En l’espace de trois semaines (entre le 7 et le 27 mai), Amadou Koïta est passé de Héros à Zéro. En effet, le président du Parti socialiste PS-Yeleen Kura, perché avec tous les honneurs sur son piédestal de porte-parole de l’Opposition républicaine et démocratique et d’opposant farouche d’IBK, est tombé dans le giron de la Majorité présidentielle la tête basse et criblé des critiques les plus acerbes. Pour les uns, Koïta est un traitre récidiviste ; pour les autres, c’est un opportuniste politique qui tourne avec la direction du vent. Mais pour tous, une seule conviction : c’est la mort politique de Monsieur Koïta qui, par ce geste, risque de tout perdre, même auprès de ceux qu’il vient de rallier et qui ne peuvent accorder du crédit ni à sa parole, ni à ses actions. Ils demeureront éternellement méfiants vis-à-vis de lui..
C’est la fin de la carrière politique de Koïta !“, ” Comment a-t-il pu faire ça ?”, “Ce n’est pas étonnant, c’est un opportuniste !“, “C’est comme ça qu’il a trahi Bittar !”, “Il m’a déçu, tellement je l’admirais !”, “ Ce n’est pas digne d’un homme de caste au Mali !”, “Un caméléon ne peut s’empêcher de changer de couleur !”. Tels sont, entre autres, les commentaires très négatifs qui fusaient dans l’enceinte de la Maison des aînés après la clôture de la première Conférence nationale du PS-Yeleen Kura où son président Amadou Koïta a déclaré son départ de l’Opposition et son ralliement à la Majorité présidentielle.
En effet, c’est à l’issue de ces assises, visiblement convoquées pour la cause, que Amadou Koïta a officialisé qu’il quittait l’Opposition : “Nous avons joué le rôle qui était le nôtre au sein de l’Opposition jusqu’à ce moment… Aujourd’hui, j’en appelle à tous les militants et militantes de notre parti à soutenir les initiatives du président de la République (ndlr : Ibrahim Boubacar Kéïta) pour qu’enfin notre pays retrouve sa verve d’antan pour que la nation malienne se réconcilie avec elle-même, pour que l’ensemble du peuple malien se retrouve et qu’enfin, le citoyen malien retrouve sa dignité et cette image de souveraineté de notre pays”.
Au même moment que “le citoyen malien retrouve sa dignité“, lui, Koïta ne perd-il pas la sienne avec ce virage à 120° ? Certainement !
Le président du PS-Yeleen Kura n’a même pas caché son jeu, minutieusement préparé et exécuté. Tout est parti si vite, avec ce communiqué du samedi 07 mai 2016 dans lequel Koïta (via le secrétaire général du PS-Yeleen Kura) informait l’opinion que son parti suspendait sa participation à la marche de l’opposition prévue le 21 Mai 2016, qui coïncidait avec le grand meeting pour la paix et la réconciliation nationale. Parce que ” le Ps-Yeleen Kura ne peut chevaucher deux montures à la fois… “. Foutaise ! répliquaient certains observateurs avertis qui y voyaient les germes d’une trahison annoncée.
Après le fameux meeting où il est intervenu en tant que porte-parole de l’Opposition, Amadou Koïta engage la seconde partie de son plan machiavélique en convoquant, le week-end suivant, la première Conférence nationale du Ps-Yeleen Kura, une instance qui lui offrira le cadre idéal pour claquer la porte de l’Opposition et déménager avec armes et bagages dans le camp du pouvoir.
Par cet acte qualifié de haute trahison par certains, Amadou Koïta peut-il désormais lever la tête pour regarder droit dans les yeux un concitoyen ? Peut-il avoir du crédit auprès de ses interlocuteurs ? Que lui reste-t-il de cette dignité déjà entamée quand il quitta Jeamille Bittar sans crier gare ?
Ces questions méritent d’autant plus d’être posées que les Maliens ont encore en mémoire ces déclarations endiablées contre IBK et son régime au cours des activités de l’Opposition républicaine et démocratique ou au détour de conversations en public ou d’échanges avec les hommes de médias.
Nous avons retrouvé sur la toile une interview exclusive du président du Ps-Yeleen Kura accordée à notre confrère L’Aube et dans laquelle Amadou Koïta assène : “IBK doit présenter des excuses au peuple malien”.
A la question de savoir, quel est le jugement du Ps-Yeleen Kura sur la gestion d’IBK, Amadou Koïta répond : “IBK n’a pas répondu aux attentes. Il était le candidat du changement, celui qui devait ramener la paix, qui devait permettre au Mali d’exercer sa souveraineté sur l’ensemble du territoire malien; il a été le candidat qui a bénéficié de 77% des voix des Maliens qui ont voté en 2013; mais force est de reconnaître que sur les plans politique, institutionnel, sécuritaire, économique et social, c’est un recul.
Sur le plan sécuritaire, IBK est allé battre campagne à Kidal lors de l’élection présidentielle, mais aujourd’hui, aucun officiel malien ne peut se rendre à Kidal.
Sur le plan institutionnel, IBK a été le premier président démocratiquement élu à violer la Constitution malienne en refusant de faire la déclaration publique de ses biens.
Sur le plan social, en moins d’un an, on a vu l’agitation voire l’ébullition du front social. Nous avons eu les examens les plus catastrophiques de l’histoire de notre pays, au Def et au Bac. Nous avons vu également l’Untm décréter 48h de grève et déposer un préavis de 72 heures. C’est du jamais vu dans l’histoire du Mali depuis l’avènement de la démocratie pluraliste.
Sur le plan économique, jamais l’économie malienne ne s’est vue aussi chaotique ; elle va à vau-l’eau. L’argent se fait rare par la faute de ceux qui nous gouvernent aujourd’hui et qui ont pourtant décrété l’année 2014, année de lutte contre la corruption. Au contraire, ça a été l’année des scandales, des surfacturations, l’année où la communauté internationale et les institutions financières qui ont aidé le Mali à se relever a été obligée de suspendre son appui financier. Cette suspension a eu des conséquences incalculables pour l’économie malienne, surtout pour les couches les plus démunies puisque le déficit budgétaire du Mali est financé par l’appui budgétaire du Fmi et de la Banque mondiale. Aujourd’hui, nous attendons de savoir si les sanctions du Fmi seront levées ou pas.
Avec 29 milliards de Fcfa volatilisés, des marchés de gré à gré ; pour celui qui déclarait que tous les Maliens sont libres et égaux, pour celui qui disait qu’on n’est pas Homme d’Etat pour faire la promotion d’un tel ou d’un tel, nous nous rendons compte que, dans la pratique du pouvoir, ce ne sont que des slogans. Les Maliens attendent encore de savoir combien a coûté l’avion présidentiel qui suscite tant de polémiques : 20 milliards ? 21 milliards ? 17 milliards ? Ou bien 8 milliards ?
Tout cela prouve que nous sommes gérés par des hommes qui posent des actes contraires aux engagements pris vis-à-vis du peuple. Donc, le bilan d’IBK, sans risque de me tromper, est catastrophique. Nous avons peur pour l’avenir de notre pays “. C’est sans commentaire ! C’était en novembre 2014. Il appartient aux Maliens de juger de la crédibilité qu’on peut accorder à un tel caméléon.
A.B. HAÏDARA