il entendit un bruit de moteur. Le bandit quitta alors sa cachette pour se mettre bien évidence sur le passage de sa future victime. Il leva le bras pour demander au conducteur de s’arrêter. L’attitude du malfrat semblait si naturelle que la victime s’arrêta spontanément. Le motocycliste n’avait aucune raison de se montrer méfiant. Pour lui, la nuit venait tout juste de tomber et l’obscurité ne s’était pas suffisamment installée pour qu’il craigne une agression.
ARMÉS JUSQU’AUX DENTS.
L’assurance de l’homme lui fut donc fatale. Moussa s’approcha tranquillement de sa victime en prenant soin de dissimuler son gourdin. Interpellant le conducteur, Moussa lui intima de remettre l’engin vite fait s’il tenait à la vie. L’homme fut interloqué par le culot de son interlocuteur et son moment de stupeur fut rapidement exploité par son agresseur. Moussa se porta rapidement à la hauteur du conducteur et voulut l’extraire de force de son siège. L’autre lui opposa une résistance d’une vigueur inattendue. Mais le duel tourna rapidement à l’avantage du malfrat. Le détrousseur mit à profit un moment où le conducteur était déséquilibré pour lui assener un coup violent à la tête avec le bâton dont il s’était muni. Le malheureux tituba et s’affala sur le sol. Il avait perdu connaissance. Le bandit s’empara de l’engin pour rejoindre son complice.
Ce dernier s’était acquitté de sa part du travail sans avoir rencontré des difficultés particulières. Il se tenait debout au lieu du rendez-vous, tenant solidement le bélier au bout d’une corde. Les deux voleurs avaient donc réussi leur double opération de manière quasi parfaite. Ils ligotèrent le bélier de manière à l’immobiliser, Oumar s’installa sur le siège arrière avec le butin et Moussa se chargea de conduire l’engin volé. Le tandem se mit rapidement en route pour essayer de mettre en sécurité avant le lever du soleil. Mais la chance qui leur avait facilité de manière incroyable l’exécution de leur plan les laissa brutalement tomber. A peine avait-il parcouru quelques kilomètres que le duo rencontra un groupe de chasseurs armés jusqu’aux dents et qui revenaient d’une expédition nocturne.
Les chasseurs firent stopper les bandits pour leur demander des explications sur la bête qu’ils transportaient de manière si bizarre et à une heure aussi indue. Il était impossible aux deux malfrats de donner des explications qui tiennent la route. Ils furent donc neutralisés par les chasseurs, contraints d’indiquer d’où ils venaient et ramenés sans ménagement à leur point de départ. Entretemps, le motocycliste avait été retrouvé par des passants. L’homme était toujours inconscient. Transféré au centre de santé, il succomba suite au coup reçu à la tête. Les gendarmes avaient mis le village sens dessus dessous pour mettre la main sur les auteurs de ce meurtre. Les pandores avaient été informés aussi de la disparition du bélier du vieux retraité. Faire le rapprochement entre les deux événements ne fut pas compliqué pour les enquêteurs. L’implication des deux bandits ne fut pas difficile à établir. Oumar et Moussa avaient vu leurs noms évoqués dans trop d’affaires louches pour que le doute puisse leur bénéficier. Ils ont passé plusieurs heures à l’interrogatoire avant d’avouer les faits.
UNE ÉVIDENTE PRÉMÉDITATION.
A la barre, les deux complices appliquèrent la même tactique, c’est-à-dire tenter de minimiser la gravité des actes qu’ils avaient posés. Ils l’ont cependant fait en usant d’arguments différents. Moussa, qui semblait être l’élément le plus aguerri de l’attelage, a soutenu que la conjoncture économique difficile ne lui avait pas laissé d’autre choix que celui d’aller vers des activités illicites. Il prétendit qu’il avait été poussé dans ses derniers retranchements par le fait qu’il avait toute une famille à nourrir. Oumar, de son côté, a tenté d’amadouer les jurés en jouant de son aspect frêle. Il jura qu’il en était à ses premiers pas dans le vol. Gardant un calme assez étonnant, il essaya de faire croire qu’il était entré dans l’opération à son corps défendant. Mais l’argumentaire du duo fut battu en brèche par les renseignements fournis par les enquêteurs. Les deux énergumènes étaient fichés dans les archives de la gendarmerie. Ils y apparaissaient comme des récidivistes notoires qui avaient un passé très chargé. Les enquêtes de voisinage effectuées au niveau de leur localité de résidence leur étaient totalement négatives. Il ne se trouva pas un seul de leurs voisins pour dire un mot en leur faveur.
Au vu de tous ces éléments, le parquet dans sa plaidoirie a établi le lien entre Oumar et Moussa comme celui d’une « association de malfaiteurs ». Il a rejeté l’idée selon laquelle les deux jeunes gens auraient été poussés par les difficultés financières de l’époque à commettre les actes graves qui leur étaient reprochés. Le défenseur des citoyens a démontré que le tandem avait minutieusement préparé son coup et qu’il avait prémédité ce qu’il avait exécuté.
Le conseil des deux jeunes ne s’est pas attaqué à l’impossible. Les faits étant plus qu’accablants, l’avocat a plaidé coupable. Pour lui, les jurés avaient eu raison sur ses clients sur toute la ligne. L’avocat a cependant rempli son office en dénonçant l’incapacité des pouvoirs publics à donner à la jeunesse des emplois pour permettre à celle-ci de vivre à la sueur de leur front. La robe noire a plaidé pour une insertion sociale de ses clients. Pour elle, les deux accusés ont beaucoup appris en prison avant de comparaître à la barre. La justice se doit maintenant de leur donner une seconde chance dans la vie. D’où la sollicitation de circonstances atténuantes.
S’exprimant en dernier, le duo s’est repenti de ce qu’il avait fait. Oumar et Moussa ont exprimé leurs regrets et demandé pardon à la justice de leur pays. Mais cette repentance semblait être venue tardivement et n’a pas sonné de manière suffisamment convaincante pour toucher la Cour. Les deux jeunes gens ont été reconnus coupables des faits qui leur étaient reprochés. Les jurés ont écarté en outre toute possibilité de clémence à leur égard. Les accusés ont écopé de la peine maximale en application des articles 199 et 200 du Code pénal, ainsi que l’avait demandé le parquet général. C’est ainsi que Moussa a été condamné à la peine de mort et son complice Oumar à la perpétuité. Le duo, visiblement abattu, s’est retiré silencieusement de la barre pour reprendre place dans le box des accusés, les yeux hagards, la mine abattue.
MH.TRAORÉ