La longue file d’attente semble être la règle au Centre de traitement des données de l’Etat-civil comme à Ecobank et à la police des frontières
« Désormais les citoyens maliens vont détenir un document de voyage fiable, sécurisé et aux normes internationales », annonçait avec confiance le colonel -major Salif Traoré, ministre de la Sécurité et de la Protection civile le 4 avril dernier, lors du lancement officiel du passeport biométrique. Le souci de renforcer l’arsenal de prévention et de riposte face à une insécurité effrayante, à bien des égards, a incité autorités politiques et responsables en charge de la sécurité du pays à imposer le passeport biométrique, à côté d’autres mesures.
Un peu de plus de deux mois après, comment fonctionne le nouveau dispositif ? Les demandeurs de passeports en sont-ils satisfaits ? Quid des difficultés rencontrées ? Il ressort de nos investigations que l’accès au numéro d’identification – dont la copie fait partie des pièces à fournir – cristallise à lui seul les préoccupations de nombre de demandeurs.
N’ayant pas été enrôlés lors du Recensement administratif à vocation d’état civil (Ravec) ou pour diverses autres raisons, nombre de Maliens ne possèdent pas de cartes NINA. Pour combler cette lacune, ils vont devoir se diriger vers le Centre de traitement des données de l’Etat-civil situé à Korofina Nord. A défaut de la carte NINA, une solution intermédiaire est proposée par la structure qui fournit des récépissés (reçus de description de la personne) aux personnes déjà enrôlées.
Dans la cour, s’étirent de longues files d’attente constituées majoritairement de jeunes garçons, de jeunes dames mais aussi de personnes d’âges plus ou moins avancés. Certains arrivent avant l’aurore et d’autres, très tôt le matin, pour faire partie des deux cents chanceux admis chaque jour. Officiellement. En effet, ce décompte n’inclut pas ceux qui sont recommandés ou les adeptes du raccourci.
Certains demandeurs étaient assis sur des bancs métalliques, des motos et beaucoup d’autres à même le sol. Le tout, sous le regard vigilant de quelques agents de sécurité qui filtraient les entrées. A un moment, un jeune porteur d’uniforme, après s’être concerté avec son collègue, fait entrer une vieille dame assise dans un fauteuil qui était visiblement à bout de nerf.
Se tenant droit sous un arbre à l’entrée du Centre avec un regard fuyant, Baba Cissé, commerçant au Congo-Brazzaville, tente d’obtenir un début d’explications face au refus de paiement des frais qu’il a essuyé à Ecobank. Le natif du village de Guedebiné (cercle de Diéma) témoigne : « A mon arrivée au Mali, j’ai pris des renseignements pour le renouvellement de mon passeport. J’étais obligé de retourner au village quand on m’a dit de prendre la carte d’identité nationale et la carte NINA. A ce jour, j’ai toutes les pièces ». « Lorsque je suis parti ce matin à Ecobank, poursuit le commerçant, afin de payer les 55.000 Fcfa, on m’a fait savoir qu’à la police des frontières, on n’accepte pas certains types de récépissés – dont le mien. Je suis revenu ici pour avoir des réponses », ajoute-t-il. « Je suis en grande difficulté, sans passeport je suis bloqué car j’ai laissé famille et travail dans mon pays d’accueil », confesse-t-il.
MINES AGACEES. Son récépissé à la main et visiblement soulagé, l’étudiant Yaya Doumbia avoue ne pas avoir connu un problème de cette nature, même s’il déplore le temps d’attente excessivement long qu’il vient d’effectuer. « Pour retirer mon reçu de description de la personne (récépissé), j’étais obligé de venir à 6 heures du matin et, c’est vers 10h30 que je l’ai eu », confie-t-il.
A l’agence principale de Ecobank, tout semble aller comme sur des roulettes, excepté là aussi le temps d’attente anormalement prolongé – deux heures en moyenne -, nous signalent des demandeurs rencontrés sur place. Dans les agences secondaires de la banque, c’est le dispositif technique (réseau) qui ne serait pas tout à fait au point, ce qui explique le rush vers l’agence principale, aux dires de quelques témoins.
Ces longues queues font également partie du décor devant la Direction de la police des frontières à Hamdallaye ACI 2000. Des dizaines d’individus, dossiers en mains affichant des mines agacées, font mouvement dans différents sens, devant et à l’intérieur du service.
Le jeune Mahamadou Doumbia, qui est établi en Guinée Équatoriale depuis des années, vient de voir son dossier rejeté. Dépité, il lâche : « J’ai été enrôlé à l’ambassade du Mali en Guinée Équatoriale le 26 octobre 2010 sans recevoir de carte NINA. En revanche, j’ai un récépissé et, pendant tout ce temps, on ne cessait de me dire que ma carte « n’est pas disponible ». Essuyant les quelques gouttes de sueur qui coulaient sur son visage, notre expatrié s’interrompt un moment et lance : « Quelle ne fut ma surprise quand, ce matin, les agents de la police des frontières ont refusé de prendre mon récépissé. Je suis déboussolé. Je ne sais plus quoi faire. Aidez-moi ».
Pour bien accomplir ses missions, la police des frontières gagnerait à améliorer son système de communication et surtout son dispositif d’accueil pour soulager les demandeurs des documents de voyage. Ceux-ci déposent tous les matins leurs dossiers avec la possibilité de retirer leurs passeports dans un délai maximal de trois semaines, entre 14h et 17h. En outre, d’autres opportunités leur sont offertes pour vérifier si leurs documents de voyage sont disponibles : affichage des listes dans la cour et site web de la police nationale « www.police.gouv.ml ». Le même système d’information aurait pu servir à informer les demandeurs de passeports des pièces à fournir pour constituer leur dossier. Il n’est pas rare de rencontrer des demandeurs, qui à leurs dires, ont passé deux à trois semaines en va-et-vient pour apporter des compléments de dossier.
Un responsable du ministère de la Sécurité et de la Protection civile nous indique que dans la nouvelle opération de délivrance du passeport, tout se passe bien grosso modo. Plus tard, il tempérera cet optimisme en reconnaissant qu’à un moment, des erreurs techniques ont été décelées sur certaines cartes NINA, d’où leur rejet par les machines de la société chargée de la production (Mali Solution Numérique). « Après la reconfiguration du dispositif technique de la société, tout est rentré dans l’ordre à ce niveau », s’empresse-t-il d’ajouter.
Signalons que la Société Mali Solution Numérique produit tous les jours 400 passeports.
Mansa SIDIBÉ