La machine de la mise en place de l’Accord pour la paix et la réconciliation est sérieusement grippée. C’est le blocage. Les consultations d’Alger n’ont pas abouti à des résultats encourageants. Les travaux de la neuvième session ordinaire du Comité de Suivi de l’Accord (CSA) ont été reportés à une date ultérieure suite au boycott des représentants de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) et de la Plateforme. Le gouvernement semble être isolé dans la situation actuelle. Toute laisse croire que la Plateforme n’est plus sous la coupelle de Bamako. Dans une déclaration dite « Message CMA-Plateforme à l’adresse de la neuvième session ordinaire du CSA », il est demandé au Gouvernement de mettre fin à son ingérence dans les affaires internes des Mouvements.
Acculé jusqu’au bout, le gouvernement fait face à une bombe qui risque d’exploser entre ses mains. Si le blocage actuel est imputable à la mauvaise foi des signataires de l’Accord issu du processus d’Alger, le gouvernement du Premier ministre Modibo Kéïta est seul contre tous. Il doit regretter déjà pourquoi il a cédé à la pression internationale en interrompant le processus qui a permis le retour de Ménaka et d’Anéfis dans le giron de la République. Si cet élan des groupes de la Plateforme qui mettait la pression sur les maîtres de Kidal n’avait pas été brisé, la situation serait aujourd’hui meilleure avec moins de surenchère de part et d’autre. Sur ce point, la communauté internationale, notamment la MINUSMA qui avait instauré une zone de sécurité à 30 km de Kidal, a gagné son pari en réussissant à fédérer deux groupes qui se boudaient tout au long du processus d’Alger.
Les tueries en cascade de ces derniers temps ont rappelé les multiples maladresses commises par la communauté internationale qui doit avoir le courage de revoir radicalement sa copie. La solution ne réside pas forcément dans l’augmentation du nombre des casques bleus comme on veut nous le faire croire à travers les discours et autres déclarations.
Il y a un risque réel de guerre civile et d’affrontements intercommunautaires. Le repli sur soi et le sentiment communautarisme ont pris des proportions à la fois inquiétantes et alarmantes depuis les événements de 2012. Ce qui s’est passé dans le cercle de Ténenkou interpelle la conscience de la communauté internationale. Les actes de banditisme, les assassinats ciblés et actes crapuleux ont fait le nid de nombreuses frustrations communautaires pouvant déborder tous les jours. Récemment, à Tombouctou, le vol d’un véhicule par un jeune arabe a failli donner lieu à une attaque contre les commerces tenus par les membres de la communauté à laquelle appartient le présumé voleur.
Il faut que la communauté internationale comprenne que la mise en œuvre de l’Accord ne peut pas se résumer aux seuls signataires. Et qu’il ne sert à rien de continuer à faire une fixation sur l’installation des autorités intérimaires dans certaines localités où les populations ont toujours vomi ceux qui ont pris les armes pour déchirer le tissu social en altérant les liens séculaires entre les différentes communautés.
Pour rappeler ces réalités qui sautent à l’œil, les pouvoirs publics doivent être en mesure d’affirmer leur leadership en refusant de laisser à d’autres, avec des agendas cachés, le privilège de décider à notre place. Le déblocage de la situation a, sans doute, besoin d’un langage de vérité.
C Doumbia