En France, où il se trouvait en visite officielle, le président nigérien, Mahamadou Issoufou, dont on connait le franc-parler piquant, a une fois pointé du doigt sur les graves connexions entre certains groupes armés et les terroristes qui constituent une grosse menace dans le Sahel. Ce n’est pas la première fois que le chef d’État nigérien monte au créneau sur le sujet sensible du terrorisme dans la région, mais cette fois-ci, l’accusation dont il se fait écho contre les groupes armés doit alerter la communauté internationale. Décryptage…
Si ce n’est pas lui en personne, le président du Niger, Mahamadou Issoufou, c’est son ministre des affaires étrangères, le très bouillant Bassoum, qui dit ses quatre vérités sur le terrorisme violent et meurtrier qui menace la sécurité de la sous-région. Ce n’est donc pas la première fois que le président nigérien, Issoufou, monte au créneau pour dénoncer le péril djihadiste, ses connexions et ses ramifications mafieuses dont les conséquences désastreuses vont au-delà des frontières closes de nos pays pour constituer véritablement une poudrière à l’intérieur de chacun de nos États, pris individuellement, si des moyens plus adéquats et plus opérationnels ne sont pas lancés par la force française, Barkhane, qui a pris la relève de l’opération serval, pour sécuriser les zones aussi vastes qu’infinies, comme le grand sahel.
Fidèle à son style, à son ton, depuis la France, où se trouvait en visite officielle, le président nigérien, avant-hier, en conférence de presse conjointe avec son homologue français, François Hollande, n’a pas mâché ses mots : Nous sommes face à des difficultés de mise en œuvre de ces accords de paix et malheureusement des mouvements armés, on le constate, ne jouent pas toujours le jeu de la paix », a dit le président du Niger selon qui il y a des complicités entre certains de ces mouvements et les terroristes d’AQMI, d’Ansar Dine, d’Al Mourabitoune et autres ». Tel, un couperet, le mot est lâché : il y a de grosses connexions dans le nord du Mali entre des groupes armés, qui ont pourtant signé l’accord de paix, et les groupes terroristes qui, de plus en plus, intensifient les attaques violentes et meurtrières contre les positions de l’armée et les forces de la Minusma.
Cette grosse accusation du président nigérien, contre certains mouvements armés, jouant les bons samaritains dans le processus de paix, n’est pas un cas isolé. Eh bien ! Elle intervient dans un contexte trouble, sur fond de grosse suspicion, entre les différentes parties concernées au processus de paix, d’autant que la même accusation, grave et répétitive, avait été également formulée contre les mêmes mouvements armés par des officieux français, il n’y a pas encore longtemps. Mieux, plus précise et plus ciblée, le chef d’état-major du contingent de la Minusma s’était fait des mêmes échos, en pointant littéralement le doigt sur des groupes armés, signataires de l’accord de paix, qui étaient bel et bien en connivence avec les groupes terroristes. L’officier supérieur des forces internationales, en mission de stabilisation au Mali, sait bien ce qu’il dit, en formulant une accusation aussi grave contre les mouvements armés qui visiblement apportaient une assistance bien réelle aux groupes terroristes et djihadistes, lesquels ont intensifié, ces derniers temps, les attaques meurtrières contre les convois de l’armée malienne et du contingent de la Minusma, causant plusieurs victimes militaires et même civiles, dans plusieurs localités des régions nord du pays, voire même du centre ou du sud. Avec à la clef, une sophistication des raids meurtriers, toujours accompagnés d’explosion d’engins et embuscades.
Certes, l’une des composantes de ces groupes armés, très actives dans la zone de Kidal, à savoir le HCUA a aussitôt réagi à ces accusations de connexion avec les groupes terroristes, mais il est évident qu’à partir de la manière dont les convois militaires sont violemment accrochés, nul ne doute, parmi les experts militaires sur le terrain que ces groupes terroristes bénéficient de graves complicités au sein des groupes armés, lesquels les fournissent régulièrement les renseignements sur les sorties des convois militaires, les itinéraires suivis et la spécificité des missions en cours.
En tout cas, le président nigérien, qui a fait cette fracassante déclaration devant son homologue français, ne s’attend à rien d’autre de la part de la communauté internationale, notamment de la France, qu’au renforcement du dispositif de l’opération de Barkhane sur l’ensemble du Sahel en vue de mener efficacement la lutte contre les groupes terroristes, notamment le groupe Boko Haram, dont on avait de lui, en début d’année, qu’il était en perte de vitesse, mais qui s’est illustré, ces derniers, par des raids violents et meurtriers dans ce pays. Pour toutes ces raisons et pour beaucoup d’autres, le président Mahamadou Issoufou considère, à juste raison, que cette organisation terroriste et djihadiste qu’est Boko Haram consistue une véritable menace aujourd’hui pour la région du Sahel. Si dans l’entretien entre le président Hollande et son hôte du Niger, la situation sécuritaire du Mali s’est invitée dans le débat, c’est bien à cause de l’inquiétude du président nigérien sur le processus de paix. Un an après la conclusion d’un accord de paix, censé permettre le retour de la stabilité au pays, l’inquiétude et l’incertitude planent toujours quant à l’effectivité de l’accord de Bamako. Sa mise en œuvre, comme l’a révélé, à Paris, le président nigérien, est quasiment au point mort. Au cœur de la polémique : les graves accusations contre certains groupes armés, signataires de cet accord de paix, qui n’hésitent pas à faire allégeance avec les groupes terroristes. Il s’agit là d’une véritable menace contre la stabilité du pays et même contre la sécurité dans la sous-région.
Face à ces accusations, pour le moins ciblées, dont certaines grandes personnalités politiques, au-delà des officiers militaires, se font de plus en plus échos, à commencer par le président Mahamadou Issoufou, l’Onu, dont les regards sont rivés, ces derniers temps, dans la perspective du renouvellement du mandat de la Minusma (qui doit intervenir en fin de ce mois de juin), doit littéralement prendre ses responsabilités pour que le processus ne dérape pas par tant d’atermoiements et de connexions avec les groupes terroristes de la part de ceux-là mêmes qui sont censés poursuivre les efforts en faveur de la paix dans le pays. Pour la stabilisation du pays, à travers la Minusma, l’Onu a régulièrement prévu des sanctions contre les acteurs qui se rendent coupables d’actes hostiles à l’endroit du processus de paix en cours. Depuis, plusieurs années que ces résolutions onusiennes existent dans le cadre de la stabilisation du pays, ces mesures de prévention sont restées toujours lettres mortes. Les accusations de grosses connexions entre certains groupes armés, signataires de l’accord de paix, et les groupes terroristes, ennemis déclarés de ce processus de paix, ne pouvaient pas donc mieux tomber, en ce sens que le conseil de sécurité de l’Onu, dans l’intervalle de quelques seulement, aura à se prononcer sur la situation sécuritaire du pays. Une franche opportunité, pour elle, pour sauver la cause de la paix, d’assumer ses responsabilités face à ces nombreux obstacles perpétrés contre la paix.
par Sékouba Samaké