Le Président IBK qui doit rencontrer l’ex-Président ATT toujours en exil à Dakar, voilà qui devrait relever pratiquement du fait divers et traité comme tel dans les colonnes abyssales d’un journal. Mais bien au contraire, cette information aura produit un effet boule de tonnerre. Signe des temps ? En tout cas, le retour de l’ex-Président ATT au Mali, plutôt au Bercail comme disent ses ouailles du Pdes, est devenu comme une préoccupation majeure dans le pays.
C’est un passage obligé pour la réconciliation nationale, dit-on haut et fort pour convaincre de la pertinence de cette revendication. Car c’en est vraiment une, puisque l’Opposition l’avait inscrite en bonne place sur ses pancartes lors de sa marche pacifique du 21 mai 2016. Curieusement, la Majorité politique aussi en a fait son affaire, à telle enseigne que, finalement, on ne sait pas qui se préoccupe sérieusement du retour d’ATT au Mali et surtout qui y croit réellement et pourquoi.
De toute façon, ATT, un citoyen malien jouissant de tous ses droits – puisqu’il n’en a pas été déchu à ce jour- est libre de rentrer au pays. Et d’ailleurs, il a failli le faire récemment, après son déménagement du “Petit palais” de la République du Sénégal – où il était hébergé depuis son arrivée à Dakar – pour rejoindre une villa située au quartier des Almadies, en bordure de mer dans la capitale sénégalaise. Il avait fait ses bagages avant d’être finalement dissuadé par les autorités sénégalaises. Depuis lors, un intense ballet diplomatique est engagé sur le sort du plus célèbre émigré malien à l’heure actuelle.
Si c’était une stratégie pour attirer l’attention sur sa situation, elle a vraiment réussi car depuis lors les choses s’accélèrent. A longueur de journées, c’est ATT par-ci, ATT par-là. Tout se passe comme si on ne parle pas du même ATT qui avait quitté le pays avec la manière que tout le monde connaît, entouré par des diplomates en poste au Mali pour lui servir de bouclier, afin d’assurer son transfert de sa cache de la résidence de l’Ambassadeur du Sénégal au Mali vers l’aéroport Modibo Keïta où l’attendait l’avion de commandement du pays de la terranga affrété par Macky Sall.
Ce jour-là, ATT était comme un de ces émigrés en terre européenne que l’on encadre pour les besoins d’un rapatriement. En effet, tout se passait comme si ses millions d’adorateurs déclarés avaient subitement disparu, tant ils brillaient par leur silence et leur effacement. Certains, parmi les thuriféraires, ont été même aperçus à Kati en train de faire allégeance à la junte de Sanogo, s’ils n’avaient momentanément oublié ATT pour chercher une planque au niveau de la Transition.
C’est pour dire que le regain d’activisme noté ces derniers temps appelle quand même des réflexions car, en ce qui concerne le Général-président en exil, il y a encore des questions restées sans réponse. La plus importante, c’est de comprendre comment une icône de ce pays (avec ce que l’on sait de mars 1991), par la suite élu deux fois président de la République par la voie des urnes, pour deux mandats successifs dont le deuxième avec des résultats qui frisent un score soviétique, en plus un Général d’armée, donc censé avoir une parcelle d’influence sur les troupes, pouvait-il se retrouver si seul, sans aucun soutien, abandonné de tout le monde, aussi bien au niveau des forces armées et de sécurité qu’au niveau du peuple, au point de devoir fuir devant une horde de sous-officiers amenés par quelques officiers sac-à-dos? Il y a vraiment problème ! Où étaient ses nombreux pseudo amis identifiés tant dans les rangs de l’Armée que dans la vie civile et qui, du temps du règne du Général-Président ont bénéficié d’avantages jusqu’au niveu des marchés publics ?
Que diable ses “souteneurs” déclarés surgissent de nouveau de nulle part pour se mêler au tintamarre de l’actualité, c’est de bonne guerre si cela peut contribuer à alimenter une certaine nostalgie d’un passé récent, naturellement avec quelque gain politicien. On a l’impression que le retour d’ATT est subitement devenu un signe de rédemption pour une frange importante de la classe politique qui cherche un argument rassembleur pour espérer rebondir.
A l’Opposition comme à la Majorité, on se livre à ce jeu, faisant mine d’oublier que le gouvernement a enclenché une procédure judiciaire contre ATT et dont l’issue est encore attendue. La décence aurait en tout cas recommandé, au nom de la stabilité et de la réconciliation prônée, que l’on fasse table rase du procès contre ATT matérialisé autant par la saisine de la Haute cour de justice que par la fameuse antienne du genre : “Ceux qui étaient là avant nous… “ ou le refrain mal inspiré: “Après plus de dix ans de mauvaise gestion du pays”, etc…
En plus, ceux qui ont commis un crime imprescriptible aux yeux de la constitution malienne, notamment les auteurs du coup d’état ayant renversé le régime ATT, se la coulent douce pour la plupart d’entre eux, couverts par une amnistie imposée par la Cédéao. Et la victime, ATT, se trouve quasiment au centre d’un chantage…politique. Pourtant au Burkina Faso voisin, les populations ont dit non à une amnistie demandée par la Cédéao pour absoudre des putschistes et la classe politique, out comme la société civile s’est levée pour rejeter le putsch débile du Général Diendéré.
Au Mali, tout s’est passé comme s’il y avait une sorte de consensus au sujet de la rupture de l’ordre constitutionnel. Et maintenant, on encense ATT et on réclame à cors et à cris son retour. Eh oui ! Le serpent passe d’abord et on se met ensuite à taper sur ses traces. Pourtant, en ce qui concerne le statut d’ancien chef d’Etat, un débat est en train de se passer en sourdine : après avoir démissionné de ses fonctions, ATT a-t-il encore droit à tout ce que réclament ses “amis” en tant qu’ancien chef d’Etat ? Pour toutes ces raisons, il convient mettre de l’ordre dans le débat.
C’est d’autant plus vrai que le Président IBK a tenté de redorer le blason de son ” jeune frère ” ATT lors de la journée paysanne à Mopti. Auparavant, il l’avait qualifié de bâtisseur à Mopti. Mais cela n’avait rien changé dans la situation de l’ex-président de la République resté en exil à Dakar. Sans compter que, depuis lors, IBK n’a pas trouvé de solution au problème de la résidence d’ancien chef d’Etat pour ATT car celle préparée par l’intéressé a été récupérée pour devenir la “Maison des hôtes du Mali “. Alors que tels sont les préalables non posés et qui ont fait capoter la rencontre IBK-ATT prévue à Dakar.
ATT attend donc que des actes soient posés pour son éventuel digne retour, avec tous les honneurs “dus à son rang” comme disent “ses amis”. Ce jour-là, c’est un autre combat qui va commencer autour de la paternité de son retour devenu à l’heure actuelle un véritable fonds de commerce…politicien, aussi bien pour les autorités au pouvoir à la recherche d’un vaste front en vue de la réélection du Président IBK en 2018 que pour l’opposition politique qui cherche des symboles forts pour mieux s’affirmer. Il y en a aussi qui seraient tentés de se constituer en comité d’accueil de l’ex-Président, avec comme pancarte : “Honte à ceux qui ont fui pendant que le Mali brûlait “. C’est aussi leur opinion !Et si, en attendant, on prêtait autant d’attention aux dizaines de milliers de Maliens obligés de vivre sous des tentes, dans la faim et le dénuement, loin de leur pays pour fuir eux aussi sous la menace de l’insécurité ?
A.B.N.