La leçon de courage des Tombouctiens face aux fous d'Allah qui ont brûlé leurs ouvrages religieux en 2012, racontée dans l'ouvrage de Joshua Hammer.
Décembre 2012. A Tombouctou, au Mali, des fous de Dieu mâtinés de gangsters scénographient la destruction d'un mausolée. Un mois plus tard, les mêmes procèdent à l'autodafé public de quelques ouvrages religieux entreposés dans une aile de la bibliothèque Ahmed-Baba. Comment la population a-t-elle riposté face à cette haine agissante de la culture, face à ce vandalisme djihadiste ?
Eh bien, dans un élan unanime et immédiat, les Tombouctiens ont dit non. Et improvisé leur résistance.
Question de réflexe, d'abord : la Palmyre du Sahel, depuis toujours, a été aux yeux du monde le foyer d'une allergie au fascislamisme et, peut-être, une des adresses de cet islam des Lumières avec lequel tous les hommes de paix cherchent, aujourd'hui, à prendre langue.
Question de circonstances, également : les habitants, confortés par la poignée de responsables des 32 bibliothèques familiales de la ville, ont secrètement exfiltré la grande majorité des manuscrits légués de siècle en siècle vers des lieux sûrs. Lorsqu'ils ont déferlé sur la ville, les lansquenets de l'apocalypse intégriste ont fait chou blanc : seuls quelques volumes, à la valeur toute relative, restaient à portée de leur fureur.
Leçon de courage des Tombouctiens. Ils nous rappellent qu'en temps de détresse, hier au Mali, aujourd'hui en Syrie ou au Kurdistan, sauver les signes d'humanité déposés dans les œuvres de culture, c'est, parfois, sauver l'essentiel. Au cœur de cette conspiration du bien : Abdel Kader Haïdara. Aussi effacé qu'efficace, ce lettré a tout organisé. Et c'est son action rocambolesque et admirable que le journaliste américain Joshua Hammer restitue dans les Résistants de Tombouctou. Haïdara est un quinquagénaire respecté de Tombouctou, dont le renom est indissociable de la bibliothèque Mamma-Haïdara, sa création. Plusieurs mois durant, c'est Abdel Kader Haïdara qui bravera les pires dangers pour protéger «l'encre des savants», comme l'appelle le philosophe Souleymane Bachir Diagne.
Leçon philosophique, aussi. Il est de bon ton dans certains cénacles de pilonner sans retenue la politique étrangère de la France. A lire le récit de Hammer, on comprend que le «test Haïdara» en valide certaines orientations essentielles, à commencer par ce qui a trait au containment du djihadisme. C'est François Hollande qui, en 2013, avait déclaré : « La France fera ce qu'il faut pour restaurer le patrimoine malien». Haïdara et ses amis lui ont permis de tenir parole.
*Les Résistants de Tombouctou, de Joshua Hammer, Arthaud, 21,50 €.