Désormais, il ne fait aucun doute que l’immixtion de la religion dans la politique est une réalité dans notre pays, même si certains leaders spirituels musulmans s’évertuent à le nier. Sous le couvert du combat contre l’extrémisme religieux au Mali, ce sont trois groupes de leaders spirituels musulmans qui sillonnent le pays, pour, soutiennent-ils, informer et sensibiliser les populations notamment les musulmans. En réalité, chacune de ces entités a des ambitions inavouées allant de la «politique du ventre» à la «politique politicienne».
Le Groupement des leaders spirituels musulmans du Mali (Glsm), dirigé par Ousmane Chérif Madani Haïdara, le Haut conseil islamique du Mali, présidé par Mahmoud Dicko, et le Mouvement Sabati 2012 de Moussa Boubacar Ba, sont tous en tournée à l’intérieur du pays. Objectif officiellement connu : sensibiliser les populations afin que l’extrémisme religieux soit bouté hors de nos frontières, surtout en ces moments cruciaux que nous traversons avec l’ascension fulgurante du jihadisme et du terrorisme. Si cette initiative est noble et salutaire en elle-même, elle suscite néanmoins des doutes quant aux velléités réelles de chacun des trois leaders spirituels musulmans qui «ne veulent pas se sentir», qui, à la limite, se regardent en chiens de faïence. Du coup, on assiste à deux clans sur le terrain pour sensibiliser sur le même sujet : l’extrémisme religieux. Il s’agit du clan Haïdara et de celui du duo Hci-Sabati 2012. Pourquoi aller en rangs dispersés, si on se bat pour une même cause ? Une sorte de clanisme qui ne dit pas son nom ? Ce sont là deux bonnes questions.
Selon nos informations, le clan Ousmane Chérif Madani Haïdara s’investit actuellement sur le terrain avec ses propres moyens financiers pour sensibiliser effectivement les populations sur les dangers de l’extrémisme religieux. Ne voulant pas s’afficher politiquement puisqu’il soutient toujours qu’il faut éviter l’immixtion de la religion dans la politique, M. Haïdara aurait son propre agenda qui n’a rien avec la religion, qu’il ne veut pas dévoiler pour le moment.
De l’autre côté, le Haut conseil islamique du Mali (Hcim), présidé par Mahmoud Dicko, et son «partenaire» Moussa Boubacar Ba du Mouvement Sabati 2012, eux, ne se voilent pas la face. En effet, nos sources nous indiquent qu’officiellement leur tournée porte sur la sensibilisation et la lutte contre l’extrémisme religieux, mais qu’officieusement, ils ont un agenda caché. Ils seraient déjà, à en croire nos sources, en «campagne pour le second mandat du président IBK». Pour preuve, insistent nos sources, dans chaque région où ils passent, ils font en sorte que le(s) ministre(s), les députés, les gouverneurs, les préfets, les maires et autres autorités originaires de la localité soient leurs parrains. Histoire de les amadouer à les financer avec l’argent du contribuable malien. Quelle astuce !
Le Hcim et le Mouvement Sabati 2012 sont déjà en campagne pour IBK à deux ans de la fin de son quinquennat ? C’est bien curieux quand on se rappelle que Mahmoud Dicko, pour le paraphraser, disait ceci : «95% des Maliens sont musulmans, je n’ai pas l’intention de faire de la politique, mais si le peuple me le demande, je ne saurais refuser de jouer mon rôle», tout en se félicitant que le Hci a un portefeuille dans le gouvernement actuel : le ministère des Affaires religieuses et de la Réconciliation. Mais M. Dicko a oublié d’ajouter que les 95% de musulmans maliens sont en grande majorité des analphabètes, qui souffrent de faim et de soif, qui ne comprennent même pas assez bien la langue dans laquelle ils prient. Que dire alors des 5% de Maliens ?
Dans la foulée, telle une réponse du berger à la bergère, Chérif Ousmane Madani Haïdara avait déclaré à son tour que «les islamistes ont des complices au sein du Hcim». Et que donc, la menace extrémiste est une réalité dans notre pays qui pourrait perdre son caractère laïc, voire sa Constitution qui serait remplacée par la Charia. Une passe d’armes qui traduit le désamour qui existe entre les deux hommes.
Pour ce qui est de Moussa Boubacar Ba, il affirmait lors d’un Forum de son Mouvement : «Sabati 2012 a rempli sa part de contrat avec IBK (en l’aidant à briguer la Magistrature suprême de notre pays), la balle est désormais dans son camp». Par ces propos, M. Ba s’attendait au «partage du gâteau». Mais, IBK ayant refusé cette donne, préférant la «famillecratie», il avait fini par se résigner et même par s’insurger contre le président de la République, arguant qu’il est «ingrat». Le voilà encore dans ses œuvres sur le terrain, sous couvert du combat contre l’extrémisme religieux, espérant s’attirer les grâces d’IBK.
Finalement, quelle bonne leçon de morale nous donnent ces leaders spirituels musulmans ? Aucune. Sinon qu’il faut craindre qu’un jour, ces deux clans n’en viennent à l’affrontement. Comme ce qui a été évité de justesse à Koutiala, car, alors que Haïdara y était pour son meeting, le duo Dicko-Ba voulait s’y rendre, mais il a été mis en garde par les populations koutialaises. Que ce serait-il passé s’ils s’y étaient rendus, surtout qu’il y a une grosse rivalité, pour ne pas dire, une inimitié entre les deux tendances.
Cette rivalité et cette inimitié, on le constate sur les ondes de leurs radios et télévisions privées respectives. En effet, tout comme Haïdara, Dicko a sa télé et sa radio, à la différence que ce dernier vient de créer son propre journal (presse écrite). Et donc, c’est à travers leurs médias qu’ils procèdent à des attaques personnelles. Où allons-nous à cette allure ? Vers un danger qui guette l’Etat.
De tout cela, une certitude : si les religieux envahissent aujourd’hui le terrain politique, c’est parce que les politiciens ont démissionné de leur mission fondamentale, occupés qu’ils sont de leur ventre ou de la survie de leur formation politique à travers l’aide publique de l’Etat aux partis politiques.
En tout cas, il n’est pas dit que les religieux ne doivent pas faire de la politique au Mali. Mais, s’il est admis qu’un militaire doit quitter les rangs de l’armée pour faire de la politique, les religieux aussi se doivent de «quitter» la mosquée ou l’église pour… Il faut donc éviter de «politiser la religion». Une fois, le Mali a commis l’erreur de politiser le milieu scolaire. Le résultat est connu de tous, avec la tristement célèbre Aeem…
Bruno E. LOMA
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