La journée de samedi 28 mai 2016 restera à jamais gravée dans les annales de notre histoire. Non pas parce qu’il s’agit de la signature d’un autre accord pour la paix et la réconciliation nationale, comme celui qui avait rassemblé une bonne brochette de présidents de pays amis au Centre international de conférence de Bamako. Non pas aussi parce qu’il s’agit de la récupération de Kidal qui s’éloigne de plus en plus du giron de la République du Mali. Il s’agit plutôt d’une «Journée de salubrité» organisée par l’Union malienne-Rassemblement démocratique africain (Um-Rda). À la tête d’une bonne partie de l’élite dirigeante, IBK a prouvé qu’il peut mieux faire que la société marocaine Ozone qui, recrutée pourtant pour permettre à notre capitale de retrouver sa coquetterie d’antan, montre toutes ses limites.
En matière d’assainissement de notre capitale, nos dirigeants ont prouvé et prouvent encore qu’ils n’ont aucun plan d’actions ou de stratégie. Le tâtonnement et le pilotage à vue sont devenus leur mode de gestion en matière de salubrité. En effet, alors que les populations maliennes, notamment bamakoises, avaient poussé un ouf de soulagement avec l’institution de la Journée nationale de la salubrité, annoncée en son temps tambour battant, c’est l’angoisse et la déception qui commencent à naître dans les cœurs et dans les esprits. Car, sur le terrain, aucune action concrète n’est visible. Autrefois qualifiée de ville coquette (Petit Paris) de la sous-région, Bamako, notre capitale, bat aujourd’hui tous les records en matière d’insalubrité. Elle est envahie par des montagnes d’ordures qui n’ont rien à envier au mont Kilimandjaro. Du coup, les populations n’ont désormais que leurs yeux pour faire un constat amer.
Nul besoin de démontrer que Bamako, notre capitale, devient de plus en plus sale. Pour s’en convaincre, il suffit de faire un petit tour dans les différents quartiers populaires. Et pourtant, c’était une ville très coquette où il faisait bon vivre. Mais aujourd’hui, le quotidien des habitants y rime avec déchets et ordures. À telle enseigne qu’il est difficile de respirer… L’insalubrité est devenue une question de santé publique, alors que nos plus hautes autorités, notamment celles chargées du domaine de l’assainissement, affirment investir des sommes colossales pour permettre à notre capitale de reconquérir sa beauté d’antan.
Il est utile de rappeler que cette Journée nationale de salubrité devait avoir lieu tous les derniers samedis de chaque mois et qu’après le lancement qui a eu lieu ici à Bamako, la Commission interministérielle mise en place pour la cause allait procéder aux différents lancements dans les régions et cercles. Où en sommes aujourd’hui ? Nulle part.
Cette «recette» (Journée nationale de salubrité) que nos gouvernants croyaient «magique» ne fonctionnant donc pas, ils ont dû faire recours à une autre «plus sophistiquée» : s’offrir les services d’Ozone, une société marocaine qui a signé une convention d’assainissement de la ville de Bamako avec la mairie du District de Bamako, pour un montant de 9 milliards de Fcfa sur une durée de 8 ans. Au grand dam des GIE qui sont contraints au «chômage technique».
Si elles assistent impuissantes à l’insalubrité galopante dans notre capitale, les populations ne cessent d’interpeller les autorités, notamment municipales, qui restent toujours sourdes et muettes comme des carpes. «Les déchets sont mal gérés au Mali tant dans les régions, dans les communes, dans les arrondissements que dans les quartiers. Cela est dû à un manque de dépôts des déchets. Pour mieux gérer ces déchets, on doit d’abord avoir des dépôts de transit dans tous les quartiers et des dépôts finaux dans toutes les communes. Au niveau des dépôts finaux, on doit les trier. Ceux qui doivent être valorisés seront retenus et les autres, incinérés», conseille un fin connaisseur du domaine.
Suite donc aux interpellations incessantes de nos concitoyens, nos autorités n’ont trouvé mieux que d’investir elles-mêmes le terrain pour leur montrer leur bonne volonté d’assainir la capitale Bamako. Surtout qu’Ozone-Mali ne parvient pas à combler les attentes.
On se souvient encore que le samedi 18 décembre 2015, la Coordination des associations pour le développement de Bagadadji (Coadeb) avait organisé une Journée de salubrité du Centre hospitalier universitaire Gabriel Touré, en le débarrassant de ses saletés. Mais en fait, cette initiative était une idée originale de l’Association «Balai Sanitaire» dirigée par Balla Mariko. Idée très rapidement détournée par la Coadeb pour soigner l’image du gouvernement en place. Dans la foulée, ce jour, il fallait voir trois ministres de la République manifester leur zèle, tout comme s’il n’y avait pas un Département ou des structures en charge de l’assainissement dans notre pays. «Nos autorités, qui ont longtemps passé sous silence les conditions inhumaines des patients et travailleurs de cet hôpital, sont arrivées ce matin avant même l’arrivée de nos bénévoles pour nettoyer cet hôpital. Cela, à notre grande surprise», martelait Balla Mariko, qui préside aussi l’Association humanitaire «Solidaris223».Tout cela, soutenait-il, pour détourner l’attention des populations.
Et pour mieux y parvenir, c’est le président de la République qui a choisi de rentrer dans la danse, d’investir ce «marché de dupes» dans lequel le peuple est inconsciemment embarqué. En tout cas, ce samedi 28 mai 2016, ils étaient presque tous là, les barons du pays : le président IBK en tête du peloton ; le Premier ministre, Modibo Kéïta ; plus d’une dizaine de ministres, le directeur de Cabinet de la Présidence de la République et autres dignitaires du pays. Avec balais, râteaux, brouettes… ils faisaient honte aux Maliennes et aux Maliens.
De qui se moquent nos gouvernants actuels ? Faire du cinéma ou du cirque pour prouver à l’opinion nationale et internationale qu’on travaille, cela ressemble fort à une foutaise ! Nos plus hautes autorités feraient mieux de se constituer en un GIE (Groupement d’intérêt économique) pour remplacer Ozone-Mali, au lieu de se donner en spectacle pour ternir davantage l’image de notre pays.
Bruno E. LOMA