Se faire porter à la tête des structures onusiennes bat son plein en ce moment dans les sphères diplomatiques et étatiques de plusieurs puissances mondiales et même de certains petits Etats. Pendant ce temps notre continent observe l’expectative avec des candidats très peu nombreux et sans soutien significatif.
Déjà, deux structures viennent de changer leur instance dirigeante. A savoir le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) le 1er janvier et le Programme des Nations Unies pour l’environnement (Pnue) en mai dont les contrôles ont été pris respectivement par l’Italien Filippo Grandi et le Norvégien Erik Solheim. Il ne reste plus que les désignations à l’Unesco, à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) au Programme des Nations Unies pour le développement (Pnud) et à la structure-mère, l’ONU. La faible présence des cadres africains à cette bataille de conquête des hautes fonctions onusiennes saute aux yeux et interroge autant qu’elle inquiète quand on n’est pas sans savoir que notre continent a de tout temps été, sinon le plus en crise, le plus dans le besoin ou encore les deux à la fois.
Les rares Africains dans la course aux sommets
L’on note la candidature de l’Ethiopien Tedros Adhanom pour remplacer la Chinoise Margaret Chan à la tête de l’OMS lors du renouvellement de la direction prévue pour se tenir courant 2017.
Cette semaine-même, notre compatriote Aminata Traoré, ex-ministre de la Culture a annoncé sa candidature au poste de Secrétaire général de l’ONU, l’instance suprême dont la désignation devrait se tenir le 1er janvier 2017.
Il faut aussi noter la présence du ministre libérien de la Santé qui, sans être candidat, s’est vu proposer le poste de numéro deux par le Français Philippe Douste-Blazy, candidat au secrétariat général de l’OMS.
En quoi se justifie cette faible représentativité africaine ?
L’une des explications résiderait dans le mode de désignation des candidats à la candidature qui dépend de règles qui, sans être forcément écrites, ont force de loi et droit de cité. La première serait un système de roulement entre les continents. A cet effet, le poste au secrétariat général de l’ONU devrait revenir à l’Europe de l’Est cette fois-ci (Par la volonté de la Russie en tant que membre permanent de l’ONU et pays qui présidera le Conseil de sécurité au moment du vote), celui de l’Unesco devra - sauf surprise - aller au monde arabe avec le Maghreb et le Moyen-Orient, pour la première fois. Les structures onusiennes qui font exception à cette règle sont le Pnud qui a toujours échu à un Occidental, en excluant l’intermède du Turc Kemal Dervis. Il y a aussi l’OMS qui, sans avoir jamais été dirigée par un Africain, a eu à sa tête plusieurs nationalités. La deuxième règle serait la tendance actuelle à voir des femmes à la tête des instances mondiales. Etant des femmes émérites dans plusieurs domaines, il faut toutefois faire remarquer que le leadership des Africaines au niveau diplomatique n’est pas des plus enviables autant en qualité qu’en nombre.
Comme explication, on pourrait aussi signaler le fait que le Conseil de sécurité est le maître du jeu sous l’œil regardant des cinq membres permanents, pouvant user de leur véto à souhait. Leur volonté exprimée en début de renouvellement des structures doit être prise au sérieux. Ainsi, leur volonté ne penche pas vers une candidature africaine actuellement. En fait après les auditions et autre lobbying, ce sont ces puissances qui désignent le seul candidat devant se présenter à l’Assemblée générale pour le vote final. Pour plus de transparence, certaines voix s’élèvent, en ce moment, pour demander au Conseil de sécurité de proposer trois candidats au vote lors de l’assemblée générale au lieu d’un seul.
Où se trouvent les chances africaines ?
Elles ne sont surtout pas entre nos propres mains. L’annonce de la candidature d’Aminata Traoré pour la direction de l’ONU ressemble plus à un coup de pub qu’à un coup de poker. En effet, la concernée qui, d’ailleurs, dit s’être déclarée candidate parce qu’on rechercherait une femme, ne présente aucun atout réel sur lequel le continent pourrait miser. Celle de l’Ethiopien Tedros Adhanom pour la tête de l’OMS est compromise à plus d’un titre. S’il devait engranger des soutiens africains et ceux en faveur de l’Afrique, la présence du ministre libérien de la Santé aux côtés Douste-Blazy aux mêmes joutes sonne le glas de la désunion du continent. Ce qui fait du Français Douste-Blazy, qui promet le poste de numéro deux au ministre libérien, notre meilleure chance au niveau de l’OMS. Quand bien même cela ne serait pas loin d’une simple vue de l’esprit.
Pour le Pnud, nous avons toujours été loin des décisions. Et pourtant les questions de notre continent ont de tout temps été au cœur du terrain d’intervention de cette institution. Les nombreux programmes, en majorité ficelés sans consultation des besogneux, se sont plus que souvent soldés par des échecs. Car ici, l’argent a toujours été roi et nous avons toujours été de besogneux demandeurs. C’est ainsi. C’est celui qui donne qui ordonne, dit l’adage. Mais il faudrait consulter ceux dans le besoin avant d’élaborer quelque plan de développement en leur « faveur », pour plus d’efficacité.
Au niveau de l’Unesco, la prise de la direction par le monde arabe devrait jouer en notre défaveur car les potentiels secrétaires sont originaires de pays à la pointe du combat pour l’affirmation d’une civilisation arabe face au reste du monde. Sans doute parce que difficilement comprise car ayant du mal à se défaire des travers des terroristes et autres extrémistes religieux. Dans ces conditions, les questions arabes, à défaut de ramener celles africaines au second plan, les éclipseront au niveau des interventions de l’organisation onusienne consacrée à l’éducation, la science et la culture.
Pour la course au contrôle de l’instance suprême, l’ONU, les deux favorites que sont la Bulgare Irina Bocova et la Néo-Zélandaise Elen Clark sont au coude-à-coude quant à qui porterait le mieux les chances du continent. Car chacune des deux aura déjà fait connaissance avec les dossiers africains dans leur structure respective. On se souvient, entre autres, des interventions de Bocova sur le sol africain au nom de l’Unesco qu’elle dirige. Notamment au Nord du Mali pour la reconstruction des mausolées détruits lors de l’occupation djihadiste et son succès à faire qualifier ce type d’actes de ‘’crime contre l’humanité’’. Elen Clark qui est actuellement à la tête du Pnud n’est pas non plus étrangère aux questions africaines, surtout celles ayant trait au développement. Ni l’une ni l’autre n’a de relations particulières avec notre continent qui nous mèneraient à paraître euphoriques pour l’élection de l’une ou de l’autre. Du 50-50, on pourrait dire.
Comment inverser la tendance ?
Il faudrait, de prime abord, revoir notre système de gestion de notre diplomatie. En fait, ces hauts fonctionnaires que sont les dirigeants des structures onusiennes, sont généralement d’anciens diplomates ou chefs de gouvernement. Le profil de carrière en est un élément essentiel. Pour ce faire, en plus de susciter l’accès aux fonctions internationales de tout type, nos gouvernants devraient éviter de bloquer l’avancement des diplomates de carrière juste pour nommer des proches, en récompense de leur pseudo loyauté. Permettre à des hommes de métier d’évoluer dans la diplomatie, loin des turbulences et autres turpitudes de la gestion partisane ou clanique du pouvoir d’Etat, peut nous fournir de nombreux diplomates et de qualité à ne rien envier à leurs collègues d’ailleurs.
Aussi, faudrait-il que nos chefs de gouvernement ne se limitent plus simplement à vouloir s’éterniser à leur poste ou à devenir le prochain chef de l’Etat. Il leur faudra, une fois la mission nationale accomplie, songer à se présenter à des postes de responsabilité sous-régionale, régionale ou internationale. Cela est d’ailleurs, sinon un bon moyen d’aider son continent et son pays, un bon tremplin pour accéder à la tête de son pays.
Abdoulaye KONATE