Finalement le gouvernement malien et les groupes armés, après moult tergiversations, se sont mis d’accord sur les modalités pratiques de mise en place des autorités intérimaires. Et si les membres du comité se sont réjouit de l’adoption de la mesure qu’ils qualifient d’ « avancée significative dans le processus de paix », l’opposition malienne, des élus des régions nord du pays, la société civile malienne et bon nombre d’observateurs, estiment que cela constitue « un pas de plus » vers la partition du Mali. « Cette entente sur la mise en place des autorités intérimaires est une vraie bombe à retardement. Il n’y a absolument rien d’intérimaire dans la création de ces autorités. Le gouvernement récoltera ce qu'il est en train de semer », analyse un observateur avertit de la scène publique malienne.
La 9e session du Comité de Suivi de l’Accord, après deux reports, s’est finalement tenu les 13 et 14 juin 2016. A la clôture de la dite session, l’un des principaux points de discorde a été enfin levé. Il s’agit de la mise en place des autorités intérimaires. Le gouvernement malien et les groupes ont trouvé une entente sur les modalités pratiques de la mise en place des autorités intérimaires, du redéploiement des services déconcentrés de l’Etat ainsi que l’installation des chefs de circonscriptions administratives et du mécanisme opérationnel de coordination dans les régions de Tombouctou, Gao, Kidal, Taoudénit et Ménaka.
Un calendrier a été ainsi dégagé pour sa mise en œuvre. Cela débutera le 15 juillet et prendra fin le 25 Août 2016. Pour assurer le fonctionnement de ces autorités intérimaires, les parties ont convenu de mobiliser des dotations spéciales, sous forme de subventions, dons et legs. Selon le communiqué de l’entente, à cette fin, le Gouvernement, la Plateforme et la Coordination organiseront, immédiatement après la signature de l’Entente, une réunion conjointe avec les Partenaires techniques et financiers (PTF).
Dans les régions de Tombouctou, Gao, Kidal, Taoudénit et Ménaka, les Autorités Intérimaires disposent également des dotations 2016 du Fonds National d’appui aux collectivités territoriales (FNACT). Le Président de chaque Autorité Intérimaire est l’ordonnateur du budget de la collectivité territoriale concernée. Le comptable public de la collectivité territoriale est l’agent compétent du trésor public. Il sera, aussi, affecté à chaque collectivité territoriale un délégué du contrôle financier de l’Etat.
Des observateurs s’interrogent pourquoi l’Etat malien a privilégié l’installation d’autorités intérimaires au détriment d’une large concertation nationale stipulée dans l’accord. Un choix qui, de leurs avis, consacrent, de facto, la partition du pays. « La partition plane sur le pays. C’est une prime aux rebelles, les membres des autorités intérimaires, qui auront un pouvoir d’influence énorme, car au nord tout est devenu tribaliste.
L’injustice et la sous-représentassions de la minorité contre la majorité des populations restent intactes. Conséquences imprévisibles !!! », analyse M. Diagayété, un animateur du forum Malilink qui ne comprend pas, aussi, pourquoi on « favorise la mainmise des groupes rebelles illégaux et armés au détriment d’une Conférence nationale d’Entente ». « Cela est pourtant prévue dans le même Accord et serait beaucoup plus représentative de la société malienne. Les parties signataires ne parlent même pas de cette Conférence comme la prochaine étape à venir. Cette entente sur la mise en place des autorités intérimaires est une vraie bombe à retardement. Il n’y a absolument rien d’intérimaire dans la création de ces autorités. Le gouvernement récoltera ce qu'il est entrain de semer », laisse-t-il attendre.
L’installation de ces autorités intérimaires, depuis en l’étape de projet, est décriée par une frange importante de la société malienne dont l’opposition et le collectif des élus du Nord. L’adoption du projet de loi, en mars dernier à l’Assemblée nationale, a été très houleuse. Certains députés ont failli, d’ailleurs, en venir aux mains et la loi fut adoptée en l’absence de l’opposition parlementaire qui a tout simplement quitté la salle au moment du vote. Selon l’opposition la mise en place des autorités intérimaires comportent les germes de la « partition du pays ». « La loi consacrerait non seulement une violation flagrante de la Constitution malienne mais aussi serait un pas de plus vers la partition du pays. »
D’ailleurs, juste après le vote de la loi, une plainte sera déposée par l’opposition au niveau de la Cour Constitutionnelle afin d’annuler la loi portant sur les autorités intérimaires. Même si l’opposition a été déboutée par les sages de la Cour Constitutionnelle, les travaux du Comité de suivi de l’accord d’Alger ont été fortement perturbés par cette requête. Des élus du Nord, aussi, ont bruyamment contesté cette loi sur les autorités transitoires. Selon eux, cela « donne des pleins pouvoirs aux groupes armés de désigner des autorités transitoires ».
Madiassa Kaba Diakité