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La démocratie malienne en crise : IBK et l’opposition en guerre
Publié le lundi 20 juin 2016  |  L’Informateur
Dialogue
© Autre presse par DR
Dialogue politique : IBK reçoit la Majorité et l’Opposition
Le Président de la République, Son Excellence Monsieur Ibrahim Boubacar KEITA, a rencontré ce 4 juin 2014, la classe politique malienne (majorité et l’opposition).




Le régime RPM du président Ibrahim Boubacar Kéita englué dans les difficultés de gestion, les querelles intestines et de leadership, a bien du mal à tenir le cap de la bonne gouvernance et à traduire en réalités palpables les promesses de campagne faites aux électeurs. Bref, il est presqu’à bout de souffle et a du mal à répondre à leurs desideratas, par-delà à ceux du peuple malien dans son ensemble. IBK a sans doute besoin de sang neuf au pouvoir, de la main tendue de l’opposition politique qui peut de manière providentielle le sortir de l’ornière des vains discours et des actes politiques majeurs manqués en participant, de tout son poids réel, avec ses pleines capacités, au sein d’un gouvernement d’union nationale. Ce n’est plus possible, vu la tension actuelle entre les deux camps.
Le peuple a plébiscité le candidat du RPM, Ibrahim Boubacar Kéïta en 2013 avec 77% de leurs voix, un score jamais atteint dans l’histoire de notre démocratie, pour qu’il restaure l’honneur du Mali, l’intégrité territoriale du pays et l’unité nationale en réduisant à merci les rebelles du septentrion. Si la paix a été finalement signée entre l’Etat et les groupes armés du nord, elle n’est pas effective, loin s’en faut ! Car l’insécurité est devenue permanente tant au nord qu’au centre et au sud où la capitale Bamako a subi des attentats jihadistes et vit dans la psychose, comme partout ailleurs.
Pourtant, des leaders de l’opposition avaient sonné l’alarme, en vain, depuis le début des pourparlers du gouvernement avec la rébellion touareg incarnée par le MNLA. Cette opposition, qualifiée de frileuse par les tenants du pouvoir, avait demandée à cor et à cri d’être impliquée dans les négociations. Ensuite elle avait dénoncé les dérives graves de cet accord déséquilibré en faveur de la minorité rebelle, porteur de dangers contre la cohésion et l’unité nationale. Ce fut en vain.
Cette tendance n’est pas nouvelle. Depuis son avènement à la magistrature suprême, les relations entre le président Ibrahim Boubacar Keïta, son régime et l’opposition malienne n’ont connu aucun état de grâce réel . Elles ont été dans le prolongement de la campagne des présidentielles et de l’atmosphère délétère de la proclamation des résultats du second tour de ces élections entre lui et son dauphin Soumaïla Cissé, candidat de l’URD et du FDR. On avait craint une sanction des urnes fortement contestée et une grave crise post électorale. Mais le fair play du perdant a finalement prévalu à la satisfaction générale. Un geste significatif et de haute portée politique unanimement salué par l’opinion nationale comme internationale.
Cette espérance d’une atmosphère politique décrispée, conviviale entre le chef de l’Etat, sa majorité et l’opposition attendue par les uns et les autres pour faire avancer le Mali dans la bonne voie n’a malheureusement pas tenu ses promesses. Bien au contraire on a assisté par la suite à une guerre des tranchées dans la classe politique profondément divisée entre tenants du pouvoir supposée aux ordres et une opposition esseulée, se sentant marginalisée sinon méprisée par le fait du Prince de Sébénicoro et les thuriféraires insatiables de son régime inclinant vers le culte de le personnalité.
Une tendance due sans doute à la conception ibékiste du pouvoir naturellement autoritaire qui, du temps où il était premier ministre du premier président de l’ère démocratique Alpha Oumar Konaré, en arrivant à bout de la chienlit généralisée, avait déjà consacré le mythe de l’homme providentiel. Un phare politique à poigne, éclairé et de défi, ayant une haute perception des réalités politiques et sociales, pour qui aucune difficulté n’était insurmontable s’agissant du Mali et de son peuple.
Cela ajouté à sa trajectoire politique considérable explique grandement cette adhésion unique dans l’histoire du Mali démocratique, cet attachement à la personnalité d’un leader politique et à son projet de société et le ras de marée électoral qui s’en suivit avec son triomphe par près de 80% des voix au second tour de la présidentielle. Un score que Soumi Champion et l’URD ont contesté avec véhémence, comme le FDR qui l’a expliqué dans une conférence de presse par une fraude à grande échelle menée selon un système machiavélique. Cela n’a pas convaincu, car tous les observateurs avaient vu un scrutin sincère, équitable et transparent.
Mais ce n’était pas d’une fracture politique irrémédiable que le peuple voulait, au contraire de certains des deux camps. Dans son meeting final de campagne sur le Boulevard du peuple, le président Ibrahim Boubacar Keïta ne s’était pas privé de répéter malicieusement, avec le sourire : « Nous ne sommes pas en guerre. Ce n’est pas la guerre » !
Pourtant, des deux côtés on n’allait pas se priver d’entretenir les foyers de tension. Le peuple qui avait élu Ibrahim Boubacar Keïta comme les électeurs et les partisans de l’opposition significative voulaient effectivement une démocratie civilisée, conviviale et apaisée. Mais des ténors, pas des moindres, ne se privaient pas de jeter de l’huile sur le feu de la bienséance politique. Comme l’inévitable Keïta dit PPR (Prêt Pour la Révolution), secrétaire général du Paréna qui, dans des contributions écrites au vitriol ou dans des apostrophes violentes en public, incendiait le pouvoir et ses tenants sans distinction. De l’autre côté, des ouvriers de la 25ème heure au RPM se faisaient un honneur de leur apporter la contradiction dans des termes à peine moins violents. Ainsi, il est arrivé que toute la direction du parti d’Ibrahim Boubacar Keïta se mobilise pour se fendre d’une mise au point tout aussi irrespectueuse, en guise de réponse du berger à la bergère à Tiébilé Dramé, président du parti du bélier blanc, compagnon de route inséparable de PPR. On se souvient de l’affaire du « petit monsieur » exprimant tout le mépris du chef de l’Etat, de retour de son voyage à Paris, envers l’opposition à travers Tiébilé Dramé, président du Paréna. Aussi de la sortie malheureuse, à travers un communiqué du secrétaire général du RPM, Tréta sommant le chef de file de l’opposition Soumaïla Cissé de l’URD en butte à de graves accusations du journal sénégalais l’Observateur de détournement de 27 milliards de l’UEMOA de s’expliquer.
Mais il faut convenir que l’opposition malienne, de son côté ne manquait aucune occasion de dénoncer et fustiger violemment les erreurs de gestion de la majorité et de son gouvernement, laissant IBK et son régime dans une éternelle posture défensive. La dernière tentative de rapprochement entre elle et la majorité présidentielle, sur l’initiative de Tiébilé Dramé, a été malheureusement un feu de paille.
Inutile de dire que cette guéguerre persistante déteignait et déteint encore sur les affaires de la nation, en conséquence, avec la volonté du président de la république de ne pas utiliser les experts incontournables de Tiébilé et autres hommes ressources remarquables de l’opposition dont les connaissances et avis font notoriété, dans le processus de négociation de la crise du nord et des pourparlers inclusifs inter maliens de paix d’Alger, comme dans la résolution de la crise économique qui accable le pays, singulièrement les couches les plus vulnérables de la population en majorité . De leur point de vue, le président de la république et sa majorité ne pouvaient pas accepter la fuite en avant et le diktat de l’opposition, donnant par une surenchère constante l’impression de vouloir gouverner à la place des détenteurs légitimes du pouvoir, en faisant à tout bout de champ leur procès qui nécessairement devait déboucher sur un verdict défavorable et sans appel. Ceci explique donc cela.
L’on se souvient du terrible bras de fer entre le pouvoir et l’opposition demandant la démission du gouvernement et la tête du premier ministre Moussa Mara, coupable d’avoir osé entreprendre le voyage de Kidal occupée par le MNLA et du clash de la motion de censure à l’Assemblée nationale. Depuis lors les critiques contre IBK et le pouvoir n’ont pas désemparé. Il faut toutefois reconnaitre qu’ils ont prêté grandement le flanc, avec les affaires de l’avion de commandement présidentiel et des surfacturations à dizaines de milliards de marchés de gré à gré militaires dénoncés par les médias, qui ont conduit le FMI et la Banque Mondiale à geler leur coopération avec le pays. « C’est la première fois qu’un tel désaveu se passe. C’est un camouflet et une punition pour la mal gouvernance et ceux qui dirigent ce pays et le conduisent irrémédiablement au gouffre », tel est le constat dont se sont délectés l’opposition et ses chefs de file. Ces derniers sur leur lancée ont exigé d’être consultés sur les pourparlers de paix, le Mali appartenant à tous. Dans le même temps, la majorité présidentielle forte de 65 partis n’arrivant pas à remplir au CICB un amphithéâtre de 2000 places et croyait être autorisée, par la voix de son président Boulkassoum Haïdara, à se démarquer des cadres du pouvoir présumés trempés dans des malversations controversées, parce que restant à prouver sur la foi de deux audits contradictoires du Vérificateur général et de la Cour Suprême qui n’arrivent pas aux mêmes conclusions, s’agissant de ces affaires qui relèvent du secret défense et de la souveraineté de l’Etat malien.
De quoi donner du grain à moudre au moulin de l’opposition. Qui n’allait pas tarder à être renforcée dans ses positions par un autre gros scandale de corruption, celui des engrais frelatés distribués pour la campagne agricole dans lequel était présumé impliqué à l’époque Tréta, le ministre du développement rural, membre du triumvirat du RPM, le parti présidentiel.
Le contexte n’était pas favorable à IBK pour tendre la main à cette opposition frondeuse qui a fait sienne « la mauvaise foi qui est la chose la mieux partagée en politique », comme l’a indiqué un proche de Koulouba sous le sceau de l’anonymat.
Une occasion idéale que n’ont pas ratée ses contradicteurs patentés qui ont joué sur les humeurs du chef de l’Etat qui n’aime pas être trimballé. En fait, Le président Ibrahim Boubacar Keïta constamment sur la défensive, quelque peu déstabilisé et sa gouvernance furent copieusement houspillés par la dialectique implacable des Tiébilé Dramé, PPR, Soumaïla Cissé, polémistes redoutables, motivés pour tailler dans le vif et régler leurs comptes. D’où l’agacement du président de la république qui n’aime pas la contradiction La grande marche, réussie de l’opposition démocratique et républicaine renforcée par des centaines d’associations de la société civile en a rajouté à sa fureur et son amertume. En l’occurrence, il reste convaincu qu’il n’a pas de leçons à recevoir, surtout venant de ceux qu’il a copieusement battus il n’y a pas encore longtemps et qui s’évertuent à voir du noir partout en occultant les l’immensité de la tache, ses difficultés et le chemin parcouru.
Mais cette attitude farouche et unilatérale des deux côtés est vaine à tous égards. Car elle est contre l’ouverture politique et les intérêts du pays. Bien avant, lors de son dernier voyage dans le pays profond, son terroir de Koutiala, le président de la république avait été pourtant illuminé par l’inspiration.
L’opposition au cours de cette expédition avait eu droit, sur invitation d’Ibrahim Boubacar Kéïta, à un entretien à huis clos au cours duquel des problèmes essentiels de la nation ont été abordés, en attendant des concertations plus étroites et approfondies au retour à Bamako. C’était certainement pour formaliser une entente cordiale au bénéfice du Mali et des populations fortement éprouvées. Hélas! Ensuite, la crise et les incompréhensions ont redoublé. L’on attendra encore pour un gouvernement d’union nationale, particulièrement indiqué dans un pays instable et en crise accablé par les urgences et les défis.
Oumar Coulibaly
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