En 1990, un vent de l’Est avait frappé de plein fouet le paysage politique africain, celui du multipartisme. Au Mali, Alpha Oumar Konaré, ses amis et d’autres cadres du pays ont poussé le général président Moussa Traoré à la porte un 26 mars 1991. Vingt-quatre ans après l’instauration du pluralisme politique, que devient le Mali ?
Avant 1991, le Mali, grâce à une bonne politique de développement, pouvait se targuer d’être une locomotive économique de la sous-région ouest-africaine. Du point de vue du réseau routier, le pays en possédait; ce qui a eu pour conséquence de faciliter l’évacuation des produits agricoles vers l’extérieur. Outre les routes, les voies ferrées et aériennes ont été développées en vue de booster l’économie du Mali. Des infrastructures hospitalières modernes, pour le bien-être des populations. Que dire alors de l’école qui était la priorité des dirigeants d’alors ? L’agriculture était dynamique et assurait à elle seule l’essentiel de l’économie du pays. Ce pays, véritable havre de paix, faisait languir les autres pays dont les citoyens envahissaient, depuis la nuit des temps, le Mali, à la recherche d’un bien-être.
Les dégâts du multipartisme
Alors que Houphouët-Boigny, dans sa grande vision et sa parfaite connaissance de son peuple disait: «l’Afrique n’est pas prête pour le multipartisme», un groupe de jeunes cardes, conduit par Laurent Gbagbo, croyait détenir la panacée pour hisser le pays au rang des grandes nations du monde, par la manière la plus brutale qui soit: ils ont alors forcé les choses et le président leur a donné l’occasion d’expérimenter leur recette. Le vent de l’Est, provoqué par la chute du mur de Berlin en décembre 1989, avait favorisé l’installation de la démocratie et le multipartisme en Afrique. Depuis lors, ces Etats africains se réclament tous ou presque démocratiques. Comme c’est le cas chez nous au Mali. Ainsi, de 1991 à nos jours, le Mali n’arrête pas sa descente aux enfers. Les routes sont dans un état de dégradation particulièrement avancé. Nos joyaux architecturaux que sont les CHU et les CHR, sont devenus des mouroirs. Aujourd’hui, les Maliens fuient leurs hôpitaux pour aller chercher la guérison dans les plantes dites médicinales et dans la rue, avec tout ce que cela comporte comme risques. Le pays a tout perdu ou presque, les fondamentaux de la nation ont volé en éclats sous le poids du multipartisme. Les Maliens ne se regardent plus en frères, ni même en adversaires politiques, mais en ennemis jurés. La paix et la tranquillité sont devenues de lointains souvenirs. En lieu et place d’une république démocratique en gestation, les partisans d’un multipartisme aveugle ont fait asseoir une jungle où les forts écrasent impunément les plus faibles. Depuis 2012, les Maliens ont perdu la notion du vote, parce que le coup d’Etat du capitaine Sanogo et compagnons l’aurait voulu ainsi. La violence est érigée en mode de vie et les richesses nationales atterrissent dans les poches d’un groupuscule de citoyens qui en fait à sa guise. Les crises à répétition dans le septentrion, la confiscation du pouvoir, la dictature sous sa nouvelle forme, etc. ; la liste est très longue. Depuis 1991, le Mali ne fait plus rêver. Dans tous les secteurs d’activités, les clignotants sont passés au rouge et les Maliens ont perdu tout espoir de vivre dans un pays complètement à genoux. Aujourd’hui, Alpha Oumar Konaré et sa clique n’ont pas le courage de regarder les Maliens en face. Pas parce que le multipartisme est une mauvaise forme de gouverner un peuple, mais elle est mise en pratique par de très mauvais artisans. Or, toute recette n’est bonne que lorsqu’elle est appliquée par ceux qui la maîtrisent. Les défenseurs du multipartisme refusent de l’appliquer démocratiquement. Qui pis est, ils refusent de reconnaître leur ignorance. Houphouët avait donc raison.
Paul N’GUESSAN