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Sécurité et paix au Mali : Le mandat de la Minusma de plus en plus contesté face à la montée en puissance des Jihadistes
Publié le mercredi 8 juin 2016  |  Le Matin
conférence
© aBamako.com par Momo
conférence de presse du Représentant spécial du Secrétaire général, Chef de la MINUSMA
Bamako, le 02 juin 2016 le Représentant spécial du Secrétaire général, Chef de la MINUSMA a tenu une conférence de presse sur l` attaque de Gao




Le président Ibrahim Boubacar Kéita du Mali a reçu jeudi dernier (2 juin 2016) les ambassadeurs des pays membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations Unies (USA, France, Royaume-Uni, Russie et Chine). C’était en présence du Premier ministre Modibo Kéita et de plusieurs membres de son gouvernement. Une audience liée à la recrudescence de la violence dans les régions du nord et du Centre du Mali.

Cette audience, au lendemain de l’attaque d’Aqmi contre le contingent chinois à Gao, a abordé la question du renouvellement du mandat de la Minusma au Mali. Un mandat qui doit prendre fin le 29 juin prochain.



La mise en œuvre de l’Accord de paix et de réconciliation nationale a également été abordée selon la Cellule de communication de la présidence malienne. Aujourd’hui, tous conviennent qu’il faut intensifier la coopération et renforcer le mandat de la Minusma pour faire face aux attaques terroristes dont sont victimes les casques bleus et les FAMA.

La communauté internationale doit aussi œuvrer à faciliter la mise en œuvre de l’Accord de paix et de réconciliation nationale signé il y a un an. Les Ambassadeurs de la Russie, la Grande Bretagne, la France, la Chine et les Etats-Unis ont profité de cette audience pour exprimer au peuple malien leur solidarité suite aux attaques terroristes du 31 mai 2016 et des jours précédents contre la Minusma mais aussi contre les FAMA.

L’audience du 02 juin dernier a eu lieu au moment où le Secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, annonçait avoir demandé au Conseil de sécurité de renforcer les effectifs de la Minusma avec le déploiement de 2 500 Casques bleus supplémentaires.

De plus, Ban Ki-moon souhaite la création d’une «équipe d’intervention spéciale» à Bamako au sein de la police de la Minusma. Pour le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies au Mali, M. Annadif lors d’une conférence de presse animée le 2 juin au siège de la Minusma, «il est impératif que la Minusma change sa stratégie sur le terrain en devenant proactive».

Mais, la requête du Secrétaire général de l’ONU ne semble pas trop convaincre les observateurs compte-tenu du contexte sécuritaire qui ne cesse de se dégrader.

«Ban Ki-moon parle de renforcer les positions et les capacités de la Minusma pour opérer dans un environnement dangereux et imprévisible… On veut donc nous faire croire qu’on ne savait pas la dangerosité d’un environnement que les jihadistes de tout acabit ont occupé près d’un an ? Les hélicos et les blindés blancs c’est pour intimider qui ? Pas les terroristes en tout cas», s’interroge Le Berger, un cadre et bloggeur ressortissant du nord du Mali

Doter les FAMA et la Minusma de capacité d’anéantir la nébuleuse terroriste

Pour de nombreux interlocuteurs, les difficultés actuelles de la Minusma ne sont pas forcément un problème d’effectif ou de logistique. C’est plutôt la «pertinence» et «l’objectivité» du mandat qui pose problème car il ne permet pas aux contingents d’anticiper sur les attaques et de mieux se défendre.

«Je pense que la résolution des Nations unies sur Minusma a été votée sous le chapitre 7 qui stipule que les Casques bleus doivent combattre. Après on nous fait croire que c’est une force de maintien de paix et que seule la France peut combattre à travers ses forces spéciales. Le problème n’est pas lié à l’effectif, mais à l’interprétation qui est fate de ce mandat assez restrictif dans un environnement chaotique», dénonce Abdoul Karim Dramé, chroniqueur politique et consultant.

Un gendarme, qui a été sur le site où les togolais sont morts, nous confiait de façon anonyme que ceux-ci avaient 7 blindés… Les assaillants étaient au nombre de 3. Ils ont garé leurs motos à 2 kilomètres et ils ont posé la mine. Une fois le convoi tombé dans l’embuscade, les assaillants ont tiré sur les togolais, tuant 5 éléments avant de rejoindre tranquillement leurs engins sans être poursuivis par les gens de la Minusma. Cette attaque a lieu à près de 55 km de Sévaré (Mopti) sur la route de Ténenkou.

«Dans sa mission actuelle, la Minusma est inutile au Mali», conclut un diplomate africain en poste à Bamako. «L’erreur stratégique du Mali et de ses partenaires est certainement de ne s’être pas donné suffisamment les moyens d’éradiquer les groupes terroristes comme Ançar Dine qui sont manifestement frustrés de n’avoir pas été considérés comme interlocuteurs et parties au processus de paix», déplore un diplomate malien à l’étranger sous couvert de l’anonymat.

«Les forces armées et de sécurité maliennes ainsi que les forces internationales doivent adapter leur stratégie et leur mode opératoire aux réalités du terrain rendu encore plus dangereux par le facteur terroriste», ajoute ce dernier.

«Le renforcement de l’effectif de la MINUSMA n’est évidemment pas approprié pour gérer la situation dans les régions nord du Mali. Il faut changer le mandat», rappelle Abdourhamane Dicko, président de l’Association des ressortissants de Gabéro (Gao).

A elle seule, la France ne viendra pas à bout du terrorisme au Sahel

«A défaut de se transformer en force de lutte contre le terrorisme, la constitution d’une force d’appui à Barkhane s’impose aujourd’hui pour maitriser la situation au Mali et créer les conditions de la mise en œuvre de l’Accord de paix», ajoute M. Dicko.

Mais, à condition que la France se rende à l’évidence que sa «bonne volonté et sa détermination» ne suffisent plus à elles seules pour venir à bout du terrorisme qui change constamment de visage. «Le terroriste n’est pas une colline immuable, mais une personne. Un humain aux mouvements imprévisibles», décrit M. Dicko.

Un point de vue partagé par de nombreux observateurs qui sont convaincus que l’on ne viendra pas à bout du terrorisme avec le «cloisonnement actuel des différentes forces sur le terrain».

Pour eux, les lenteurs du désarmement et surtout les problèmes de coordination entre les différentes forces (Forces armées maliennes, ex-groupes armés, Minusma, opération française Barkhane) offrent «des possibilités pour les fauteurs de trouble».

Pour l’ancien Premier ministre, Moussa Mara, il faut «une riposte rigoureuse, déterminée, durable et adaptée contre les terroristes qui utilisent toutes les failles qu’ils trouveront dans le dispositif de défense des forces amies et emploieront toute stratégie pour arriver à leur fin».

Il a souligné à cet égard que «la posture défensive n’est plus de mise et la seule posture guerrière non plus ne sera pas seule efficace».

«Il faut intégrer le renseignement, collaborer avec les populations, associer les leaders et organisations religieuses, allier le savoir-faire technologique et les possibilités socio culturelles fournies par nos communautés et notre organisation sociale. C’est à une lutte de long terme que nous devons nous préparer sous l’égide des autorités maliennes», a conclu le jeune et ambitieux président du parti Yèlèma (Changement, majorité présidentielle).

En plus de «muscler» le mandat de la Minusma, la situation exige aujourd’hui «une mutualisation des forces» afin de combler le déficit constaté au niveau des différents intervenants.

«La faiblesse et le manque de professionnalisme qu’on reproche très souvent aux forces armées et de sécurité maliennes ne peuvent pas être compensés par la puissance de feu d’une force étrangère au risque de commettre la même erreur», analyse Abdourhamane Dicko.

Dans ces conditions, déplore-t-il, le renforcement de la Minusma ne serait que des «contingents physiquement présents et envahissants».

«Un effectif supplémentaire qui ne contribuera pas forcément à améliorer le quotidien des populations», conclu-t-il. Presque tous nos interlocuteurs sont de cet avis.

Moussa Bolly (Avec Xinhua)
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