Le bandit armé qui se croyait en mission divine voit désormais ses carottes cuites. Lui qui régnait sur les deux tiers d’un pays ne se sent même pluys en sécurité dans un trou à rat. Le sort est bien cruel…
Le chef rebelle d’Ansar Dine, Iyad Ag Ghali, passe en ce moment un sale quart d’heure. Quand on connaît à peine une sourate du Coran et qu’on s’autoproclame prophète, on finit toujours par récolter de lourdes tuiles sur le crâne.Surtout si le prétendu prophète prétend islamiser des musulmans, c’est-à-dire réinventer la roue.
Iyad, jusqu’à ce qu’il s’empare du nord-Mali, n’a jamais craché ni sur une belle cuisse (hum !), ni sur une bonne bouteille de vin (hé, hé!) ni, encore moins, sur l’argent des rançons d’otages. Lève-tard chronique, il ne faisait jamais la prière de l’aube. Il a poussé la foi et la piété jusqu’à ravir l’épouse légitime du colonel-major El-Hadj Gamou, son frère en islam (excusez du peu). Comme, malgré ces joyeusetés, la terre ne s’est point dérobée sous ses pieds, le bonhomme a fini par croire qu’Allah lui pardonne tout et qu’il pouvait installer tranquillement un émirat islamiste (je ne dis pas islamique) sur la bonne vieille terre musulmane du Mali. En fait d’émirat islamiste, d’ailleurs, Iyad n’a que trois outils de gouvernement: le sabre, le bâton et la pierre. Le sabre pour amputer mains et pieds à ses sujets voleurs; le bâton pour administrer une fessée aux fumeurs et amateurs de musique; la pierre pour lapider les couples adultérins. Le plus drôle, c’est qu’en 9 mois de règne au nord, l’émir ismamiste local n’a pas daigné construire une seule mosquée alors que les fonds ne lui manquaient point: l’argent de la cocaïne, des rançons et des banques maliennes pillées suffisait largement à payer du ciment; quant au sable, c’est bien évidemment gratuit au nord. Au lieu de construire des mosquées, le compère s’est plutôt attaché à démolir les mausolées et autres vieilles mosquées de Tombouctou. Il a même saccagé le Centre Ahmed Baba, oubliant qu’Ahmed Baba était déjà un érudit en islam avant qu’on ne parle, sur la terre, de talibans, de Mollah Oumar, de Ben Laden et d’autres bandits du genre. On aurait pu croire qu’avec un butin colossal comme les deux tiers du territoire malien, Iyad s’estimerait satisfait et s’attelerait à fonder les institutions de son émirat. Mais voilà: il voulait autre chose. Il rêvait de mettre la main sur les femmes, les boeufs et les voitures du sud. Il avait entendu dire, par exemple, qu’à Koulouba et Kati, circulaient des millions de dollars et que dans la ville de Bamako, il y avait 6000 otages français à ramasser. Au tarif usuel de 5 millions de dollars l’unité, les 6000 otages auraient rapporté à l’émir 30 milliards de dollars, chiffre inconvertible en CFA puisque cela tournerait autour de 15 000 milliards ! Avec une telle moisson de billets, Iyad n’aurait pas eu besoin de conquérir la Guinée voisine par la force: vu que le franc guinéen ne vaut que le tiers du FCFA, l’émir pouvait tout bonnement acheter ce territoire pauvre et non électrifié. Quant au Sénégal, à la Mauritanie et à la Côte d’Ivoire, deux colonnes de BRDM conduits par Abou Zéyd et Belmokhtar les auraient occupés sans peine. Enfin, Iyad aurait pu négocier avec Paris le sort du Niger en mettant le marché suivant dans les mains de François Hollande: « Prenez l’uranium d’Imouraren et d’Arlit et foutez la paix à mon émirat ! »
Voilà ce dont Iyad rêvait nuit et jour. Il n’a jamais douté d’arriver à ses fins. Il savait, en effet, que la CEDEAO n’a jamais eu de « force en attente » et qu’elle n’a même pas les moyens de payer le voyage de 20 ânes au Mali. Quant à la France, avec la fermeture de ses usines, ses banques sinistrées et ses finances en chute libre, elle ne prendrait pas le risque de se jeter dans une nouvelle guerre après les sanglantes avanies subies en Afghanistan.
Tout emporté par ses élans de conquête, notre ami Iyad avait oublié que les malédictions des saints dont il a détruit les tombes ne pardonnaient pas. N’ayant lu du Coran que la couverture, il ne savait pas que Dieu répondait sans délai à la plainte des personnes opprimées comme ces pauvres femmes violées ou mariées de force aux combattants d’Ansar Dine. Il oubliait enfin que Dioncounda Traoré, l’homme qui dirige le Mali, a une baraka hors du commun. Eh oui, il faut beaucoup de baraka pour ôter le pouvoir des mains de ceux qui ont renversé le « Vieux Commando » puis sortir vivant de la franche bastonnade administrée par une foule en folie et revenir siéger à Koulouba! Il faut enfin de la baraka pour obtenir, sur un simple fax, le débarquement d’une armada française de 4.500 soldats et de 50 avions de guerre, le tout pour un coût de 600 millions de FCFA par jour!
Un stratège qui oublie tant de choses ne peut réussir. C’est pourquoi Iyad a subi la raclée de sa vie. Nous avions écrit dans ces colonnes, au conditionnel, que sa cécité stratégique et politique lui avait valu d’être liquidé par ses propres lieutenants. Nous apprenons qu’en réalité, c’est son fils qui a perdu la vie lors de la bataille de Konna. Son fils, mais aussi une longue brochette de chefs terroristes dont la seule vue suffisait à mettre la brave armée malienne en déroute. Quant à Iyad, s’il n’est peut-être pas physiquement liquidé, il l’est en tout cas politiquement puisque certains de ses proches ont fait dissidence, créé le MIA et demandent à négocier avec le Mali. Au temps de son apogée, l’émir Iyad aimait marteler que la charia ne se négociait pas, n’est-ce pas ? On détient maintenant la preuve que même dans l’Azawad, une langue conserve toute sa souplesse!
Dernière minute :
L’épouse d’Iyad Ag Ghali arrêtée par les forces algériennes
L’épouse d’Iyad Ag Ghali, le chef d’Ansar Dine, a été arrêtée en fin de semaine dernière à la frontière de l’Algérie alors qu’elle tentait d’entrer dans ce pays sous une fausse identité. Elle est gardée, depuis, en lieu sûr. C’est cette dame qui avait été enlevée par Iyad au colonel El-Hadj Gamou, lequel avait eu d’elle un garçon.
Il faut rappeler que le bunker qu’Iyad avait fait édifier à Kidal, sa ville natale, a fait l’objet de bombardement français il y a quelques jours.
L’Algérie, à qui Iyad avait promis de ne jamais s’attaquer au sud du Mali et de privilégier une solution négociée avec le Mali, ne lui pardonne pas d’avoir rompu le pacte, plongeant la sous-région et la France dans la guerre.