Que comprendre après toutes ces énergies inutilement dépensées le long de la procédure de gestation et d’adoption de la loi sur les autorités intérimaires, si finalement c’est par une ‘’entente’’ que la situation pouvait être débloquée ? Mais le problème n’est pas de s’entendre pour débloquer la mise en œuvre de l’accord, c’est de se mettre d’accord pour violer allègrement la loi qui a été adoptée par les élus de la Nation, le 31 mars, promulguée par le président de la République le 10 mai 2016, et qui a fait l’objet d’un décret d’application du 18 mai 2016 (Décret n°2016-0332 P-RM du 18 mai 2016 fixant les modalités de mise en place des autorités intérimaires dans les collectivités territoriales).
Après le n-ème blocage du Comité de suivi de l’accord (CSA), gouvernement malien et des groupes de la CMA et de la Plateforme, ont poussé leur prouesse, à l’érection d’une « ENTENTE Précisant les modalités pratiques de la mise en place des autorités intérimaires, du redéploiement des services déconcentrés de l’Etat ainsi que l’installation des chefs de circonscriptions administratives et du mécanisme opérationnel de coordination dans les régions de Tombouctou, Gao, Kidal, Taoudénit et Ménaka ».
Cette entente a été convenue entre le Gouvernement de la République du Mali, représenté par Hamadou KONATE, Ministre de la Solidarité, de l’Action humanitaire et de la Reconstruction des Régions du Nord, Vice-président du Comité National de Coordination de la mise en œuvre de l’Accord, d’une part, la Coordination représentée par Monsieur Sidi Brahim Ould SIDATT, et la Plateforme, représentée par Me Harouna TOUREH, d’autre part.
La présente Entente, selon ses dispositions, a pour objet de : « préciser les rôles et attributions des Autorités Intérimaires dans les régions de Tombouctou, Gao, Kidal, Taoudénit et Ménaka ; Mettre en place des collèges transitoires dans les nouvelles circonscriptions administratives ; préciser les modalités de mise en place des Autorités intérimaires, de l’installation des chefs de circonscriptions administratives, du redéploiement des services déconcentrés de l’Etat et du Mécanisme opérationnel de coordination dans les régions de Tombouctou, Gao, Kidal, Taoudénit et Ménaka.
Du coup, on peut s’interroger sur ce que devient le décret d’application de la loi sur les autorités intérimaires : Décret n°2016-0332 P-RM du 18 mai 2016 fixant les modalités de mise en place des autorités intérimaires dans les collectivités territoriales. Avec cette entente, on peut dire sans risque de se tromper que le gouvernement avale son chapeau, en ignorant superbement le décret présidentiel. La légalité a été sacrifiée par les parties dont le gouvernement au profit de la pression des groupes armés, toujours rehaussés et hissés à un niveau insoupçonné depuis la victoire qui leur a été offerte sur un plateau d’argent par l’ancien Premier ministre Moussa Mara, lors de sa visite hasardeuse à Kidal le 17 mai 2014.
Légalité sacrifiée
Le gouvernement de la République du Mali après concertation avec les groupes armés, a adopté le projet de loi portant modification de la loi n°2012-007 du 7 février 2012, modifiée par la loi n°2014-052 du 14 Octobre 2014, portant code des collectivités territoriales. Ce projet dit sur les autorités intérimaires sera adopté par l’Assemblée nationale lors de sa séance plénière du 31 mars, sans l’opposition qui a claqué la porte pour boycotter une loi scélérate qui ne fait qu’élargir le fossé entre différentes régions d’un même pays, mettant en cause la cohésion nationale.
En adoptant le projet, l’Assemblée nationale ne s’est pas privée d’y insérer sept amendements, supprimant l’article 2 du projet ainsi libellé: « Les modalités de mise en œuvre des Autorités intérimaires dans les collectivités territoriales, y compris les dispositions spécifiques relatives aux collectivités territoriales des régions de Tombouctou, Gao, et Kidal ainsi qu’à celle des régions de Taoudenit et Menaka à leur création, conformément à l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali, sont fixées par décret pris en Conseil des Ministres. »
L’opposition qui ne s’est pas limitée à claquer la porte lors du vote de cette loi a en outre saisi la Cour constitutionnelle aux fins de prononcer l’inconstitutionnalité. Le président IBK s’est empressé de la promulguer, sans savoir que les groupes armés l’attendaient de pieds fermes pour rejeter la nouvelle loi qui a été amputée de son article 2, une disposition qui leur était chère. C’est le blocage au Comité de suivi de l’accord (CSA).
La revanche des groupes armés
L’entente trouvée le mardi 14 dont le document a été expliqué par les parties, rappelle bien le projet de « Convention subsidiaire n°001-Coordination-Plateforme-Gouvernement relative à la mise en place des autorités intérimaires et au déploiement des services déconcentrés de l’Etat et des chefs des circonscriptions administratives dans les régions de Tombouctou, Gao, Kidal, Taoudénit et Ménaka », sorti du chapeau de Mohamed Ag Erlaf, ministre de la Décentralisation et de la Reforme de l’Etat, en avril 2016 (donc après l’adoption de la loi) mais que le gouvernement n’a pas validé, parce que faisant doublon avec la loi sur les autorités intérimaires.
La présente entente formulée dans le même esprit et presque de la même façon, sonne comme une revanche de Mohamed Ag Erlaf sur le gouvernement, éclaboussant et la loi et son décret d’application. Pour consolider la reprise du processus de paix, le compromis pour certains, et le déblocage selon d’autres, le ministre d’Etat algérien des Affaires étrangères Ramtane Lamamra, est attendu à Bamako, le week-end. Avec lui, Bilal Ag Achérif le chef de la CMA. La mise en œuvre de l’accord connaîtra des avancées significatives, certes, mais au bénéfice de qui ?
B. Daou