Pendant tout le temps que les autorités maliennes demandaient à l’Onu de mettre en place un mandat qui pouvait sécuriser ses forces militaires, si celle-ci s’y était accordée, on n’en serait pas là aujourd’hui, avec une telle hécatombe parmi le contingent des casques blues. Dans quelques jours, à la fin de ce mois, elle aura toute la latitude de rectifier le tir, en décidant de renforcer le mandat de la Minusma pour qu’elle soit mieux efficace à assumer sa mission. Et ce sera la fin d’un faux-fuyant qui n’a que trop duré…
Avant-hier, aux Nations-Unies, c’est le secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-Moon lui-même, qui l’a déclaré : un renforcement de la mission de l’Onu au Mali. C’est donc la fin d’un cycle à la Minusma, de plus en plus, visée par des raids meurtriers, et qui en est aujourd’hui sérieusement affectée. Au point de ne pas convenablement accomplir sa mission de protection et de sécurisation des populations. L’équation n’est pas compliquée : pour les forces de la Minusma, déployées au Mali, pour mieux protéger les populations, il est important d’assurer au premier chef ses propres arrières. Ce qui est loin d’être le cas de la mission onusienne au Mali qui, ces derniers temps, est la cible de nombreuses attaques terroristes, à travers plusieurs localités du nord pays, devenu malheureusement, ces temps-ci, le théâtre d’une recrudescence de violentes opérations criminelles à la fois contre les forces armées maliennes et les soldats de la paix.
Ces opérations terroristes meurtrières ont tendance à empêcher la Minusma de faire son travail sur le terrain. Pourtant, il n’y a pas encore longtemps, plus exactement un an, jour pour jour, pendant que les débats s’organisaient au sein du Conseil de sécurité des Nations-Unies, autour du prolongement du mandat de la Minusma, comme c’est le cas chaque année, les autorités maliennes, à travers le ministre des Affaires étrangères, n’avaient pas cessé d’attirer l’attention des responsables onusiens sur la nécessité de revoir le mandat de celle-ci. Les Maliens ont multiplié les initiatives auprès des acteurs internationaux, y compris jusque dans les coulisses des Nations-Unies, en vue d’une réadaptation du mandat onusien au contexte sécuritaire du terrain, sans jamais eu l’écho favorable sur telle demande, pourtant émanant simplement de la logique contextuelle. On l’a vu récemment encore : pour cette seule semaine, les casques blues, déployés au Mali, plusieurs morts et des blessés. Un Chinois du contingent de la Minusma et trois civils travaillant pour l’ONU dans le pays ont été tués dans une double attaque. C’était mardi dernier, dans la soirée, à Gao. C’est la première fois que les Chinois en poste au Mali qu’un des leurs soit victime des attaques terroristes. Les insurgés ont tout planifié pour créer la psychose au sein des populations, mais aussi accentuer la pression sur les forces internationales dont le rôle est de plus en plus contesté par une population qui ne croit plus à l’efficacité des casques blues.
Ces victimes et ces massacres, qui ont pris de l’ampleur, ont fait de la mission onusienne la plus dangereuse qu’il soit, à travers le monde. Au-delà des condamnations unanimes qui se suivent, il est évident que l’heure de l’action est venue d’autant que le mode opératoire des groupes terroristes, suffisamment sophistiqué, avec son lot de morts et de destructions de bâtiments et autres installations militaires et sécuritaire, est de plus en plus stressant pour les populations, lesquelles ont nettement l’impression qu’elles n’ont plus la sécurité avec elles. Les groupes criminels ont tout tenté contre les positions de l’armée et les forces étrangères pour enlever aux populations le peu d’espoir qu’elles avaient avec la signature de l’accord de paix.
Nul ne dira que l’Onu, à travers les déclarations de son SG, est dans une dynamique de révision du mandat de la Minusma au Mali, mais il est certain que la recrudescence soudaine des attaques terroristes meurtrières contre les forces armées maliennes et les éléments de la mission onusienne, va sensiblement peser sur les esprits au niveau des Nations-Unies.
Pour le renouvellement du nouveau mandat, le secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-Moon, a déjà annoncé qu’il allait présenter, dans les prochains jours, au Conseil de sécurité, comme il le fait chaque année, des propositions « visant à renforcer les positions et les capacités » de la Minusma. Pour ce faire, le SG de l’Onu, comme à ses habitudes, devra présenter un rapport détaillé sur la situation sécuritaire au Mali. C’est justement à travers l’appréciation de ce rapport annuel que le Conseil de sécurité décidera d’abord de la nécessité de renouveler la mission au Mali et puis ensuite de la probabilité de la renforcer par des moyens opérationnels et militaires adéquats.
L’année dernière, par exemple, il y a eu beaucoup de tiraillement sur cette équation liée au renforcement du mandat de la Minusma, en fonction de la dure réalité sur le terrain. L’un des responsables onusiens, les plus en vue sur cette question stratégique, qui connait bien le Mali, a même répondu que le mandat de la Minusma était robuste pour faire face à sa mission de stabilisation du pays. Les événements survenus au cours de l’année, et qui se sont cristallisés, ces derniers temps, avec la recrudescence des opérations terroristes sur les forces de l’armée malienne et des troupes étrangères, vont certainement, lui et bien d’autres responsables onusiens, leur voir une autre réalité poignante de ce dossier, sur laquelle, au risque de compromettre sa mission, l’Onu ne peut plus se départir.
PAR Sékouba Samaké