Elle dépose son tissu à coudre chez son tailleur dans la perspective de la fête. Celui-ci le prêta à une autre fidèle cliente sans le consentement de la propriétaire. Et cette dernière menace de porter l’affaire à la police
Le mois de Ramadan tire vers sa fin et la fête du même nom s’approche à grands pas. Déjà le marché des vêtements et des chaussures grouille de monde. Idem dans certains ateliers de couture. Certains clients n’aiment pas être de la dernière minute. Ils préfèrent prendre de l’avance pour éviter des désagréments. Dans le cas présent, il agit d’une cliente. Une ressortissante du Septentrion que nous désignerons par T. vient de vivre l’amère expérience. Les faits se sont passés à Banankabougou sur la rive droite, en commune VI du district de Bamako.
En début de semaine dernière, T. se présenta chez A. dans son atelier. Ce jeune tailleur est relativement bien connu dans le quartier, jouissant d’une certaine notoriété du fait de la qualité de son travail. Ceux qui l’ont côtoyé apprécient sa façon de travailler. D’après certains de ceux-là, contrairement à nombre de jeunes tailleurs, rares sont les clients qui se plaignent de A. Outre son caractère jovial, il n’hésite pas à faire des cadeaux à certains de ses clients. Par cadeaux, il faut comprendre que le jeune homme peut coudre les habits de certains clients comme ils l’ont souhaité.
En plus de cela, il leur laisse le temps de payer à leur guise, sans les harceler. Par le passé, il aurait même été victime de coups tordus de la part de certains clients qui lui étaient pourtant fidèles. Mais le jeune homme n’en a jamais fait un problème. D’où l’unanimité sur sa bonté. Le jeune tailleur s’est toujours bien entendu avec ses voisins avec lesquels il était serviable et disponible, surtout ceux qui peuvent avoir besoin de ses services sur le plan professionnel.
D’après une maxime bien connue, « chaque jour qui se lève est différent de celui qui l’a précédé ». Et dans ce cas précis, notre jeune artisan, héros de l’histoire du jour, ne dira pas le contraire. Le jour où les faits se sont déroulés, le jeune tailleur a ouvert les portes de son atelier, comme d’habitude, tôt le matin. Quelques minutes à peine, certains de ses jeunes apprentis ont commencé à se présenter sur les lieux. Ils commencent à mettre de l’ordre à l’intérieur de leur lieu de travail.
Après environ une trentaine de minutes, la nommée T. se présenta à son tour. Ce jour là, elle fut d’ailleurs la première cliente à mettre les pieds dans l’établissement du jeune couturier. Celui-ci l’accueille comme il l’a toujours fait avec joie et respect. Mais la cliente était venue juste pour corriger une « erreur » qu’elle avait faite quelques jours avant, en déposant son tissu à coudre.
Ce jour là donc, elle avait bien regardé dans le catalogue (album-photo) du tailleur avant de choisir un modèle. Les deux avaient convenu du modèle et elle avait payé l’avance arrêtée aussi de commun accord. Mais entre-temps, la jeune femme avait changé d’idée sur le modèle qu’elle même avait librement choisi. Même là, le jeune homme n’a pas posé problème à sa cliente fidèle. Le tailleur avait la possibilité d’apporter toute autre modification sur le tissu. Du moins théoriquement. Il n’avait pas encore touché au tissu de la cliente du jour. Il avait pris toutes les mensurations, conformément au modèle choisi. Mais dans la pratique, le jeune homme avait remis le travail à plus tard, en rapport avec son agenda personnel. Pour lui, tout est déjà callé (ou presque). Mais bizarrement la visite matinale de la jeune ressortissante du nord a tout chamboulé.
Après les salutations d’usage tôt le matin, elle n’a pas tardé à évoquer les raisons de sa présence au jeune artisan. Elle lui dira qu’elle a changé d’avis pour ce qui concerne le modèle initial choisi. C’est ainsi que T. se lança dans une interminable explication au point de noyer le jeune tailleur. Celui-ci l’écouta calmement, tout en réfléchissant sur la nouvelle forme que sa cliente venait, à l’improviste, de lui proposer pour son tissu.
Après plusieurs minutes d’explications quasi-ininterrompues, le jeune artisan fit savoir à T. qu’il avait compris. Mais avec le nouveau modèle que cette dernière venait de proposer, les données ont logiquement changé. Elle devait payer une somme supplémentaire pour que le travail se fasse comme elle le souhaite. Son tailleur lui donne l’assurance que cela se fera comme d’habitude. La jeune fille était financièrement bien préparée avant d’arriver à l’atelier. Elle plongea sa main dans son sac et en ressortit avec quelques billets de banques. Elle paya sur place ce que le tailleur a demandé pour la nouvelle configuration de son nouveau vêtement de fête.
Jusque-là, aucun problème n’a été signalé dans l’atelier de A. Rapidement, le tailleur et sa cliente sont de nouveau convenus sur toutes les modalités à régler. Et le tout s’était passé dans une atmosphère bon enfant, devant des apprentis tailleurs qui furent témoins de la scène. La jeune fille se décide à quitter les lieux sur un « Au-revoir et à bientôt » au jeune tailleur et à ses apprenants. Elle se dirige vers la sortie de l’atelier. A peine a-t-elle mis le pied dehors, T. s’arrêta brusquement. Comme si elle venait de se rappeler d’un objet oublié dans l’atelier. Elle revient sur ses pas et posa une question qui semble pourtant banale : « Le nouveau modèle va-t-il bien avec le tissu que j’ai apporté l’autre jour ?», lança-t-elle au jeune couturier. Son vis-à-vis lui répond par l’affirmative, en lui donnant l’assurance que tout ira bien. Mais comme par intuition, et pour se rassurer, elle demanda à voir le tissu afin de se faire une idée sur ce que cela pouvait éventuellement donner après sa couture. C’est en ce moment que les choses ont commencé à tourner au vinaigre pour le jeune couturier.
Il appela un des apprentis et lui montra du doigt une caisse dans laquelle se trouvait un ballot de vêtements. Mais peu avant, il s’était levé lui-même pour regarder un « porte-manteau » sur lequel il mettait les tissus non cousus. Il n’avait pas vu le moindre morceau du tissu de sa cliente matinale. Le garçonnet, à son tour, a fouillé dans la caisse durant plusieurs minutes. Toujours rien. Le patron et l’apprenti ont cherché partout où ils pouvaient, au milieu des habits. Négatif. La cliente se leva elle-même pour mettre la main à la patte. Elle les aidera à chercher durant des minutes, sans succès. Au début, la jeune fille était très bouillante et très loquace. Mais avec la tournure subitement prise par les événements, à sa grande surprise, elle commença à être moins volubile, pour finir par devenir muette.
L’émotion était perceptible sur le visage de son couturier. Ce dernier aussi semblait avoir perdu son sang-froid. Mais heureusement pour lui, le salut et la providence ne tarderont pas à se manifester sous les traits d’un des jeunes apprentis. Celui-ci rappela à son patron un fait qu’il avait certainement oublié. Juste après le départ T. le jour où elle a déposé son tissu, le patron avait reçu une autre cliente. Cette dernière, une habitante du quartier Sénou. Reconnue comme une fidèle cliente, elle aurait longuement échangé avec le couturier sur des genres de tissus qu’elle voulait acheter pour la prochaine fête de l’Aïd-El-Fitr. Au terme de leurs discussions, et avec l’accord du tailleur lui-même, elle était partie avec le tissu de T. Elle devrait le ramener après s’en être servie au marché pour trouver un tissu similaire. Mais étrangement, le tailleur n’avait pensé pas à cela lorsque la vraie propriétaire lui avait demandé de lui montrer le sien.
Après les explications du jeunot à son chef, c’était comme s’il venait de le décharger d’un fardeau. « C’est vrai, je viens de m’en rappeler. C’est comme cela que ça s’est réellement passé l’autre jour après ton départ. Je te demande de m’en excuser. Je ferai tout pour qu’elle ramène ton tissu, le plus tôt possible, aujourd’hui », aurait lancé le couturier, en poussant un ouf de soulagement.
Mais ces mots n’ont pas semblé convaincre son interlocutrice. Cette dernière tenait à ce qu’il appelle l’emprunteuse d’urgence pour en avoir le cœur net. Le jeune tailleur se précipita de téléphoner à sa fidèle cliente de Sénou, pour l’informer de la mauvaise passe dans laquelle il se trouvait. Plusieurs de ses appels tombèrent directement sur le répondeur.
Entre temps, la ressortissante du Nord commença à perdre patience et à s’énerver. Avant de prendre congé de son tailleur, elle lui a fait clairement savoir qu’elle ne veut pas voir son tissu entre les mains d’une quelconque cliente sous quelque motif que ce soit. Elle jura d’aller porter l’affaire devant le commissariat du 13e arrondissement si jamais à son retour à l’atelier, dans l’après-midi, elle ne trouve pas son tissu chez le tailleur. Sans pouvoir nous en donner la certitude, nos sources nous ont expliqué que l’affaire se serait finalement bien arrangée entre le tailleur et sa cliente. Reste à savoir si cette dernière va continuer à fréquenter l’atelier de son fidèle couturier du quartier.
MH.TRAORE
Source: Essor