La semaine dernière, à Baguineda, une bourgade située à l’entrée Bamako, à la faveur de la Journée du paysan, le Président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, a d’abord tenu à rendre hommage à son prédécesseur, ATT, exilé à Dakar depuis le coup d’Etat de 2012. Il a ensuite fait une révélation : « bientôt, vous me verrez avec ATT ». Cette confession d’IBK intervient après la marche de l’opposition et le meeting pour la paix et la réconciliation nationale « Anka bén », considéré comme une activité de la majorité. Les deux manifestations ont réclamé le retour d’ATT au bercail.
Est-ce pour cela qu’IBK a vite réagi ? Ou bien était-il déjà dans de bonnes dispositions en faveur d’ATT ? Attendait-il un déclic, qui est venu de ces deux rassemblements ? A-t-il regretté la possibilité d’une éventuelle mise en accusation d’ATT devant les députés ? Y a-t-il des pressions venues de l’extérieur ? Ou bien ce sont les effets maraboutiques qui produisent leurs résultats ?
On pourrait se perdre en conjectures tellement que la sortie d’IBK, l’homme d’Etat, nous a surpris. Oui, nous avons été abasourdis non pas parce nous sommes contre ATT mais parce que la démarche ne nous semble pas être la bonne, dans un Etat démocratique, un Etat de droit. La realpolik ne doit pas submerger la vérité. Les sentiments non plus ne doivent pas prendre le dessus sur la justice.
Aujourd’hui, ATT est dans une position de présumé innocent s’agissant du chef d’inculpation de haute trahison qui le concerne. Une procédure judiciaire a été enclenchée par le soin de l’exécutif. Les députés ont entamé un travail fabuleux à travers une commission ad hoc dont le rapport est sous scellé dans le bureau du Président de l’Assemblée nationale. Une haute Cour de justice, une première au Mali, a été mise en place pour connaitre éventuellement cette affaire. Des moyens financiers colossaux ont été déployés pour la bonne exécution de la mission. Donc, tout le monde a les yeux rivés sur l’Assemblée nationale, Place de la République, afin que le rapport soit examiné et qu’une suite soit donnée à l’affaire. Et tout d’un coup, IBK banalise l’affaire, la dégonfle et laisse entendre qu’ATT n’a rien fait et qu’il entrera bientôt au Mali.
Quel étonnement ! Il ne revient pas à IBK de dire si ATT doit revenir ou pas. Il ne lui revient pas non plus de lancer ou non un mandat d’arrêt international contre l’ancien Président. Seul les députés peuvent inculper ou non ATT. S’ils décident de le poursuivre, un mandat d’arrêt international sera livré contre lui. Dans le cas contraire, il pourrait librement revenir au Mali car nul ne doit être contraint à l’exil.
Conséquence de la sortie d’IBK : le dossier sera rapidement débattu à huis clos à l’Hémicycle conformément à la procédure et le résultat est connu d’avance. ATT ne sera pas poursuivi parce qu’IBK, qui avait donné son aval pour la procédure, le regrette fort aujourd’hui. Du coup, ATT sera réhabilité moralement et politiquement. Sa cote de popularité va surclasser celle du Président actuel. Il reviendra dans le jeu politique par des intermédiaires. Seulement voilà : il y a des questionnements auxquels seul ATT peut répondre pour comprendre l’effondrement de notre armée et ce qui a provoqué le coup d’Etat abject perpétré par Amadou Aya Sanogo.
Alors, que les états généraux de l’armée soit organisés afin qu’ATT puisse s’expliquer, donner sa part de vérité pour l’histoire, les chercheurs et les générations futures. Parce qu’il faut faire désormais le deuil d’un éventuel procès d’ATT.
Chahana Takiou