C’est l’heure du bilan, une année après la signature de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali. Et si théoriquement l’accord connait des avancées, concrètement presque rien n’a été fait sur le terrain. Les acteurs du processus sont tous unanimes sur au moins une chose : les résultats ne sont pas à hauteur des ententes. Tout ou presque reste à faire : de la signature de l’accord à aujourd’hui, l’insécurité a fait plus de 300 morts et environ 200 blessés; les refugiés ne sont pas encore de retour ; en plus du nord, des foyers djihadistes se forment au centre du pays ; l’absence de l’Etat dans le Nord et le centre du pays a exacerbé les conflits intercommunautaires et de nouveaux groupes d’autodéfense voient le jour; les groupes armés ne sont pas encore cantonnés. Finalement le gouvernement malien et les groupes armés, après moult atermoiements, se sont mis d’accord sur les modalités pratiques de mise en place des autorités intérimaires, des autorités intérimaires qui devaient, normalement, être opérationnelles trois mois après la signature de l’accord.
Il y a de cela un an, la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) paraphait l’accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger. Un moment hautement symbolique choisi par Ramtane Lamamra, le ministre des Affaires étrangères d’Algérie, chef de file de la médiation internationale, pour faire le point sur la mise en œuvre avec les différentes parties du processus de paix au Mali. Il séjourne, à cet effet, depuis avant –hier à Bamako. Pour la même circonstance, Bamako accueille aussi Bilal Ag Sherif, le secrétaire général du Mnla (un groupe armé de la CMA) qui a quitté son fief de Kidal pour prendre part à la célébration de l’anniversaire de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali. A l’occasion de ce premier anniversaire de la signature de l’accord de paix pour la réconciliation nationale issu du processus d’Alger, Ibrahim Boubacar Keïta, a fait une allocution télévisuelle. Selon lui, un an après sa signature, l’accord connaît des progrès certains dans sa mise en œuvre, même s’il a reconnu qu’un certain retard et de multiples défis immenses jalonnent encore le processus de paix. « Dès le lendemain de la signature de l’accord de paix, le gouvernement s’est donc attelé à la mise en œuvre des engagements qu’il a solennellement pris devant la communauté internationale. Cette mise en œuvre est particulièrement complexe puisqu’elle recouvre des domaines aussi variés que les réformes politiques et institutionnelles, la défense et la sécurité, le développement économique, social et culturel ainsi que la justice, la réconciliation nationale et les questions humanitaires», a déclaré le président de la République. Depuis la signature de l’Accord, les obstacles à sa mise en œuvre se sont multipliés, selon IBK Selon IBK, dans la mise en œuvre de l’accord, « nous avons obtenu des résultats particulièrement édifiants qui sont autant de motifs de croire en la paix et qui nous engagent à poursuivre les efforts en cours». Comme actes posés, le président de la République citera entre autres : la nomination et l’installation des gouverneurs des nouvelles régions de Taoudéni et Ménaka pour lesquelles une enveloppe de 1 milliard huit cent millions de FCFA a été affectée pour la réhabilitation, la construction et l’équipement d’infrastructures de l’administration générale ; la promulgation de la Loi instituant les autorités intérimaires, puis l’adoption du décret fixant les modalités de mise en place desdites autorités ; l’amorce du processus de révision de la Constitution, à travers la mise en place du groupe de relecture et l’élaboration du chronogramme de travail, notamment pour prendre en charge les dispositions de l’accord relatives à la mise en place de la 2ème chambre du Parlement, le Sénat ; la création du cadre institutionnel de la Réforme du secteur de la sécurité (RSS) avec la nomination d’un Commissaire à la RSS ainsi que la relecture en cours du décret créant le Conseil national de la RSS. Ce travail a été fait en collaboration étroite avec les représentants des mouvements signataires. Dans la même veine, la Commission nationale de Désarmement, démobilisation et réinsertion (CN-DDR) et la Commission Intégration (C-I) ont été aussi créées ; la prise en charge par le Gouvernement des combattants des mouvements signataires, en attendant le démarrage effectif du processus de DDR ; l’identification des vingt – quatre (24) sites de cantonnement à viabiliser et le début de construction de trois (3) sites (Likrakar, Fafa, Inegar) et l’accord pour en construire cinq (5) autres supplémentaires ; la réalisation en octobre 2015 de la première patrouille mixte (FAMA et mouvements signataires) ; la remise des listes partielles des ex-combattants des mouvements signataires de l’accord, en vue de la constitution des premières unités du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) et du démarrage des opérations de pré-cantonnement et de DDR…. Après avoir fait un listing de toutes les « avancées de l’accord de paix, le président de la République a déclaré que chacun, à son niveau, a pu constater que tout ne se déroule pas comme prévu. « Depuis la signature de l’accord pour la paix, les obstacles à sa mise en œuvre se sont multipliés; le parcours qu’on a souhaité le plus paisible possible s’est avéré des plus sinueux et improbables, atténuant fortement, par moments, l’enthousiasme et l’espoir de nos concitoyens les plus optimistes», reconnait le président de la République. Il indiquera que très prochainement les autorités intérimaires seront installées et le Mécanisme opérationnel de coordination sera effectif. Sur le terrain, rien n’a changé Concrètement un an après la signature de l’accord rien n’a été fait sur le terrain. De report en report, les membres du Comité de suivi de l’accord(CSA) ont pu finalement s’entendre sur les modalités pratiques de mises en place des autorités intérimaires (15 juillet au 25 août) lors de la neuvième session ordinaire du comité de suivi de l’accord. Une question qui devait être tranchée au plus tard trois mois après la signature de l’accord. La méfiance et les tergiversations entre les membres du comité sont passées par là. Pendant six mois, au sein du CSA, l’organe chargé de la mise en œuvre de l’accord, les questions de la représentativité et du budget ont paralysé les travaux. Selon Jean-Hervé Jézéquel, le directeur adjoint du projet Afrique de l’Ouest de l’International Crisis Group(IGS), un an plus tard, c’est la désillusion. « Sur le papier, des dispositions ont été prises. Mais sur le terrain, très peu de choses ont été mises en place », a déclaré Jean-Hervé Jézéquel au journal le Monde Afrique. « Quelques sites de démobilisation ont été créés et des listes de combattants éligibles à la réinsertion dans les forces armées ont été fournies, mais les avancées sont mineures. Les parties refusent de déposer les armes avant de savoir qui va gouverner localement et quel va être leur sort, quels postes seront donnés à la Plateforme et au CMA dans le dispositif sécuritaire malien de demain», explique-t-il, tout en ajoutant : « Nous observons une extension des zones de violence, notamment vers le centre du Mali, ainsi qu’une multiplication des accidents. Même s’il n’y a plus de grandes offensives comme en 2015, la situation est très préoccupante ». Malgré la signature de l’accord de paix, le Mali reste en proie à l’insécurité. Le jeudi 16 juin 2016 à New York, le Chef de la Minusma, Mahamat Saleh Annadif, dans le cadre de la présentation du rapport de Ban Ki Moon, le Secrétaire général des Nations-Unies sur la situation au Mali au Conseil de Sécurité, a déploré la détérioration de la situation sécuritaire au Mali. Détérioration de la situation sécuritaire, malgré la signature de l’accord L’insécurité, de la signature de l’accord à aujourd’hui, a fait au minimum 300 morts et 200 blessés au Mali. Selon le patron de la Minusma, l’évolution de la situation demeure malheureusement toujours préoccupante. « Un an après la signature de l’accord de paix, force est de constater que ni les signataires, moins encore la médiation internationale, ne sont satisfaits du rythme d'exécution de sa mise en œuvre. Cette lenteur qui est difficilement compréhensible est en train de compromettre tout le processus, notamment la mise en place des patrouilles mixtes. La situation sécuritaire s’est notablement dégradée ces dernières semaines », a –t-il dit. En plus, estime Mahatmat Saleh Annadif, la situation au Mali affecte la région entière. « Les récentes attaques en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso illustrent la fluidité des groupes terroristes et l’interdépendance des pays dans la lutte contre le terrorisme », a expliqué le patron de la Minusma aux membres du Conseil de l’ONU. Selon Mahatmat Saleh Annadif, la faiblesse de l’Etat dans le Nord et l’absence d’un contrôle effectif du terrain par les autres parties là où elles sont présentes ont cédé la place à une montée du terrorisme, du crime organisé, du banditisme et des tensions intercommunautaires, etc. « Plus on accumule du retard dans la mise en œuvre de l’accord et la prise en charge réelle de ces défis, plus l’on risque de voir le processus de paix se fragiliser davantage», a avertit le chef de la Minusma. Il a souhaité un renforcement des capacités de la Minusma : « Il est nécessaire d’accroître les capacités à la fois de la Force et de la police en termes de personnel, d’équipements et de couverture aérienne.» La plupart des localités des régions du Nord et du Centre du Mali échappe au contrôle des autorités maliennes. Constatant des difficultés dans la mise en œuvre de l’accord, les populations de la région de Kidal ont haussé le ton le mois dernier. Les Kidalois ont, ainsi, manifesté pour non seulement inviter à une accélération de la mise en œuvre de l’accord de paix, mais aussi pour dénoncer l’absence des services sociaux à Kidal. L’insécurité et l’absence des services sociaux de base rendent difficile le retour des réfugiés. L’absence de l’Etat dans le centre et le Nord du pays a eu comme conséquence une multiplication des conflits intercommunautaires. Les conflits s’ethnicisent. Et pour se défendre, de nouveaux groupes armés voient le jour. A la veille de l’an I de l’accord de paix, plus précisément le samedi passé, un nouveau groupe armé a, ainsi, vu le jour au Mali. Il s’agit de l’Alliance nationale pour la sauvegarde de l’identité peule et la restauration de la justice (Ansiprj). Le mouvement politico-armé a été créé par des leaders peulhs remontés contre l’armée malienne qu’ils accusent de tuer injustement des membres de leur communauté. Le mouvement non djihadiste et non indépendantiste, selon son secrétaire général Oumar Aldjana, est un mouvement d’auto-défense. Madiassa Kaba Diakité
Source: Lerepublicainmali