Rien ne va plus au Pasj. Après la démission en cascade des députés et maires de Koutiala, le syndrome gagne Mopti. Me Abdoulaye Garba Tapo, ancien membre du Comité exécutif de l’Adema-Pasj, qui a fait renaître ce parti de ses cendres dans la ‘’Venise malienne’’ a claqué la porte. Nous vous proposons l’interview qu’il nous a accordée sur les raisons de son départ.
Le Prétoire: Vous avez démissionné de l’Adema Pasj, peut-on savoir les raisons de ce départ ?
Je n’ai aucun grief particulier contre l’Adema en tant que tel. Car il y a beaucoup de cadres Adema avec qui j’ai travaillé dans une bonne ambiance et que je respecte beaucoup. Je rappelle que j’étais à la tête d’un parti, le RND, qui n’a pas démérité. Vers la fin nous avons pris beaucoup de coups dont la plupart, au fond, était beaucoup plus dirigée contre ma personne que contre le parti. Il faut être réaliste à un moment. J’ai pratiquement sacrifié tout ce que je gagne dans la politique. Tout le monde sait que je n’ai jamais cherché à vouloir coûte que coûte me positionner pour avoir des places. Chaque fois que j’ai eu l’occasion, j’ai plutôt laissé des marges aux autres. Et j’étais arrivé à la conclusion que notre parti (RND) allait avoir des jours très difficile et j’allais compromettre la carrière de beaucoup de gens. C’est pourquoi nous avons décidé de fusionner avec un parti. Chacun avec ses préférences. Je ne vous dis pas que la mienne était l’Adema. Mais la majorité a voulu qu’on aille à l’Adema. Car au temps d’Alpha Oumar Konaré et IBK, l’Adema nous avait beaucoup soutenus. Ils pensaient que nous avions beaucoup de marge avec ce parti. La preuve, certains d’entre nous sont devenus maires de grandes villes comme Kati. A Mopti aussi, tout le monde sait que l’Adema était presque morte et c’est mon arrivée qui a permis à ce parti d’y revivre. Je n’ai jamais cherché à me positionner pour un poste ou à courir derrière quoi que ce soit. Maintenant, tout le problème est venu du dernier congrès. D’abord, j’ai été choqué de voir le mur qu’on a dressé contre beaucoup de personnalités dont la présence était un plus. Des gens respectés pour lesquels j’étais prêt à me battre. Mais on a tout fait pour les écarter. Car on sait que ce sont des gens qui ne sont pas prêts à accepter n’importe quoi. A notre grande surprise, il y a eu beaucoup de tractations quant au déroulement du congrès. Ce n’était plus un congrès. Parce que c’est devenu le parti où vous avez les moyens, vous vous imposez. On ne tient compte ni du parcours ni du poids politique. Tout ce qui a pesé, ce sont les moyens. Tout le monde a vu comment les choses se sont passées. Cela a découragé beaucoup de gens à tel point que les responsables qui se sont retrouvés là, pour moi, ne pouvaient pas diriger un parti.
Estimez-vous que les dirigeants actuels de l’Adema ne peuvent pas diriger ce parti ?
Je pense qu’il y avait des gens beaucoup mieux placés, plus crédibles et qui auraient permis à l’Adema de rester un parti indépendant. Mais, ceux qui sont là aujourd’hui ne sont pas en mesure de défendre les intérêts d’un parti comme l’Adema. Et ça se voit au finish à tel point que l’Adema, aujourd’hui, n’a pas d’image. J’ai pensé qu’il y avait des gens qui auraient pu jouer un rôle au regard de ce que le parti leur a donné, en l’occurrence le Pr Dioncounda Traoré qui aurait pu s’imposer afin que le choix se fasse sur des bases saines et objectives. A partir de là, je me suis dit que je ne pouvais plus continuer avec un parti comme ça. Et être là à cautionner certaines choses. Sans compter que bien avant cela, j’avais commencé à prendre mes distances depuis la présidentielle. Parce que j’ai su que le parti ne visait que se positionner pour pouvoir bénéficier davantage auprès du pouvoir en place. L’Adema n’avait plus une image qui, à mes yeux, pouvait me permettre de rester. J’ai gardé de très bons rapports avec beaucoup de responsables comme Bill, Mme Sy Kadiatou Sow Mme Konté, Modibo Sow. Je sais qu’eux-mêmes doivent souffrir de cette situation. Mais, tous sont impuissants. Parce que tout ce qui compte dans l’Adema c’est le poids de l’argent. Ce sont des gens partis de rien qui s’imposent. Donc j’ai jugé que ce n’était pas la peine de rester dans ce parti.
Pourquoi avez-vous donc porté votre choix sur le RPM ?
A l’époque, j’ai eu des rapports très étroits avec des personnalités comme Alpha Oumar Konaré, Ibrahim Boubacar Keïta qui m’ont beaucoup respecté et pour qui j’ai beaucoup d’égard. En plus, au 2ème tour de la présidentielle, au niveau de l’Adema, il y a eu des débats assez houleux. Certains voulaient que le parti soutienne Soumaïla Cissé. A cette occasion, j’ai dit que malgré que Soumaïla Cissé soit un frère, j’ai ouvertement déclaré mon soutien à IBK au regard de nos relations antérieures. Au regard de son expérience, pour moi, la question du choix ne se posait pas. Je rappelle que Soumaïla Cissé avait gagné à Mopti au 1er tour de l’élection présidentielle. Mais, je suis parti au second tour jouer un grand rôle en faveur de l’élection d’IBK que personne ne peut nier. Depuis cette date, les cadres de l’Adema de Mopti ont tout fait pour que je vienne avec eux. C’est avec eux que j’ai le plus travaillé. Pour moi, ce qui m’intéresse aujourd’hui, c’est d’aller faire carrière à Mopti où j’ai un électorat et où je suis très connu et je suis vraiment chez moi. Ainsi, je me suis dit que si je dois aller, je ne peux aller que vers le RPM de Mopti. J’y ai été, ils m’ont reçu avec tous les égards. Je pense que je dois être utile là-bas.
Aujourd’hui nous savons que le RPM, en sa qualité de parti au pouvoir, est très mouvementé. Quelle lecture faites-vous de votre avenir politique dans un tel contexte ?
Je ne vais pas me mêler de débats de soutien à telle ou telle clan. J’ai très peu de rapport avec les dirigeants nationaux du RPM. Je me contente de travailler étroitement avec les gens de Mopti. Je ne souhaite pas devenir président du RPM. Je ne souhaite même pas entrer dans le Bureau politique national. Pour le moment, je m’impose à Mopti si je peux me faire respecter et travailler en bonne phase avec les gens de Mopti, c’est le plus important pour moi. Ce qui est sûr, j’ai toujours été indépendant dans ma vie politique. Je me suis toujours donné les moyens de mon indépendance. Parce que je ne suis pas assoiffé des postes politiques. Car j’ai toujours eu l’occasion d’en avoir. Je me bats sur le plan professionnel pour pouvoir maintenir mon indépendance. Je viens au RPM, pas pour des postes de responsabilités. Mais pour mon affection pour le Président IBK. Je voulais rappeler que mon apport dans son élection à Mopti est indéniable. Malgré cela, depuis son accession au pouvoir, nos regards ne se sont jamais croisés. Parce que pour moi, je ne l’ai pas soutenu pour venir retirer de dividendes.
Est-ce à dire que vous n’avez pas peur d’être qualifié de ‘’chasseur de primes’’ par l’opinion publique ?
Non ! Les Maliens sont ce qu’ils sont. Quelque soit ce que vous faites, les gens vous trouveront toujours suspect. Parce que c’est la tendance générale. La plupart des gens ne viennent en politique que pour des postes. Mais ceux qui connaissent mon parcours savent que même à un moment où j’étais beaucoup moins fort, j’ai eu beaucoup d’occasions d’avoir des postes que j’ai refusées. Sous ATT, tout le monde sait les raisons de mon départ, parce que j’ai toujours voulu rester indépendant et agir selon ma conscience. Mais je ne me suis jamais asservi à quelqu’un. Même aujourd’hui ce sera la même chose. IBK, je suis venu dans son parti par reconnaissance pour le soutenir, mais je ne ferai jamais le griot de quelqu’un. J’agirai toujours selon ma conscience. Ce que je trouve bon, je l’approuverai, mais je ne me mettrai jamais à jouer au griot et à dire des choses qui ne vont pas dans le sens de mes convictions. Je me donne les moyens de garder mes convictions parce que j’ai appris à me contenter du peu que je peux gagner dignement. Sur ce plan, je peux vous assurer que je ne vais pas changer d’un iota.
Vous avez tantôt souligné votre apport dans la renaissance de l’Adema à Mopti, est-ce à dire que votre départ est synonyme de son déclin ?
Laissons le temps au temps. Je pense que mon arrivée à l’Adema à Mopti n’est pas passée inaperçue. J’étais le principal animateur de l’Adema dans le cercle de Mopti. Je n’ai pas quitté l’Adema par ressentiment. Mais beaucoup de gens m’ont déjà suivi et beaucoup de gens sont prêts à me suivre. En clair, mon départ ne sera pas sans conséquence pour eux à Mopti.
Interview réalisée par Oumar KONATE