Tout naturellement, Ibrahim Boubacar Keïta sera candidat à sa propre succession à la magistrature suprême en 2018. Que Dieu lui prête longue vie pour ce faire. Un sage président africain avait coutume de dire qu’on n’organise pas les élections en Afrique pour les perdre. Dans le contexte politique de notre continent, cette conviction semble justifiée quand on sait que lorsqu’un président africain est candidat à sa propre succession, il est de règle qu’il y arrive. Certes, les moyens pour réussir cette fin sont multiples et variés.
Le président malien IBK va-t-il réussir son pari à l’image de la presque totalité des chefs d’Etat africains ? A moins d’être charlatan sinon, il n’est pas déjà judicieux d’épiloguer sur une telle éventualité en République du Mali. La seule certitude aujourd’hui, c’est que le président malien a déjà pris la température du match politique de juillet 2018. Il n’échappe à personne que pour avoir servi Alpha Oumar Konaré (AOK) en sa qualité de Premier ministre durant 6 longues années, IBK a eu le temps et les circonstances d’apprendre les manœuvres divisionnistes d’AOK en vue de se maintenir aux affaires contre vents et marrées.
Nous avons toujours en mémoire que l’ancien président Alpha Oumar Konaré, par l’entremise de ses apprentis sorciers, devins et opportunistes de tout acabit, a pratiqué dans notre pays la fameuse politique chère aux Anglais à savoir «divid to rule» (diviser pour régner). C’est ainsi que les différents partis politiques qui avaient pouvoir de nuisance ont vu leur sort scellé par leur émiettement progressif en de petits partis qui n’ont d’autres choix que de jouer aux manœuvres politiciennes de Alpha- président. Son élection pour son deuxième mandat à la tête du pays s’est déroulée dans des conditions peu recommandables.
L’on rappelle par exemple qu’un Collectif des partis politiques de l’opposition (COPPO) s’était constitué pour dire non à la gestion calamiteuse d’Alpha Oumar Konaré. Son Premier ministre, d’alors en la personne d’Ibrahim Boubacar Keïta (aujourd’hui président de la République du Mali), prêt à exécuter les décisions sans discernement, a pris sur lui la responsabilité de boucler pratiquement tous les chefs du COPPO en vue de les réduire au silence.
Pour mettre le vernis «démocratiste» à son élection, Alpha a tout simplement déniché du PUDP (Parti pour l’union, la démocratie et le progrès) feu Mamadou dit Maribatrou Diaby, cet analphabète politique pour l’accompagner sur la liste de candidature en vue de sa réélection. Du coup, les syndicats, au moyen de la corruption et de la délation des chefs syndiqués, se sont fragmentés en miniatures. La conséquence immédiate a été la phagocytose du monde syndical.
Bref, Alpha Oumar Konaré, par la phagocytose des PSPR (Partis signataires du pacte républicain) et des syndicats, est parvenu à se maintenir aux affaires à la faveur de son illicite élection de 1997.
Ibrahim Boubacar Keïta, aujourd’hui président de la République, en bon élève de Alpha, va-t-il appliquer cette fameuse leçon anglaise de ‘’diviser pour régner’’ ? Rien ne nous permet aujourd’hui d’écarter cette éventualité tant il est de plus en plus évident qu’IBK n’est plus sans savoir que les Maliens qui l’ont élu à 77,66% des suffrages exprimés sont déjà lamentablement déçus de ses prestations. Cela est d’autant exact que le mieux être tant attendu par les masses laborieuses de notre pays se fait de plus en plus cruellement attendre, surtout sans la moindre perspective d’en sortir pendant ce premier mandat qui se trouve déjà à mi parcours.
Un proverbe de chez nous dit que ‘’la nuit qui doit être agréable s’annonce depuis le crépuscule’’. Nul doute qu’IBK a déçu la quasi-totalité de ses concitoyens. Quelle carte lui reste-t-il donc à jouer face à son saut dans l’inconnu de 2018 ?
IBK à la manœuvre konaréenne pour régner en maître absolu
Visiblement, il ne peut que mettre en pratique la fameuse leçon de son président Alpha Oumar Konaré qui consista à mettre les partis politiques et même les citoyens sincères dos à dos pour tirer son épingle du jeu et cela aux dépens de tout comportement responsable et démocratique.
En tout cas, le parti FARE (Forces alternatives pour le renouveau et l’émergence) Anka wili de Modibo Sidibé et le Parti socialiste (PS) Yélen- Coura d’Amadou Koïta ont déjà pris leur distance vis-à-vis de la marche qui se voulait unitaire de l’opposition du 21 mai dernier. Et si demain le président IBK faisait appel au PARENA pour l’aider à gérer les affaires ? Il y a fort à parier que le président réélu de ce parti, en la personne de Tiéblé Dramé, va se métamorphoser en défenseur averti de l’action gouvernementale. Comme le ridicule ne tue plus au Mali !
Une partie de l’ADEMA étant déjà blottie entre deux chaises peut glisser dans la majorité présidentielle avec le slogan ‘’Pour la cohésion nationale’’. L’URD (Union pour la république et la démocratie) de Soumaïla Cissé se verra déplumé de ses combattants intrépides dans la course pour Koulouba (quand bien même, à mi chemin de son mandat, IBK n’a toujours pas déménagé au palais présidentiel).
D’autre part, force est de rappeler, hélas, que les «démocrates» maliens ont réduit notre peuple en une masse de personnes sensibles à la seule politique du ventre. Cela est d’autant plus visible dans notre pays que de nos jours, pratiquement tous les Maliens (hommes et femmes, filles et garçons, jeunes et vieux) se sont rabougris en de misérables chercheurs de la pitance quotidienne de quoi faire bouillir les marmites dans les foyers.
Face à cette misère populaire de plus en plus humiliante, IBK peut facilement se garantir le deuxième mandat à la tête du Mali, mais à condition de tendre l’appât irréfutable des billets de banque aux citoyens qui n’ont plus d’autre choix que de vendre leur conscience aux plus offrants. Tant pis si le peuple doit rester dans le labyrinthe de la misère et de l’humiliation séculaire !
Enfin, l’autre carte probable aux mains du président IBK est et reste la problématique du retour d’ATT non pas pour qu’il revienne se remettre en selle, mais pour lui faire éviter les mailles de la justice malienne. Cette carte ne peut pas ne pas arranger le président fuyard coupable de haute trahison de notre peuple travailleur.
L’on ne peut s’empêcher de rappeler à ce niveau qu’ATT a laissé délibérément entrer sur notre sol des combattants venus de Libye avec armes et munitions, sans oublier les centaines de fûts d’essence auparavant enfouis dans le sable du désert malien.
En tout cas jusqu’à demain, le peuple ne sait pratiquement rien ni de l’identité de l’avion calciné au Nord ni de son contenu (les enquêtes étant toujours en cours), cet avion que certains ont dénommé ‘’Air Cocaïne’’. Mieux, nos soldats ont été victimes de boucherie à Aguelhok sans que suite n’y soit donnée par ATT. Leur cause inspirera toujours notre armée. ATT ayant impliqué bien de politiciens dans son aventure politicienne et dans sa gestion calamiteuse des affaires, ceux-ci pourraient constituer une force sur laquelle IBK peut compter pour ne pas perdre la face lors des joutes électorales de 2018. Sans oublier un seul instant que sur la scène politique gisent dans l’ombre les pêcheurs en eaux troubles. Et qui dit que c’est le bonheur du peuple malien que l’on cherche par le biais de la «démocratie malienne» !
Mais ce que l’on oublie si dédaigneusement, c’est que le peuple est toujours capable de générer des hommes et des femmes pour le sauver de l’effondrement. Aussi, faut-il se rendre à l’évidence que Dieu ne dort pas et qu’il ne peut porter au cœur nos vampires de la politique dont le seul gage est de se nourrir du sang de notre peuple travailleur. C’est dire, n’en déplaise aux innombrables politiciens sangsues de notre pays, que la roue de l’histoire tourne et que notre jeunesse est de plus en plus à l’écoute du président feu Modibo Keïta qui enseigne à la postérité : «Lorsque les vrais propriétaires deviennent des spectateurs, c’est le festival des brigands.»
Fodé KEITA